La cour d'Appel de Toulouse a contredit le tribunal de commerce : ce mercredi 13 janvier elle a décidé de valider la reprise de l'institut de sondages BVA par ses anciens dirigeants, appuyés par le personnel. A Balma près de Toulouse, 500 salariés sont rassurés sur l'avenir de leur entreprise.
L'un des fleurons des entreprises de la région toulousaine, l'institut de sondages BVA, va rester Haut-Garonnais : ainsi en a décidé la cour d'Appel de Toulouse. Il avait été créé en 1970, puis repris en 2001 par 2 Toulousains, Gérard Lopez et Pascal Gaudin, qui l'avaient développé jusqu'à lui donner une dimension internationale.
Son avenir et celui de son millier de salariés était depuis 7 mois placé sur le terrain judiciaire. En effet, après un chiffre d'affaires record de 200 millions d'euros en 2019, le Groupe BVA a été frappé de plein fouet par la crise sanitaire, connaissant une baisse d'activité de l'ordre de 40%.
La société a d'abord été placée en redressement judiciaire en juin dernier. Dans le courant de l'été, quatre repreneurs potentiels se sont fait connaître, parmi lesquels le patron actuel de BVA, qui avait porté une offre soutenue par ses salariés.
Le repreneur britannique contesté
C'est finalement Alcentra, un fonds de dettes britannique, filiale de l'Américain BNY Mellon, qui a été retenu par le tribunal de commerce : ce candidat anglo-saxon avait l'avantage de détenir une créance de 140 millions d'Euros sur l'entreprise Haute-Garonnaise.
L'inquiétude soulevée aussitôt par cette décision concernait l'emploi : 2 000 personnes travaillent dans l'ensemble du groupe BVA, dont 1 000 dans l'hexagone et 450 rien que sur son siège basé à Balma, dans la périphérie de Toulouse.
Or l'offre d'Alcentra ne prévoyait la reprise que d'une partie de ces emplois, environ 320, et sous conditions : "Il y a une sûreté d'emploi de deux ans seulement, et encore, à condition de remplir le business plan qu'eux-mêmes vont établir", expliquait alors Ludovic Briey, le secrétaire du CSE (Comité Social et Économique) de BVA.
Nous avons dû discuter avec ce Fonds pour déterminer comment traverser ces difficultés ensemble, et l'accord n'a pas été trouvé. En fait les difficultés de BVA ne sont pas uniquement liées à la crise du Covid, pas uniquement non plus au mode de financement de notre croissance, mais à la collusion des deux.
Le parquet général fait appel
Alors se produit un fait rarissime : c'est Franck Rastoul, le Procureur Général auprès de la cour d'Appel de Toulouse lui-même, qui fait appel de cette décision.
L'audience devant la chambre commerciale de la cour d'Appel s'est tenue le lundi 14 décembre dernier : pendant plus de 7 heures de débats, les porteurs des 2 projets de reprise encore en lice ont présenté leurs arguments.
Face au fonds anglo-saxon Alcentra, sa vision financière et le risque de voir les activités les plus lucratives délocalisées aux Etats-Unis, le projet Xpage était constitué par les principaux actionnaires de l'institut, avec à leurs côtés la Direction Générale et le soutien des salariés de BVA.
Préférence aux repreneurs "historiques"
La décision était attendue pour ce mercredi 13 janvier : la cour a choisi finalement le projet Xpage pour la reprise de l'entreprise, ce qui a toutes les raisons de rassurer les salariés, inquiets pour l'avenir de leurs emplois.
Par son projet de reprise, l'actuelle Direction a su montrer qu'elle aussi lancer une nouvelle dynamique : elle a garanti le maintien de l'emploi pendant 3 ans, car l'activité a repris depuis le déconfinement l'été dernier, et de relativement "petites" sociétés du Groupe ont besoin désormais de personnel. Ce sont des engagements forts qui rassurent les salariés.
Dans le texte de l'arrêt rendu par la chambre commerciale, les 3 magistrats qui la composent expliquent qu’elle "a été sensible à l’exposé clair et sincère effectué par le représentant du personnel, qui a exprimé les craintes des salariés face à une nouvelle gouvernance étrangère ignorante des pratiques du groupe BVA" ainsi "qu’au risque de délocalisation des activités de BVA".
L'un des autres motifs figurant noir sur blanc dans le jugement sonne comme un coup de semonce en direction des fonds d'investissements, dont l'appétit de rachat d'entreprises est aiguisé par leur fragilisation, du fait des crises sanitaires et économiques qui frappent actuellement l'Hexagone depuis le début de la pandémie mondiale de Coronavirus : elle se déclare consciente "des risques liés à ceux qui ont intérêt à faire prévaloir des logiques financières et d’optimisation sociale ou fiscale, au détriment du maintien de l’emploi".
Cette décision, si elle n'est pas invalidée par la Cour de Cassation, pourrait faire jurisprudence dans l'avenir.