Les mosaïques du sanctuaire de Lourdes (Hautes-Pyrénées) sont au cœur d'une polémique. Réalisées par Marko Rupnik, l'artiste et prêtre slovène est accusé d'agressions sexuelles par une vingtaine de femmes. Deux ex-religieuses ont témoigné de ces violences et abus. L'évêque de Tarbes-Lourdes envisage une prendre une décision au printemps concernant l'avenir de ces œuvres.
Du côté de Lourdes (Hautes-Pyrénées), il n’y aura pas plus de commentaires pour le moment selon les services de l’évêque contactés par France 3 Occitanie. Pourtant, le sujet des mosaïques du sanctuaire réalisées par Marko Rupnik, prêtre slovène sanctionné canoniquement pour des agressions sexuelles, est plus que jamais au cœur des débats à quelques jours de l’assemblée plénière des évêques, organisée du 17 au 22 mars 2024. Monseigneur Jean-Marc Micas, devrait prochainement faire une annonce concernant les œuvres de cet artiste accusé par au moins 24 femmes et toujours sous le coup d’une enquête du Vatican.
Réflexion sur "l'opportunité de retirer les mosaïques"
Pour en savoir un peu plus, il faut lire une interview de Mgr Jean-Marc Micas, évêque du Diocèse Tarbes Lourdes accordée le 5 février 2024 à la Catholic News Agency (CNA). L’évêque y affirme "avoir reçu une « pile de lettres » de catholiques du monde entier alors qu'il réfléchit à l'opportunité de retirer les mosaïques du sanctuaire par l'agresseur présumé". L'an dernier, une commission spéciale pour déterminer l'avenir des mosaïques de Rupnik a été créée. "Une décision très, très difficile à prendre" selon Mgr Jean-Marc Micas.
Les pèlerins et visiteurs ne peuvent pas échapper à ces œuvres lorsqu’ils arrivent au sanctuaire de Lourdes. Les mosaïques au fonds dorés brillants, rajoutées en 2008, contrastent avec la façade en pierre néo-gothique. Marko Rupnik est un prêtre slovène appartenant à l’ordre des Jésuites, proche des évêques de Rome et reconnu pour son travail de mosaïste.
Prêtre Jésuite et mosaïste influent à Rome
Il a supervisé la réalisation une dizaine d’œuvres éparpillées à travers le monde entier, à Lourdes en France, au Portugal, en Pologne ou encore États-Unis. Aujourd'hui âgé de 69 ans, l'ex-jésuite est accusé d'avoir exercé des violences sexuelles et psychologiques sur au moins une vingtaine de femmes pendant près de 30 ans, notamment au sein de la communauté qu'il dirigeait à Ljubljana, aujourd'hui dissoute.
Le 21 février 2024, deux ex-religieuses, victimes de ces agressions ont témoigné, devant la centaine de journalistes, des violences sexuelles et psychologiques exercées par un influent prêtre et artiste slovène au début des années 1990.
"Grandir spirituellement" en visionnant du porno
Cinéma, porno, manipulation, relations imposées, omerta de l'Église : les deux femmes ont longuement raconté avoir subi l'emprise de Marko Rupnik comme le rapporte l’AFP. "Il m'emmenait dans des cinémas pornographiques pour m'aider à « grandir spirituellement »", a raconté lors d'une conférence de presse à Rome Gloria Branciani, membre de cette communauté jusqu'à son départ en 1994. "Il disait que je ne grandirais pas spirituellement si je ne subvenais pas à ses besoins sexuels". Parmi ses méthodes, le père Rupnik invoquait la Trinité pour contraindre les religieuses à avoir des relations sexuelles à trois avec lui, a-t-elle rapporté en référence à la doctrine chrétienne réunissant trois personnes distinctes au sein d'un seul dieu.
"Nous étions jeunes, mais nos idéaux ont été exploités par des abus de conscience, de pouvoir, spirituels, physiques et souvent sexuels", a pour sa part dénoncé Mirjam Kovac, qui a quitté la communauté en 1996.L'Ordre des Jésuites, dont est issu le pape François, a exclu Marko Rupnik en juin 2023. Le Vatican avait invoqué la prescription des faits pour clore le dossier en 2022 sans enquête canonique, le père Rupnik voyant seulement des restrictions imposées par la Compagnie de Jésus à son ministère. Mais en 2023, le pape a levé cette prescription pour permettre le déroulement de la procédure disciplinaire. Selon les services du Vatican, l’enquête serait toujours en cours.
Accusé dans un autre dossier d'avoir eu une relation sexuelle avec une femme puis de lui avoir donné l'absolution, Marko Rupnik a été brièvement excommunié - exclu de la communauté chrétienne - en 2020 par le Vatican. Cette sanction, la plus haute possible, avait cependant aussitôt été levée, car il avait reconnu les faits et s'était repenti.