Lors de ce second tour des élections régionales et départementales, certains bureaux de vote du Mirail à Toulouse réalisent des taux d'abstention record en France. Reportage avec ses habitants ce lundi pour en comprendre les raisons.
En plein coeur du quartier Bellefontaine en ce lendemain d’élection, les discussions sont très éloignées des résultats des scrutins de la veille. Au Mirail, l’abstention frôle des records. Sur certains bureaux de vote, plus de 70% des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes dimanche pour les élections régionales et départementales.
"Je cherche d'abord à savoir comment je vais manger "
Devant le bureau de la Poste du quartier Bellefontaine, deux mamans parlent d'emploi et de difficultés de fin de mois. Quand on leur pose la question du vote d’hier, l’une d’entre elles me répond sèchement : « Ce n’est pas ma priorité ! ». Maman de 5 enfants, à 42 ans Sana travaillait pour la Régie du quartier pour des ménages. Son contrat s’est arrêté il y a un an avec la pandémie, aujourd’hui, cette mère de famille solo vit dans une grande précarité.
Je n’ai pas été voter car cela ne changera rien à ma situation. Avec la crise, elle s’est même aggravée, je n’ai plus de travail, alors avant d’aller voter je cherche d’abord à savoir comment je vais manger. Même pour trouver un logement je galère !
40% de taux de chômage au Mirail
Dans un quartier où le taux de chômage frôle les 40%, beaucoup d’électeurs se sentent déconnectés des discours politiques, encore plus au niveau départemental ou régional.
Un certain fatalisme, inquiétant, a gagné ces électeurs qui se sentent oubliés.
Cette abstention illustre une désespérance et une grande précarité. Les habitants de ces quartiers ont encore plus souffert de la crise Covid que partout ailleurs.
Jean Louis Llorca a été réélu sur son canton hier avec 61,96% des voix. « Sur le terrain notre travail rassure, on a été très présent pendant la pandémie, mais ce n’est pas suffisant », poursuit l’élu. « Nous avons travaillé sur la mixité dans les collèges par exemple. Mais sur l’emploi, c’est une problématique de l’Etat. Les gens veulent travailler, mais il y a peu d'emplois surtout pour ceux qui ne sont pas qualifiés. Il y a désormais de l’indifférence vis à vis des politiques plus que de la colère, c’est préoccupant ».
Beaucoup d'électeurs ont déménagé
L'autre cause de cette abstention record au Mirail est aussi liée à la grande rénovation urbaine engagée dans ce quartier depuis quelques années. Des barres d’immeuble ont été détruites, beaucoup d’électeurs ont déménagé ces dernières années. Certains n’ont pas réalisé les démarches pour changer leur adresse électorale.
Ce que nous confirme Laïla, une néo habitante du quartier. « Je n’ai pas pu aller voter car j’ai déménagé et avec la pandémie, j'ai oublié de faire les démarches pour m’inscrire sur les listes électorales de mon nouveau quartier. »
Un peu plus loin, un homme d’une soixantaine d’années se mêle à la discussion « Certaines personnes sont surtout dégoutées. Avec la pandémie, nos situations, qui étaient déjà précaires, se sont aggravées. Les gens n’ont plus envie. Moi, j’ai été voter mais je comprends les abstentionnistes ».
Les jeunes ont déserté les isoloirs
Une abstention dans ce quartier populaire toulousain très forte, surtout chez les jeunes. Nazim, 18 ans, dit avoir été voter pour la première fois mais avoue qu’il est bien le seul parmi ses copains.
Ils ne se sentent pas intéressés par la politique. Ils ne savaient même pas pourquoi il fallait voter. Certains veulent surtout travailler, d’autres profiter du déconfinement !
Effectivement, un ami le rejoint ce lundi matin et prend part à notre entretien : « Ah bon, il y avait des élections hier ? Pour élire qui ? Mince, j’avais oublié. De toute façon, ça change rien ! » dit-il un brin désinvolte en s’éloignant avec son copain.