Sogyal Lakar Rinpoché, le fondateur du temple bouddhiste de Roqueredonde, dans l'Hérault, est au centre d'une polémique. Il est notamment dépeint comme un maître "porté sur l'argent et les jeunes femmes" par l'anthropologue Marion Dapsanc.
"Faux gourou" ou maître spirituel digne de foi ? Le lama tibétain Sogyal Rinpoché, mondialement célèbre, se voit accusé de dérives et d'abus de pouvoir par d'anciens membres de son réseau Rigpa, quand ses soutiens dénoncent une "chasse aux sorcières".
Sogyal Lakar Rinpoché mondialement célèbre
Né en 1947 au Tibet, Sogyal Lakar Rinpoché a été reconnu comme la réincarnation de Tertön Sogyal, un maître du 13e dalaï lama. Devenant à partir des années 1970 l'un des plus actifs propagateurs du dharma, l'enseignement du Bouddha, en Occident. Son "Livre tibétain de la vie et de la mort", paru en 1992, est un best-seller, vendu à plus de 2,8 millions d'exemplaires.
Fondateur du temple de Lérab Ling à Roqueredonde
Sogyal "Rinpoché" - "précieux" en tibétain, nom propre aux lamas réincarnés - est aussi le fondateur de Rigpa, un réseau de 130 centres dans le monde. Parmi eux, le temple de Lérab Ling à Roqueredonde, dans l'Hérault, inauguré en 2008 par le 14e dalaï lama, en présence de la Première dame d'alors Carla Bruni-Sarkozy.
"Porté sur l'argent et les jeunes femmes"
Depuis, la bonne étoile de Sogyal Rinpoché semble avoir pâli, et des langues se délient. Un brûlot l'a visé le mois dernier, nourri de témoignages : "Les dévots du bouddhisme" (Max Milo). L'anthropologue Marion Dapsance y dépeint l'homme, derrière sa rondeur souriante, en maître irascible porté sur l'argent et les jeunes femmes - des "dakinis", ou partenaires tantriques, au consentement manipulé selon l'auteure. Assez loin de l'image d'austérité vertueuse que renvoie la tradition tibétaine.
"Un grand orateur"
Olivier Raurich a passé près de trente ans auprès de Sogyal Rinpoché, dont il a été l'interprète en français, présidant également l'association Rigpa France, qu'il a quittée en 2015. Cet agrégé de mathématiques se souvient d'un grand orateur donnant, au milieu des années 80, "de très bons enseignements, de façon percutante par rapport aux maîtres tibétains qui marmonnaient". Aujourd'hui encore, il vante la qualité des cours de Rigpa.
"Folle sagesse"
"J'ai cru qu'un maître spirituel se devait d'être courroucé, intimidant. Puis je me suis rendu compte que c'était juste que le bonhomme était caractériel", dit Olivier Raurich. Empli selon lui de cette "folle sagesse" qui existe dans certaines traditions, quand le maître adopte des comportements incohérents voire scandaleux au motif d'éveiller son disciple.
"Pas un faux gourou"
"Sa personnalité est assez fantasque, c'est vrai", reconnaît l'universitaire bouddhiste Philippe Cornu, un de ses premiers élèves. "Ceci dit ce n'est pas un moine, il peut très bien avoir des relations avec des femmes", ajoute-t-il. Quant à l'enrichissement personnel, "qu'en ferait-il? Il passe son temps à aller d'un pays à l'autre!", fait valoir ce spécialiste, évoquant plutôt l'argent envoyé "sur le terrain", en zone himalayenne. "Sogyal Rinpoché n'est pas un faux gourou : il n'est pas facile, mais les gens avec lesquels il travaille ont un accord avec lui".
Interrogé par l'AFP, Rigpa fait valoir que "les maîtres du bouddhisme tibétain, et notamment Sogyal Rinpoché, ont pour habitude de ne pas répondre aux attaques" : l'"occasion de travailler sur eux-mêmes et de développer davantage de compassion".
"Chasse aux sorcières"
"Comment faire face à cette véritable chasse aux sorcières orchestrée par quelques individus motivés uniquement par un désir de carrière ou de revanche personnelles?", s'interroge l'association, qui réfute "une quelconque dérive sectaire" en son sein. De fait, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) n'a pas trouvé matière à instruire de dossier sur ce lama, alors qu'une plainte contre lui pour abus, notamment sexuels, s'était soldée à l'amiable aux Etats-Unis en 1995.
"Je ne sais pas si c'est un imposteur"
"Je ne sais pas si c'est un imposteur", dit prudemment le président de la Miviludes, Serge Blisko, qui toutefois se "méfie toujours quand une religion, une sagesse est trop centrée sur une personne". Une parente d'un fidèle de Rigpa, sous couvert d'anonymat, ne décolère pas: "Les institutions auraient pu au moins diminuer la progression du phénomène". Or en 2002 la communauté monastique de Lérab Ling a vu "son statut d'organisation spirituelle authentique" validé, triomphe l'organisation de Sogyal Rinpoché sur son site internet.
Un "doux dingue"
"On lui a donné le titre de congrégation religieuse, à ce doux dingue!", souffle cette proche. Quant à Olivier Raurich, s'il peste contre ce maître ayant "profité de son titre de lama pour créer un empire personnel", il conçoit toujours "la sagesse bouddhiste comme une merveille".
"Ce n'est pas parce que vous partez horrifié de l'Eglise catholique que vous ne croyez plus en l'Evangile", dit-il.