Toulouse est une des villes de France où la gronde lycéenne est la plus forte ce mardi. Un peu partout dans la ville rose des manifestations ont dégénéré. Un chaos à l'image de l'état d'esprit des lycéens, très inquiets pour leur avenir. Voici leurs témoignages.
"De toute façon, on n'a aucun avenir". Dans un nuage de gaz lacrymogène et à quelques mètres de poubelles en feu devant le lycée des Arènes à Toulouse, Leïla, en terminale S, reste imperturbable: rien ne l'empêchera de manifester.
"Qu'on n'essaie pas de nous duper, je vois comment se passent les choses autour de moi, on fait sept ans d'études pour finir au chômage ou au Smic", lance la jeune fille.
Pour la deuxième journée consécutive, des dizaines de lycées sont bloqués mardi à travers la France, les élèves réclamant pêle-mêle la suppression de plusieurs réformes dans l'Education nationale, mais exprimant surtout une "angoisse" profonde pour leur avenir.
"Entrer dans la vie adulte est une bataille perdue d'avance", estime Leïla.
Boostés par le mouvement des gilets jaunes
Opposés aux réformes du baccalauréat et du lycée, ainsi qu'à la plateforme d'accès aux études supérieures Parcoursup, les syndicats lycéens estiment que ces mesures vont renforcer la sélection sociale, mais avaient jusqu'à présent peiné à mobiliser.
La mobilisation des "gilets jaunes" depuis plusieurs semaines semble avoir donné un coup de fouet à leurs revendications.
Également scolarisée au lycée des Arènes, à l'extérieur du centre historique, Goubert, une élève de 1ère ES, est bien déterminée à participer au blocage de son lycée, "pour que le gouvernement nous entende enfin".
"Les gilets jaunes nous ont ouvert la voie, on a profité de la brèche, et maintenant plus rien ne pourra nous arrêter", assure-t-elle, certaine du "soutien général de la population".
A côté d'elle, des dizaines de jeunes, le visage parfois masqué, lancent des cris de joie et se prennent en selfie devant des poubelles qu'ils ont incendiées, bloquant partiellement la circulation sur un axe très fréquenté.
"Macron va peut-être enfin comprendre qu'il ne peut pas se foutre de nous, qu'on a une voix, qu'on a des choses à dire, qu'on ne peut pas jouer avec notre avenir, que....", égrène sans prendre son souffle un des protestataires ne souhaitant pas être identifié, avant d'être interrompu par un épais nuage de gaz lacrymogène.
Un mouvement de panique s'empare aussitôt des élèves qui s'éparpillent dans toutes les rues adjacentes.
Hall ravagé par le feu
Plus tôt dans la matinée, un énorme nuage noir s'élevait au-dessus de la périphérie ouest de Toulouse.
Devant le lycée Saint-Exupéry à Blagnac, des policiers ont dressé un périmètre de sécurité et les pompiers s'attèlent à éteindre l'incendie
qui a ravagé le vaste hall principal de l'établissement.
Des dizaines d'élèves, des internes notamment qui ont été évacués avec leurs valises, sont sidérés. "On a vu tout brûler, on était complètement impuissants, on ne pouvait pas intervenir", confie Alexandre, un élève de terminale.
Romain, en première, est tout aussi choqué, même s'il soutient être opposé aux réformes. "Tout avait pourtant bien commencé ce matin, on avait bloqué le lycée, il y avait une bonne ambiance, de la musique... Et tout d'un coup des jeunes ont mis le feu à une poubelle, puis à une autre, et c'est devenu incontrôlable".
Dans l'après-midi, des centaines de lycéens,500 selon la police, ont convergé vers le centre de Toulouse aux cris de "Macron démission" ou encore "des jeunes dans la galère, des vieux dans la misère, de cette société-là on n'en veut pas".
Face aux jeunes jetant des projectiles et s'en prenant au mobilier urbain, les forces de l'ordre ont fait usage de grenades de désencerclement et de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants, a constaté un journaliste de l'AFP.