Un sanglier a été abattu ce lundi 3 janvier 2022 à Toulouse. Ce n'est pas la première fois que cette espèce sauvage fait une intrusion dans le milieu urbain. C'est devenu un classique dans les grandes villes d'Occitanie comme Toulouse, Nîmes, Millau ou Montpellier. Un phénomène sous observation.
Le 3 janvier dernier, les promeneurs du parc de la Faourette à Toulouse ont fait une drôle de rencontre : un cochon noir qui vadrouillait aux abords de la ville rose. Un sanglier d'une bonne cinquantaine de kilos, dans un parc, non loin de la rocade toulousaine.
Un sanglier abattu aux portes du centre ville de Toulouse
Le sanglier était seul et donc moins dangereux qu'avec une portée mais la proximité de la rocade et le risque d'accident ont fait que l'alerte a été donnée et le sanglier rapidement abattu. Il n'a pas provoqué de dégâts mais il recherchait certainement de la nourriture proche du marché de la Faourette à Toulouse.
Les forces de l'ordre ont fait appel à un lieutenant de louveterie, assermenté par la préfecture de la Haute-Garonne pour tirer sur l'animal en cas de dangerosité. Ce sont des agents bénévoles, sollicités pour tout ce qui touche la faune sauvage. En 2021, ces agents ont réalisé plus de 1000 interventions, sans aller forcément jusqu'à tuer la bête.
Tous les ans, des chasseurs mandatés par la préfecture de la Haute-Garonne effectuent plus de 6 500 prélèvements, mais l'espèce continue de proliférer près des centres-villes.
Une espèce qui se multiplie et se rapproche des villes
Des sangliers et autre faune sauvage qui pointent leur museau en milieu urbain, ce n'est pas une nouveauté.
Le sanglier est un animal hyper-intelligent, hyper-adaptable qui fait ventre de tout.
Nicolas Cayssiols, directeur Fédération de chasse de l'Aveyron
Pour le directeur de la Fédération chasse de l'Aveyron, les causes sont multifactorielles. "Ces animaux ont bien compris qu’en bord de ville, ils ne sont pas chassés et peuvent vivre plus tranquillement. Les espèces forestières comme les sangliers, cerfs, chamois, mouflons, etc... se portent très bien. Partout les effectifs sont à la hausse, assure Nicolas Cayssiols. Les travers de Millau sont envahis par les sangliers, pareil en dessous de Bourran à Rodez... Tous les ans, entre 12 000 et 14 000 sangliers sont abattus dans l'Aveyron, 30 000 dans le Gard. Il n'y a plus les mêmes démarcations entre ville et campagne. Les 2 territoires s'entrecroisent."
Disparus lors de la dernière guerre mondiale, le grand gibier a été réintroduit progressivement dans les années 58-68. Les sangliers ont depuis proliféré car ces suidés sont une espèce particulièrement adaptable. Avec 3 portées tous les 2 ans, jusqu'à 10 marcassins à chaque fois, le sanglier est un animal très intelligent et qui mange de tout. Il a rapidement compris que la ville était intéressante. Cet animal nocturne est peu dérangé par la circulation qui l'effraie peu et il peut trouver de quoi se nourrir, notamment avec les poubelles. Et ils sont de moins en moins chassés dans les campagnes faute de chasseurs. "Oui c'est vrai, mais on tue de plus en plus de sangliers. Tous les ans, entre 12 000 et 14 000 sangliers sont abattus," poursuit ce naturaliste.
"Ils raffolent des ronds-points à l'entrée des villes"
La faute à des plans d'urbanisme pas toujours faits dans le bon sens, un habitat qui se densifie et des choses plus inattendues : "Il y a beaucoup d'arrosages automatiques en ville où les sangliers peuvent trouver à boire. Ainsi, ils raffolent des ronds-points à l'entrées des villes ou encore des voies enherbées des tramways comme à Toulouse ou Montpellier."
Le réchauffement climatique (les hivers froids entrainaient souvent beaucoup de mortalité chez le sanglier), des coupes forestières plus nombreuses pour cause de chauffage au bois laissant plus de broussailles, la population de suidés est en forte augmentation, devenant parfois un fléau.
A Montpellier, le nouveau maire vient d'ailleurs de résilier le droit de chasse sur son territoire. C’est la première fois qu’une ville de cette importance prend une telle mesure. Le bonheur pour les sangliers n'est donc plus dans le pré, mais bel et bien en ville. Ce changement de comportement est de plus en plus observé et étudié.
Où est passé Charlie ?
Devant cette prise de conscience et suite aussi à de nombreuses interpellations, les préfectures ont demandé aux fédérations de chasse de réfléchir à cette nouvelle problématique.
Ainsi, le projet Via Fauna soutenu par l'Europe, la fédération nationale des chasseurs et la Région Occitanie. La fédération de chasse de Haute-Garonne a capturé et équipé plusieurs sangliers de GPS pour suivre leur comportement. Mi-décembre 2021, celle du Tarn a aussi placé un outil de géolocalisation sur Charlie, un jeune sanglier mâle de 45-50kg. Il est agrémenté d'un collier GPS fluo et de boucles auriculaires violettes.
Chaque semaine, son parcours est analysé et diffusé sur les réseaux sociaux par la fédération du Tarn. L'animal revient souvent sur son lieu de capture mais il voyage beaucoup (souvent entre 30 et 50 km certains jours) et notamment en zones périurbaines vers Albi ou Marsac. Les déplacements des sangliers sont identifiés pour veiller à une meilleure gestion écologique et en terme d'urbanisme.
Particulièrement friands des friches, des zones où les lotissements fleurissent sans se préoccuper de leur sort, les sangliers investissent ainsi les centres-villes. Ces GPS permettront de mieux comprendre leurs comportements. Dans l'Aveyron, 2 GPS attendent d'être placés sur les sangliers.
Les sangliers s'invitent dans les grands magasins
Depuis une dizaine d'années, la ville de Toulouse regorge d'exemples célèbres de sangliers poussant les portes et autres vitrines de magasins. En 2011, un mammifère omnivore forestier, un tantinet mélomane, s'était invité au Virgin Megastore. Il avait fini sa course, abattu dans le Canal du Midi. 2 ans plus tard, un couple avait endommagé la vitrine de Midica, en plein centre ville de Toulouse.
Plus proche de nous dans le temps, un sanglier certainement en déficience visuelle s'était retrouvé chez un opticien à Gratentour.
Une grande frayeur pour le commerçant qui l'avait filmé, mais la vie sauve pour ce visiteur, parti explorer d'autres territoires.