Il y a 60 ans naissait à Buenos Aires, sous la plume géniale de son auteur Quino, une petite fille rebelle qui se souciait des choses de la vie. Mafalda, symbole d’un esprit contestataire et anticonformiste du monde d’hier, devient une insolite porte d’entrée pour regarder le monde d’aujourd’hui.
La voix de Lucia Sanchez, auteure et réalisatrice du film, s'exprime au début du film : "Chaque jour quand je regarde le journal, ça me casse le moral. Le monde va trop vite. Il est injuste, violent et compliqué. Alors, je me souviens d’une petite fille qui disait "Il faut changer le monde, sinon c’est le monde qui va nous changer".
Cette petite fille s’appelle Mafalda et du haut de ses 6 ans, elle a marqué toute une génération. Brune, coupe au carré, nœud dans des cheveux, elle est vêtue d’une petite robe courte, de chaussettes blanches et de babies noires aux pieds. Enfant insubordonnée, impertinente, subversive, elle se pose des questions existentielles, sur la guerre, la faim dans le monde, les inégalités sociales, le racisme, les femmes, la corruption etc. luttant contre les injustices et pour la paix dans le monde.
Mafalda, héroïne de BD, est née en Argentine dans les années soixante, sous la plume de son auteur, Quino (de son vrai nom Joaquin Salvador Lavado Tejon). Elle vivait avec ses parents dans un quartier populaire de Buenos Aires et faisait partie de la classe moyenne. Elle détestait la soupe, celle qu'enfant, on nous force à avaler, parce que soi-disant, la soupe fait grandir...
Son père travaillait dans une compagnie d’assurances et sa mère était femme au foyer. Et c'est en la voyant faire le ménage toute la journée que la gamine est devenue féministe.
Mafalda avait l’art d’éveiller les consciences, tout en faisant rire et réfléchir. Elle cherchait toujours des réponses et mettait à mal, avec beaucoup d'humour, toutes sortes d’hypocrisies, en disant tout haut ce que d'autres pensaient tout bas. Elle était "la voix" et faisait réagir. "Si Mafalda nous plait tant, c'est qu'elle nous ramène à notre capacité première à ne pas comprendre le monde, à l'interroger et à le contester" nous dit la réalisatrice, rappelant dans son film, que ses ouvrages ont été interdits au moins de 18 ans...
La première apparition de Mafalda date de 1964. La petite fille est publiée dans le journal argentin " Primera Plana". Son succès est phénoménal. Commencent alors les albums. Traduits en vingt langues et vendus à plus de 2 millions d'exemplaires en France, elle est propulsée au rang des personnages de BD les plus célèbres dans le monde. Le succès durera une décennie, jusqu'en 1973, quand son auteur cesse de la dessiner.
Dans son film, tout en revenant sur les faits des années 60-70, Lucia Sanchez nous raconte l'histoire de Mafalda et fait revivre la petite fille pour notre plus grand plaisir. En questionnant le monde d’hier, la réalisatrice nous ramène à la société d’aujourd’hui. "C'est assez incroyable que ça a été dessiné il y a 60 ans. On voit bien que dans les sociétés capitalistes, ce sont des choses que l'on retrouve encore aujourd'hui" raconte l'une des intervenantes.
Et si Mafalda était toujours là ? Quelles questions poserait-elle ? Lucia Sanchez les pose à sa place. Que s'est-il passé depuis que Quino a arrêté de la dessiner ? Qu’avons-nous fait ? Où en est la paix ? Le féminisme ? La classe moyenne ? La planète ? Où en sommes-nous avec la colère ? Avec l'insolence ?
"Mafalda, reviens !" Un documentaire de Lucia Sanchez à voir le jeudi 30 mars 2023, à 22h50. Une production CFRT en coproduction avec Joparige Films, avec la participation de France Télévisions et de vià93.