Un patient atteint de tachycardie ventriculaire réfractaire a été traité par radiothérapie, lundi 31 mai, à l’IUCT-Oncopole de Toulouse en Haute-Garonne. Une première médicale pour la ville rose dûe à la coopération des équipes de radiothérapie de l’Oncopole et de cardiologie du CHU de Toulouse.
C’est une première pour Toulouse. La radiothérapie, généralement consacrée au traitement de cancers localisés, a été utilisée pour la première fois à l’IUCT-Oncopole ce lundi 31 mai pour soigner un patient atteint d’un trouble du rythme cardiaque.
Une intervention rendue possible grâce à la nouvelle coopération entre les équipes de radiothérapie du Pr Elizabeth Moyel de l’Institut Universitaire des Cancers de Toulouse-Oncopole et les équipes de rythmologie du Pr Philippe Maury et Dr Anne Gardères-Rollin du CHU de Toulouse.
La procédure s’adresse à des patients porteurs d’une tachycardie ventriculaire réfractaire, qui ne répond pas aux traitements usuels.
Un traitement réservé à de rares cas
La contraction du coeur est due à la propagation homogène d’un influx électrique dans le muscle : c’est le mouvement cardiaque. Les patients atteints de tachycardie ventriculaire ont, sur la paroi de leur coeur, une zone dite de fibrose, peu viable qui ne se contracte plus. « Dans cette zone fibrose, qui est généralement une séquelle d’un infarctus, l’influx électrique se propage mal. C’est comme s’il y avait un nouveau circuit électrique indépendant, avec une nouvelle contraction qui s’emballe au niveau du muscle cardiaque », explique le Dr Jonathan Khalifa, radiothérapeute à l’IUCT-Oncopole de Toulouse. C’est cette zone de fibrose qui doit être irradiée.
La prise de médicaments anti-arythmique ou des séances de radiofréquence permettent habituellement de soigner les patients atteints de cette pathologie. « La radiofréquence se pratique sous anesthésie générale et consiste à venir par un cathéter dans la cavité cardiaque et à griller la zone responsable du trouble », précise Dr Jonathan Khalifa. Mais, dans de rares cas, certains patients présenter une tachycardie ventriculaire réfractaire aux traitements usuels.
La radiothérapie permet alors de détruire la zone cardiaque à l’origine du foyer de tachycardie, sans anesthésie.
Une intervention non invasive de grande précision
L’idée d’allier la radiothérapie à la cardiologie vient des États-Unis. Selon le Dr Jonathan Khalifa, elle soulève un double défi. Le premier est d’identifier la cible à irradier. « Le scanner qu’on utilise en radiothérapie ne permet pas de voir la zone de fibrose. Il a fallu intégrer dans nos logiciels des informations venues de l’univers de cardiologie, avec lesquelles on n’avait pas l’habitude de travailler ». Cette procédure d’imagerie est une étape importante du traitement, qui permet également de calculer la dose de radiothérapie à délivrer.
L’Institut de rythmologie et modélisation cardiaque (Liryc) de Bordeaux y participe. « Nous avons délivrer à ce premier patient une dose de 25 gray. A titre de comparaison, une dose pour irradier une tumeur est généralement comprise entre 8 et 18 gray », explique le Dr Jonathan Khalifa. Une forte dose d'irradiation qui présente le second défi de l'intervention : la gestion du mouvement cardiaque et respiratoire du patient durant la délivrance de la dose d’irradiation.
Le faisceau d’irradiation s’adapte aux mouvements naturels respiratoires et cardiaques. Il n’agit que lorsque la zone à irradier est dans des positions très précises, relevées lors du scanner grâce aux données des cardiologues.
C’est un travail entre deux équipes qui, généralement, ne dialoguent pas ensemble et qui ont peu de choses en commun. C’est ce qui est génial et qui fait l’originalité de la procédure.
Durant l’intervention, le patient n’est pas sous anesthésie générale. Il porte un système de contention pour l’immobiliser quasi totalement. La procédure dure environ une heure. Selon l’IUCT-Oncopole même si le premier patient a été gardé à l’hôpital pour effectuer plusieurs vérifications, cette technique ne « nécessite pas d’hospitalisation ».
Un manque de recul sur cette technique récente
« Cette technique a été élaborée il y a quatre ans aux États-Unis », rappelle le Dr Jonathan Khalifa. En France, elle a été utilisée pour la première fois en 2020, à Lille. Selon les premiers résultats, son efficacité porte sur la réduction des épisodes de trouble du rythme. « On en est qu’à l’étape première : l’appropriation de la technique. Il est encore trop tôt pour savoir si elle améliore la chance de survie des patients », explique Dr Jonathan Khalifa.
Le radiothérapeute confie « qu’il s’agit d’une technique confidentielle rare puisqu’elle est réservée à des échecs de traitement ». D’ici le début de l’été, un deuxième patient devrait pouvoir en bénéficier à Toulouse.