A Toulouse, on apprend aux avions à gonfler leurs ailes comme les oiseaux

Des chercheurs toulousains ont conçu une aile qui se déforme comme celle des oiseaux. Peut être la fin des volets sur les avions et sans doute des économies importantes de bruit et d'énergie. Airbus a déjà signé un contrat avec les scientifiques.

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A Toulouse, des chercheurs font appel aux dernières technologies pour développer une nouvelle génération d'aile d'avion capable de se déformer comme le font celles des grands rapaces, afin de rendre les vols plus économes et moins
turbulents.

"Nous cherchons à imiter le mouvement des plumes sur les ailes des grands rapaces, pour augmenter la portance à basse vitesse, réduire la résistance au vent et avancer plus facilement, ou même diminuer le bruit aérodynamique en cassant les turbulences autour de l'aile", explique Marianna Braza, responsable du projet à l'Institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT).

C'est la première fois, assure Mme Braza, que des scientifiques mettent les techniques de pointe comme les alliages à mémoire de forme ou les polymères électro-actifs au service de cette "bio-inspiration".

Les chercheurs de l'Institut national polytechnique de Toulouse, et des labos du CNRS, Laplace et IMFT, se sont associés il y a cinq ans environ pour ces recherches sur le "Morphing électroactif", c'est-à-dire l'adaptation de forme par excitation électrique.

L'IMFT présente le fruit de ses recherches cette semaine à Londres à l'occasion de l'exposition scientifique de la Royal Society (1-6 juillet), sous forme d'une maquette d'aile "électro-active", qui se gonfle et se dégonfle par excitations électriques.

Des matériaux intelligents

Les labos toulousains ont associé trois types de "matériaux intelligents" pour optimiser les effets recherchés sur le bord de fuite des ailes (la partie arrière). L'élément principal est composé d'un alliage à mémoire de forme parcouru par du fil électrique : le courant le réchauffe et peut le dilater jusqu'à 10% de son épaisseur, procurant des cambrures importantes en phase de décollage ou d'atterrissage.

Ces mouvements de grande ampleur sont lents et les chercheurs toulousains ont mis au point un dispositif complémentaire provoquant des déformations beaucoup plus légères de moins d'un centimètre mais vibrant jusqu'à 200 hertz (fréquence par seconde). "Cette action de grande fréquence casse les turbulences autour de l'aile pour les rendre moins perturbantes", explique Marianna Braza.

Les chercheurs prévoient d'y ajouter un troisième dispositif, toujours du registre de la "bio-inspiration" par référence aux petites plumes fines au bout des ailes des grands rapaces, ils vont implanter sur leur maquette de petites lamelles en polymères électroactifs vibrant encore plus vite.

Malgré ce large recours à l'électricité, la responsable de l'équipe assure que "cette aile a un faible poids énergétique, car ces matériaux intelligents ont la propriété d'emmagasiner l'énergie vibratoire environnante apportée par le vol lui-même et d'en restituer une partie pour le morphing".

Réduire bruit et consommation

Le recours aux "matériaux intelligents" pourrait permettre de se passer à terme des volets mobiles, sources de vibration et parfois d'instabilité. "Sur notre prochaine maquette, on va supprimer la jonction entre l'aileron et le corps principal de l'aile : on va vers une aile entière dont le bord de fuite sera en matériaux intelligents" indique la chercheuse.

Airbus s'intéresse depuis des années au bio-mimétisme et a déjà équipé ses modèles récents A320 et A350 de winglets et de sharklets (ailerons) en bout d'aile réduisant trainée et consommation de 4% environ. Le groupe aéronautique a conclu un contrat avec les scientifiques toulousains "pour passer dans 18 mois de la maquette (40 cm sur 20 cm) à un démonstrateur d'aileron intelligent à l'échelle 1", indique Mme Braza.

Ces dispositifs permettront de gagner "encore plusieurs points de consommation et de réduire le bruit à bord"  selon elle. Si tout va bien, l'équipe toulousaine estime que ces ailes intelligentes pourront être testées en vol d'ici à 10 ans en vue d'une mise en service commercial à l'horizon d'une vingtaine d'années.

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