Avec deux morts par balles en deux mois et plusieurs blessés lors de quatre fusillades, la question d'une "guerre des gangs" à Toulouse se pose, sur fond de trafic de drogue. Tentative de réponse.
Non Toulouse n'est pas Chicago, ni même Marseille ! Elus, policiers, préfet, sociologues, tous s'accordent au moins sur un point : la situation de Toulouse n'est pas "exceptionnelle" même si les récentes fusillades dans les quartiers du nord de la ville, autour de la cité des Izards, inquiètent les pouvoirs publics, notamment après la mort d'un homme de 25 ans, tué mardi soir dans une pizzeria de la route de Launaguet.Pour le sociologue Thierry Colombié, docteur en économie criminelle (chercheur associé au CNRS) et spécialiste en criminalité organisée, il n'y a finalement "pas tellement de règlements de comptes" violents à Toulouse, en rapport avec "l'importance du trafic de drogue". Le quartier des Izards est l'une des plaques tournantes de la drogue et ces fusillades à répétition ressemblent davantage à des séquences classiques du banditisme : il y a toujours eu, à Toulouse comme ailleurs, le différend sur une dette réglé à coups de feu, la bataille entre groupe de trafiquants ou des explications musclées au sein du "milieu".
Le préfet de région Henri-Michel Comet ne dit rien d'autre, lorsqu'il affirme, à nos confrères de La Dépêche du Midi, qu'établir "une comparaison entre les deux villes (Marseille et Toulouse, ndlr) serait objectivement excessif. Mais nous sommes lucides sur la problématique à laquelle nous sommes confrontés ici : il est établi par nos services de police que le quartier des Izards est une plaque tournante du trafic de cocaïne en Haute-Garonne". Même s'il reconnait un peu plus loin : "Dire que des armes à feu, de guerre parfois, circulent à Toulouse, c’est enfoncer des portes ouvertes."
Le quartier des Izards a été classé en ZSP par Manuel Valls en 2013 : cette Zone de Sécurité Prioritaire et censée concentrer des moyens de police supplémentaires et une "attention" soutenue par les pouvoirs publics pour mettre fin au trafic et assurer la sécurité des habitants. Cela n'a pourtant pas empêché que deux jeunes hommes de 18 et 25 ans tombent sous les balles en moins de deux mois. Simple coïncidence ?
En fait, pour Luc Escoda, du syndicat de policiers Alliance, les trafiquants sont "dérangés" dans leurs habitudes par la rénovation urbaine du quartier. La destruction par la ville de Toulouse de certaines barres, la réhabilitation de logements, obligent les dealers à se déplacer. Certains trafiquants sont désormais installés dans le nouveau quartier voisin de Borderouge. Le trafic est moins concentré sur la cité des Izards et, selon ce policier, c'est peut-être à une "guerre de territoires" que l'on assiste pour se disputer des "zones de deal".
Des renforts policiers ?
Pierre Cohen, le maire PS de Toulouse, a envoyé ce jeudi un courrier au ministre de l'Intérieur Manuel Valls, dans lequel il demande "l'affectation imminente de renforts (...) afin que les Toulousaines et les Toulousains de ce secteur puissent retrouver, au plus vite, la tranquillité d'esprit à laquelle ils sont en droit d'aspirer".Le préfet a annoncé l'affectation de 80 CRS pour veiller jour et nuit dès mercredi soir dans le quartier des Izards. Toutefois, une équipe de France qui s'est rendue sur place ce jeudi matin n'a constaté qu'aucun car de CRS ou aucun policier n'était ostensiblement positionné.