Traversée des Pyrénées : "comment je survis aux hommes randonneurs", Marie Albert raconte son périple seule sur le GR10

Marie Albert est autrice et journaliste. Elle fait un tour de France appelé "Survivor Tour", une marche politique et féministe. Actuellement, elle traverse les Pyrénées seule. Elle veut alerter le public sur les violences sexistes, sexuelles et encourage les femmes à se réapproprier l’espace public, sans être accompagnée d'un homme censée la protéger.

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Marie Albert est autrice et journaliste. Elle fait un tour de France appelé "Survivor Tour", une marche féministe. Elle traverse actuellement les Pyrénées seule. Elle veut alerter le public sur les violences sexistes, sexuelles et encourage les femmes à se réapproprier l’espace public, sans être accompagnée d'un homme censé les protéger.

"J’ai donné à ce voyage un sens politique en l’appelant "Survivor Tour", en français « Tour de France d’une survivante », explique-t-elle sur son blog sur le site Madmoizelle. Car j’ai survécu à de multiples agressions sexuelles pendant ma courte vie et je me définis aujourd’hui comme féministe".

Stratégies de résistance

Cet été, Marie Albert, 29 ans, s'est lancée dans la troisième étape du "Survivor Tour". "Je compte marcher du 1er juillet au 30 septembre 2023. J’espère parcourir 1 500 kilomètres de plus, dont 922 kilomètres sur le sentier de grande randonnée GR10. Je vise la Méditerranée et même Montpellier pour la fin de cette étape". C'est ainsi que débute l'article de son blog sur son périple pyrénéen.

Son objectif : sensibiliser au sexisme tous azimuts que subissent les femmes au quotidien, jusqu'à l'intérioriser et ne plus oser pour beaucoup randonner, seules, par peur des agressions. La militante veut témoigner des évènements marquants et des violences qu'elle est amenée à subir en chemin. Elle raconte aussi comment elle met en place des stratégies de résistance face aux pressions et de protection face aux agressions. L'une d'elles étant la fuite.

"Non" dans le cou

"Casquette « FEMINIST » sur la tête et tatouage « NON » dans le cou, je compte user de mes bâtons de randonnée pour survivre aux vertigineuses montées et descentes", commente-t-elle en préambule. Les gens me trouvent « courageuse » mais je n’en mène pas large. Depuis des semaines, j’ai une boule dans la gorge et mon cou est bloqué. Je me sens terrorisée par ce nouveau départ. Je m’apprête à traverser les Pyrénées en solitaire. Je vais marcher et dormir sous la tente pendant trois mois. Les autres me mettent en garde contre les "ours" et les "agresseurs" mais j’ai juste peur du dénivelé". 

"Chaque soir ou presque, je dors seule sous ma tente, malgré les avertissements des personnes que je croise, qui craignent que je sois « violée et assassinée » dans les bois. Le mythe du petit chaperon rouge et du grand méchant loup a de beaux jours devant lui. Je n’affirme pas que je suis en parfaite sécurité sur les chemins de randonnée, car il existe des agresseurs partout, en ville comme à la campagne. Mais je ne crains rien la nuit car personne ne compte s’aventurer dans une forêt sombre à ma recherche. Je déclare à qui veut l’entendre que ma sécurité est davantage menacée à mon domicile avec un potentiel conjoint violent qu’au fond des bois".

Un récit sans filtre

Dans les Pyrénées qu'elle a "attaquées" par la façade atlantique, Marie Albert a déjà fait la rencontre de plusieurs randonneurs dont un plus que collant, d'autres condescendants entre autres. Elle a frayé avec l'un d'eux et mentionne la rencontre sans filtre.

"J’ai rencontré cet homme quelques jours auparavant et malgré la somme de « red flags » repérés, j’ai foncé dans le tas. Je l’ai embrassé après une soirée arrosée et j’ai passé les heures suivantes nue avec lui. J’y ai pris beaucoup de plaisir et je crois que lui aussi".

Aventurière au long cours

Mais quelques lignes plus loin, Marie Albert explique sa vigilance et explique "je ne fais plus confiance aux randonneurs". Dans un précédent tour, elle est sortie avec l'un d'eux. Il a fini par la harceler, la retrouver sur son parcours et elle a dû porter plainte pour s'en débarrasser. Dans son podcast Sologamie, elle détaille sur Instagram les coulisses de son premier mois dans les Pyrénées.

Les randonneurs sont insupportables

Marie Albert, journaliste et aventurière féministe

"Ils sont tous dans une compétition effrénée à qui fera le plus de kilomètres, qui va aller le plus loin, qui va traverser les Pyrénées en le moins de temps possible. Ils mettent la pression à tout le monde. Ils jugent les gens qui font des pauses comme moi. Ils me donnent des conseils en permanence alors que je n'ai rien demandé. Et encore, ça, c'est, la partie immergée de l'iceberg. Mais en dessous, il y a toutes les agressions, les gars qui draguent, les gars qui harcèlent , les gars qui sont violents..." . La journaliste ne parle pas dans la vie. Les commentaires de soutien affluent.

Courageuse et solidaire

L'aventurière n'en est pas à son premier voyage. Elle a déjà marché de Paris à Compostelle, seule et dédié les derniers 700 kilomètres aux victimes de féminicides, "ces femmes tuées en raison de leur genre". En 2019, elle a fait le tour du monde sur un cargo et publié un livre La Puissance, avec ce même engagement.

Courageuse, singulière et solidaire, Marie Albert fait un travail de défrichage qui libère. La parole pour commencer, mais aussi le chemin. Un acte salutaire pour donner plus de confiance en elles aux femmes. Salutaire pour faire prendre conscience aux hommes d'une culture et d'une éducation patriarcales qu'ils ont du mal à dépasser et de la joie qu'on peut éprouver à considérer l'autre comme son égal.

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