Le tourisme représente 90% de l'activité économique à Lourdes. La fermeture des hôtels, restaurants et de la plupart des commerces a plongé les travailleurs saisonniers dans une grande précarité. Ils s'organisent pour alerter sur leur détresse.
"On est des travailleurs, on a des professions, et on nous envoie mendier aux Restos du coeur"... Ne trouvant plus d'autres moyens pour alerter sur la détresse des saisonniers de Lourdes, Axelle Richardson a entamé une grève de la faim.
Les quelque 2.400 saisonniers de la cité mariale, où le tourisme représente 90% de l'activité économique, ont basculé en quelques mois dans une grande précarité due à la fermeture quasi-totale depuis mars des hôtels, restaurants ou boutiques les employant. Seule une infime partie des travailleurs dans le secteur du tourisme à Lourdes
bénéficient du chômage partiel, car en CDI.
La plupart des saisonniers n'ont pas signé de contrat en début de saison,. Ils vivaient la peur au ventre de ne pas être reconduits par leurs employeurs les saisons prochaines, et n'osaient pas se mobiliser au début.
Ils ont du mal à nourrir leur enfants
Constatant cet été que des dizaines de familles avaient du mal à nourrir leurs enfants, cette mère d'une fillette de six ans et elle-même réceptionniste à Lourdes, a décidé avec d'autres collègues de créer cette association et de mettre en place une collecte alimentaire.Il y a ce cri de détresse, et on l'entend, car les saisonniers sont dans un gouffre aujourd'hui
Le maire de Lourdes a mis à disposition de l'association un local pour leur "comptoir alimentaire". "Mais il ne faut pas croire que rien n'est fait du côté de l'Etat, des collectivités et des services sociaux", avec notamment des discussions en ce moment à l'échelle nationale "sur le statut particulier des saisonniers", dit-il.
A Lourdes, ils sont environ 150 saisonniers à être arrivés en fin de droits, "se retrouvent au RSA ou même sans rien", alerte le directeur de l'agence Pôle emploi locale, Philippe Martel. Et le risque est que leur nombre s'accroisse dans les prochains mois: les professionnels du tourisme tablent au minimum sur 2022 ou 2023 pour un "retour à la normale" à Lourdes, qui accueillaient chaque année des millions de pèlerins, dont une majorité d'étrangers.
Renverser l'inertie
Face à l'urgence de la situation, "il fallait aller plus loin pour renverser l'inertie", explique Axelle Richardson dans sa maison à Ossen près de Lourdes où elle mène sa grève de la faim depuis samedi 21 novembre, s'autorisant uniquement des tisanes. Son objectif ? "L'octroi d'une année blanche, au même titre que les intermittents du spectacle", c'est-à-dire la reconduction des droits perdus depuis le début de la crise sanitaire.
Dans son petit appartement du centre-ville de Lourdes, Emilie Auburgan, veut y croire: "après tout, on est à Lourdes", plaisante cette quadragénaire, cheffe de réception dans un hôtel. Au chômage depuis plusieurs mois, elle accuse une baisse de revenus de 650 euros par mois, "soit plus de 5.000 euros" sur la saison.
Perdre son emploi à Lourdes, deuxième ville hôtelière de France ?
Jamais on n'aurait imaginé glisser vers ça. Le Covid nous a ouvert les yeux sur la précarité de notre métier.
Drame humain
Sa voisine Emilie Vivian, épouse d'un saisonnier et elle-même ancienne saisonnière et mère de quatre enfants, est catégorique: "si en juillet prochain tout ne revient pas à la normale, on va devoir partir vivre en Normandie chez mes beaux-parents". Elle aide l'association dans l'organisation d'une cagnotte en ligne pour "que les enfants des saisonniers aient des cadeaux à Noël".En déplacement à Lourdes en août, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait annoncé des mesures économiques renforcées pour la cité mariale, "mais force est de constater que le compte n'y est pas", regrette Christian Gélis, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) des Hautes-Pyrénées.
Aujourd'hui à Lourdes, "même les plus solides établissements touristiques sont en danger. Il n'y a pas de grands groupes ici, tous les investissements sont adossés à des prises de risque personnelles", affirme M. Gélis, craignant "un drame humain" prochain.
Conscient également de la situation particulièrement "criante de précarité et sous-estimée" des saisonniers, il ne mâche pas ses mots: "Il faut réagir avant que les erreurs d'appréciation ne deviennent des fautes. Le gouvernement ne pourra pas dire "on ne savait pas".