Avec des remontées mécaniques à l’arrêt, les amateurs de glisse troquent volontiers les skis de descente pour des skis de randonnée. Sauf que cette pratique ne s’improvise pas et encore moins sur des domaines non sécurisés et en période de fort risque avalanche.
Météo Pyrénées et Météo France mettent en garde. Un front chaud balaie actuellement la chaîne des Pyrénées avec des pluies jusqu’à haute altitude. L’humification du manteau neigeux jusqu’à 2500/2700m environ va accentuer le fort risque d’avalanches, déjà très important actuellement puisque les domaines ne sont pas sécurisés.
PLUIES ET DOUCEUR
— Météo Pyrénées (@Meteo_Pyrenees) January 27, 2021
Comme prévu ce matin, il pleut jusqu’à 2500/2600m environ surtout à l’ouest.
⚠️? le risque d’avalanches va grimper tout au long de la journée.
On attend 60/70mm de pluies en pointe.
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Un manteau neigeux fragile
Avec un manteau neigeux fragile et moins de déclenchements préventifs, le risque est double. Les pisteurs ne peuvent en effet actuellement pas prévenir avec précision les risques d'avalanches. Pas de filets, de balisage pour indiquer les rochers qui affleurent… Les skieurs de randonnée doivent donc redoubler de vigilance.
Un skieur de randonnée s’est laissé piéger ce 26 janvier. L’homme de 66 ans est mort emporté par une avalanche sur le domaine skiable de Luz-Ardiden dans les Hautes-Pyrénées.
Les variations de températures que nous connaissons actuellement ont une incidence sur le manteau neigeux. La couche de base n’est pas stable et le poids des couches superposées rend le manteau extrêmement friable et fragile. C'est l'état du manteau neigeux qui permet d'établir les risques d'avalanche.
Les avalanches
Le niveau d’intensité du risque d’avalanche est établi selon une échelle européenne allant de 1 (risque faible) à 5 (risque très fort).
https://www.anena.org/8912-echelle-de-risque-d-avalanche-et-nouveaux-pictogrammes.htm
Il faut savoir qu’il existe trois types d’avalanches :
- L’avalanche de neige poudreuse
Elle intervient pendant ou peu après de fortes chutes de neige. La couche de neige fraîche cède sous l’effet cumulé du poids et de la gravité
- L’avalanche de neige humide
Elle s’observe au printemps ou lors d’un redoux hivernal (ce que nous vivons actuellement) quand la température augmente au-dessus de 0° C ou en cas de pluie. En s’humidifiant, le manteau neigeux se fragilise, les couches s’effondrent, l’avalanche se déclenche alors.
- L’avalanche de plaque
Une plaque de neige compacte, mal ancrée au reste du manteau, se détache et glisse le long de la pente. C’est l’ennemie principale des skieurs et des randonneurs qui peuvent la déclencher lors de leur passage, voire à distance.
Sonder l'état du manteaux neigeux est une opération délicate menée par les pisteurs. Leur mission : relever deux fois par jour (en temps normal) de précieuses données, à différents endroits du domaine skiable. Températures extérieures, hydrométrie, densité de la neige, formes des cristaux sont envoyées à Météo France. Grâce à toutes ces données, un bulletin d'estimation du risque d'avalanches (BERA) est émis chaque jour.
Le BERA : la bible du pratiquant en montagne
Il est de toute façon recommandé aux skieurs de consulter systématiquement les bulletins d'estimation du risque d'avalanches émis chaque jour par Météo France. Le BERA ou Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche est une analyse détaillée des conditions météorologiques et nivologiques par massifs montagneux en France. Il est édité tous les jours à 16h depuis 1993 en période hivernale du 1er décembre à fin avril par Météo-France (les dates peuvent varier en fonction des conditions de neige en montagne).
Ce document est rédigé en croisant les données météorologiques de Météo-France et les données de terrain transmises par les professionnels formés à la lecture du manteau neigeux : guides de haute montagne et responsables de domaines skiables essentiellement.
Le bulletin est disponible gratuitement sur le site de Météo-France, onglet Montagne ou via l’application mobile Météo Ski de Météo France.
http://www.meteofrance.com/previsions-meteo-montagne/bulletin-avalanches
http://www.meteofrance.com/appli-meteo-ski
Le hic, c'est qu'actuellement, les domaines sont fermés et non sécurisés. Certains secteurs des massifs ont été damés pour permettre la préparation et la sécurisation des domaines ces derniers mois, en l'attente d'informations gouvernementales sur l'ouverture ou non des domaines skiables. Mais de nombreux couloirs n'ont pas été "purgés".
Par ailleurs, les pisteurs n'effectuent pas les relevés par battage (qui consistent à creuser et à sonder) et les données ne sont donc pas à jour. Comme le confie Francis Bassat, pisteur sur la station de Peyragudes, le danger est donc bien réel pour ceux qui s'aventurent actuellement en ski de randonnée sans l'expérience nécessaire.
Les gens vont en station en pensant que les pisteurs ont sécurisé le domaine mais en ce moment, ce n'est pas le cas. Il y a eu un travail de damage sur certains secteurs pour garder la neige. Mais sur d'autres, on n'a pas jeté d'explosif. Il faut que les gens gardent en tête que ce n'est pas parce qu'ils font du ski de rando en station que c'est hors danger, loin de là actuellement.
Un danger bien présent, sans compter que les adeptes du ski alpin n'ont pas forcément de compétences techniques en ski de randonnée.
Le ski alpin et le ski de randonnée : deux pratiques différentes
Si les deux sports se pratiquent sur des skis, la technique n’est pas la même et ne requiert pas les mêmes capacités physiques et connaissances de la montagne et des conditions météorologiques. Tout comme faire une randonnée l’été ou l’hiver n’a rien à voir, pratiquer sur un domaine sécurisé ou sur des espaces non préparés change également la donne. Des passages anodins peuvent se transformer en piège avec la neige. Et s’ajoute à une éventuelle méconnaissance du terrain le risque avalanche, actuellement très fort. Le téléphone portable n’est pas toujours d’un grand secours quand le réseau est inexistant… une personne qui ne connait pas le secteur ne saura pas où elle peut capter.
Lorsque l’on part non accompagné d’un guide professionnel, il faut être conscient des risques encourus. Voici les conseils des professionnels de la montagne.
Les impératifs avant de se lancer à skis de rando
- Avoir un niveau de ski correct. C'est-à-dire, être à l'aise sur une piste rouge.
- Bien connaître son niveau physique. La randonnée à ski est exigeante. Il faut une bonne condition physique pour avaler du dénivelé, soulever les skis et être capable de les maîtriser quelle que soit la qualité de la neige.
- Être capable de lire des topos et choisir un parcours adapté à son niveau.
- Consulter les bulletins avalanche par massif proposés par Météo France. Ils indiquent le niveau de risque. Au-delà de la gradation 2, on reporte la sortie.
- Prendre un guide de montagne. Outre sa connaissance précise du milieu et des itinéraires, il vous apprendra les gestes techniques: L'utilisation des fixations débrayables, la pose des couteaux, la réalisation de conversion. Le guide peut enseigner la lecture du terrain, la nivologie au cours de la randonnée et la manipulation du pack de secours DVA (détection des victimes avalanches), pelle et sonde.
Tout comme il est presque inutile d’avoir des chaînes dans son coffre de voiture si on ne s’est jamais entraîné à les poser au préalable sur ses roues de voiture… il ne sert à rien d’avoir le matériel DVA, la pelle et la sonde si l'on n'a jamais appris à s'en servir.
Le temps est compté pour retrouver une victime. Sachez qu’en cas d’avalanche, les chances de survie sont supérieures à 90 % si l’ensevelissement dure moins de 18 minutes. Elles chutent à 34 % au bout de 35 minutes. Il faut donc être entraîné régulièrement !
L'ANENA : une source d'informations pour vos sorties en montagne
L’Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (ANENA) sensibilise le grand public et les professionnels aux risques liés à la neige. L’Anena met à disposition de la documentation sur son site internet.
Plus d’infos : www.anena.org (15, rue Ernest Calvat à Grenoble. Tél. 04 76 51 39 39)
En auto-analysant avec objectivité votre niveau physique, en lisant le BERA (bulletin d’estimation des risques d’avalanche), vous pourrez réévaluer votre date de sortie en montagne ou adapter l’itinéraire. Faire appel aux guides de moyenne et haute-montagne permet de limiter les risques mais également d’apprendre des notions de nivologie ou de s’initier à l’utilisation du matériel de secours en montagne.