Témoignage. "On ne devrait pas mourir enfant", la maman de Jeanne morte à 8 ans d'un cancer se bat pour faire avancer la recherche

Publié le Écrit par Sylvain Duchampt
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Depuis 2019, la course La Jeannette est organisée à Toulouse (Haute-Garonne) en hommage à Jeanne, une petite fille de 8 ans décédée d'un cancer. La maman de la petite fiile, Marion Godart, se bat pour faire prendre conscience à tous que "ça peut arriver à tout le monde".

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Jeanne était cette jolie petite fille brune et blonde aux yeux bleus. Un jour de novembre 2018, elle est morte dans les bras de sa mère. Elle n’avait que 8 ans, fauchée en 6 mois par un cancer infiltrant. Beaucoup ne le savent pas. Le cancer est la première cause de décès par maladie chez l’enfant. À peine 5% de la totalité des fonds de la recherche est dédiée aux cancers pédiatriques. 2500 enfants déclenchent des cancers en France. 500 en meurent tous les ans.

Ce chiffre "parait juste fou" pour Marion Godart, la mère de Jeanne. D’autant plus fou que le cancer de Jeanne était incurable. Ce constat "il n’y a pas de solutions pour sauver Jeanne" était inaudible pour les parents de la petite Toulousaine. "Je suis quelqu’un de très cartésien, raconte la jeune femme de 41 ans. Je me suis dit que ce n’était pas possible. Il a fallu que je déplace mon énergie sur autre chose." Elle s’est donc concentrée à offrir une fin de vie "pleine d’arcs-en-ciel et avec un feu d’artifice" enclenchant au passage une solide chaine de solidarité. Après la disparition de l’écolière du quartier des 7 Deniers, l’idée de créer une course s’est imposée.

La Jeanette a alors vu le jour. La course caritative organisée en hommage à Jeanne a aussi pour but de récolter des fonds pour la recherche sur cette maladie. L’argent récolté lors des précédentes éditions a été reversé à l'Institut Gustave Roussy. Pour l’édition 2022, 21.265 euros récoltés. De nombreux partenaires (mairie de Toulouse, Solution mobilier, la SNCF, Decathlon, Intersport, Stade toulousain) sont venus aider. La maman de Jeanne témoigne.

France 3 Occitanie : quand avez-vous su que Jeanne était malade ?

Marion Godart : en 2018, on lui a diagnostiqué un neuroblastome infiltrant. Il s’est développé en infiltrant le tronc cérébral. Elle a suivi un protocole classique avec de la chimio et de la radiothérapie. Son cancer s’est déclenché au mois de mars et en septembre il y a eu une crise un peu plus conséquente que les autres. C’est à ce moment-là que nous avons constaté qu’il s’était développé dans tout le corps. Il y a des cancers incurables dont le taux de guérison est de zéro %.

France 3 Occitanie : Comment avez-vous réagit lorsque vous appris l’existence de ce cancer chez votre fille ?

Marion Godart : moi j’étais en enceinte de trois mois lorsque j’ai appris que Jeanne était malade. Ce sont peut-être les hormones, je me suis dit "on va sortir de cette maladie grandi". De manière générale, je pensais que l’on ne pouvait pas en mourir. J’avais en tête que "si elle va à l’hôpital, c’est qu’elle va guérir même si cela va être compliqué." J’ai arrêté de travailler. Je me suis mise au service de la maladie afin de faire ce que l’on me demandait de faire. C’est pour cela que j’ai été véritablement abattue, car cela arrivait au moment de la naissance de mon troisième enfant. Quand on m’a dit que la maladie repartait, je me suis dit : "ce n’est pas normal". On a fait tout ce que l’on m’a demandé. Lorsque l’on m’a dit : il n’y a pas de solution, là j’étais vraiment abattue. Je me suis dit que ce n’est pas possible.

France 3 Occitanie : connaissiez-vous cette maladie avant que le cancer de Jeanne se déclare ?

Marion Godart : je ne le savais pas à l’époque. Elle est morte 9 mois après avoir déclenché sa maladie, en novembre 2018. Moi avant que Jeanne tombe malade, cela me paraissait totalement fou. Je ne pensais pas qu’un enfant pouvait avoir un cancer. Car je n’en n’avais jamais entendu parler. C’est pour cela que la "Jeannette" avait plusieurs objectifs : faire quelque chose de festif mais dire aussi aux gens que cela existe et qu’il faut vite donner pour que la recherche aille plus vite. On est tous concernés.

France 3 Occitanie : comment avez-vous vécu et géré cette maladie de Jeanne ?

Marion Godart : pour Jeanne, quatre choses étaient très importantes : c’était sa famille. Ses amis. L’école et la danse.  L’école l’a énormément portée durant sa maladie. Le quartier a créé une véritable solidarité. Nous avons eu la grande chance d’avoir cette chaine de solidarité des habitants, des copains ou non, qui ont juste toqué à la porte et qui ont un peu porté. Au début nous ne voulions pas. Ils nous ont déposé les plats devant la maison.  Et ça c’est resté très fort en moi. Je me suis dit qu’il y avait des gens qui étaient prêts à faire plein de chose. Ils étaient tous très partants. Bien sûr, j’étais très triste mais je me suis dit que je n’étais pas la seule à être triste car elle avait énormément d’amis.

France 3 Occitanie : et Jeanne ? Avait-elle conscience de la situation dans laquelle elle était ?

Marion Godart : je pense que oui. Il y a quelque chose d’incroyable. C’est que les enfants veulent absolument protéger les adultes. Si ils pleurent, ils rendent tristes les adultes. Donc ils ne pleurent pas. Jeanne ne nous a jamais dit "je vais mourir" mais je suis persuadée qu’elle savait. Elle m’a dit : "je resterais une petite fille". "Pourquoi ?" lui ai-je demandé. Elle m’a répondu : "c’est bien d’être un enfant". C’est vrai, c’est super d’être un enfant. Mais on ne devrait pas mourir enfant. Pour répondre à la question : dans sa tête elle savait qu’elle allait mourir mais elle ne voulait pas me rendre triste.

France 3 Occitanie : quelles conséquences a eu le décès de Jeanne auprès de vos proches et des personnes qui la connaissaient ?

Marion Godart : sa disparition a provoqué un véritable traumatisme au sein de l’école. Il y a eu un accompagnement psychologique après son décès. Il faut savoir que Jeanne est décédée un jeudi. Le mardi elle était encore à l’école. Les enfants ont donc été fortement touchés. Du coup, cela a provoqué un véritabe tsunami émotionnel chez les gens. Je pense ainsi qu’ils sont contents qu’il y ait la Jeannette car on lui rend hommage. Les années ont passé. Cela fait quatre ans que Jeanne s’en est allée. Elle aurait 13 ans aujourd’hui. La course permet de raconter son histoire mais aussi de se dire, on a de la chance.

Des fois lorsque l’on a des petits enfants, cela tourne dans tous les sens. On se dit : je suis fatiguée. Mais il suffit de faire un zoom arrière et se dire "quelle chance on a !". Nous on mangeait bio. Nous n’avions pas de télé. Ce pourquoi elle a eu le cancer, je ne sais pas. Cela a tourné longtemps dans ma tête. On n’en saura jamais rien. Nous n’avons pas eu le choix. Cela nous est tombé dessus.

France 3 Occitanie : et vous comment allez-vous ?

Marion Godart : cela va bien, merci. Par rapport au décès d’un enfant, je pense que nous n’aurions pas pu ne pas nous relever. Nous avons eu la chance d’avoir d’autres enfants. Quand j’ai perdu Jeanne, j’avais un petit bébé de trois mois. Très sincèrement, je voulais me jeter par la fenêtre lors de la disparition de Jeanne. Quand on arrive au bout, on se dit que ce n’est pas possible. On ne voit que du noir. Ce petit garçon qui me souriait m’a permis de m’accrocher à la vie. Après je ne vais pas vous dire que tous les jours sont joyeux. Je pense tous les jours à Jeanne. Elle nous accompagne. Ma cadette qui allait très très mal au décès de sa sœur va beaucoup mieux. Et nous avons aussi une petite sœur qui vient d’arriver. Cela fait du travail mais cela permet de ne pas trop réfléchir. Je me disais que nous avions des solutions pour tout mais je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas. On est en fait très petit. Il faut rester humble. Nous avons voulu apporter notre pierre à l’édifice.

France 3 Occitanie : vous avez encore l’intention de continuer à développer la Jeannette ?

Marion Godart : tout le monde a envie que cela continue. Nous allons mobiliser toute notre énergie pour que cela se fasse. En 3 ans, nous avons récolté plus de 50.000 euros. C’est assez conséquent. Donc oui, nous avons envie de faire l’édition 2023. Cette année nous avions déjà 800 coureurs. Pour l’an prochain, nous espérons avoir autant de monde. Ce que l’on recherche aussi ce sont des entreprises partenaires, des mécènes qui ont envie de dire "nous souhaitons aider cette cause. Cela nous parle. Le cancer des enfants, cela ne devrait pas exister. Il faut aider la recherche."

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