Dispositif de sécurité exceptionnel à Toulouse après l'interdiction d'un rassemblement des Jeunesses nationalistes par la préfecture alors que les organisations de gauche appellent à manifester samedi en mémoire du jeune militant anti-fasciste Clément Méric tué par des agresseurs d'extrême droite
"Des moyens conséquents", c'est la seule information donnée par la préfecture pour décrire le dispositif de sécurité mis en place à Toulouse pendant le week-end. Un week-end sous haute tension dans la ville rose après l'agression mortelle à Paris jeudi du jeune militant d'extrême gauche Clément Méric.
Première annonce officielle de ce type depuis la mort de Clément Méric, les autorités ont interdit vendredi un rassemblement prévu samedi à Toulouse
par les Jeunesses nationalistes. La préfecture de Haute-Garonne a fait valoir les "risques importants de trouble à l'ordre public". Samedi sont en effet prévues à Toulouse plusieurs autres manifestations dont un débat, place Saint Georges, de la ligue des droits de l'Homme et un rassemblement anti-fascite à partir de 14 heures place Arnaud Bernard à l'appel de partis et d'organisations de gauche.
Dans le même temps, l'enquête sur la mort de Clément Méric, qui a fait descendre des milliers de personnes dans les rues des villes françaises progresse. Cinq personnes ont été déférées vendredi soir au parquet de Paris. Ces cinq personnes de 19 à 32 ans, dont une femme, gravitant dans les milieux d'extrême droite, devraient être présentées samedi à un juge d'instruction.
Les chefs d'ouverture de l'information judiciaire n'étaient pas connus dans l'immédiat. Le procureur de Paris, François Molins, doit tenir une conférence de presse samedi matin sur cette affaire.
Un homme de 37 ans avait été libéré en milieu de journée. Deux autres, dont une femme de 22 ans et un homme de 27 ans, ont été relâchés dans l'après-midi. Selon les premiers résultats de l'autopsie, Clément Méric est décédé des suites de plusieurs coups qui lui ont été portés, pas du choc sur un plot métallique, a-t-on appris de sources proches de l'enquête. Selon une des sources, il n'est pas démontré en l'état des investigations que les coups aient été portés avec un coup de poing américain, comme cela avait pu être évoqué.
Selon une source policière, plusieurs des suspects déférés sont connus comme proches du groupuscule Troisième Voie et de son service d'ordre, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), dont le leader, Serge Ayoub, a nié toute implication dans cette affaire.
Serge Ayoub, 48 ans, alias "Batskin", figure de la mouvance skinhead française, a été entendu pendant deux heures par la police vendredi après-midi dans un commissariat du XVIIème arrondissement de Paris. A sa sortie, il a affirmé que les personnes interpellées "ne faisaient pas partie des JNR".
L'un des auteurs présumés des faits, un skinhead de 20 ans, né à Cadix en Espagne, avait été interpellé jeudi en banlieue parisienne, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). "Tout le monde le connaissait avec son crâne rasé, ses blousons en cuir, ses treillis et ses tatouages, mais à part ça, il n'était pas connu pour des faits de délinquance", déclarait vendredi à l'AFP à son propos le maire d'une commune de l'Aisne où il a grandi.
Interrogé sur les raisons qui ont poussé les personnes impliquées dans la bagarre à l'appeler pendant la nuit suivant les faits, Serge Ayoub a répondu: "Il faudra leur demander."
Dès jeudi matin, Serge Ayoub avait livré à l'AFP une version très détaillée de la bagarre, expliquant que les militants d'extrême droite sur les lieux du drame "n'avaient qu'une seule envie, de s'en aller". La police compte sur l'interrogatoire des suspects, sur l'audition de témoins et l'exploitation de la vidéosurveillance, ainsi que sur l'autopsie de la victime, pratiquée vendredi matin, pour établir les responsabilités dans l'altercation survenue mercredi à la sortie d'une vente privée de vêtements de marques entre deux groupes de jeunes, les uns d'extrême droite, les autres d'extrême gauche.
Idées nauséabondes
Etudiant à Sciences Po originaire de Brest, militant antifasciste ("antifa") engagé et membre du syndicat Solidaires, Clément Méric avait été transporté mercredi soir à l'hôpital dans un "état désespéré". Son décès a été annoncé jeudi. Rapidement, des rassemblements étaient organisés en hommage au jeune homme, tandis que la classe politique condamnait unanimement cette agression qui, d'emblée, pour le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, portait "la marque de l'extrême droite".
Dans la soirée, plus de 15.000 personnes ont manifesté, à Paris comme en province, et notamment à Toulouse, aux cris de "Clément, Clément, antifa!", "No pasaran!" ou "pas de fascistes dans nos quartiers, pas de quartier pour les fascistes". Interrogé vendredi matin sur RMC, Manuel Valls a répété que des groupuscules d'extrême droite seraient "sans doute dissous" car, a-t-il dit, la République doit "s'attaquer aux idées nauséabondes qui nous rappellent les pires heures de notre histoire".