Ce 27 janvier, la fille de Rémi Chesne a lu à la cour d'assises de l'Hérault trois courriers inédits écrits par sa mère avant de se suicider en 2009. Ces lettres d'adieu demandent notamment à la jeune fille d'avoir confiance en son père, aujourd'hui accusé de l'assassinat de la grotte de Sète.
Le témoignage de L., fille de Rémi Chesne, accusé de l'assassinat de la grotte sanglante de Sète, était attendu. Ce 27 janvier, pour ce 8e jour d'audience à Montpellier, la jeune femme de 23 ans s'est présentée à la barre avec des documents inédits : trois lettres d'adieu que lui aurait adressées sa mère, femme de l'accusé, avant de se donner la mort en 2009.
Ma chère [L.], j'aurais bien aimé rester avec toi, mais le destin en a décidé autrement. Si je ne suis plus présente physiquement à tes côtés, sache que de là-haut je veillerai sur toi. (…) Tu es une jeune fille remarquable.
Une femme exigeante et pieuse
Ces courriers permettent d'apprécier la personnalité de Nadège Chicard, souvent décrite par Rémi Chesne comme "très droite et carrée", pieuse et exigeante envers sa fille et son mari.
Dans les mots lus par L., tout corrobore les descriptions apportées ces derniers jours par le coiffeur à domicile. "Persévère dans les études, c'est le plus important. Travaille au maximum, c'est essentiel", préconisait en 2009 Nadège Chicard à sa fille, alors âgée de 12 ans.
Tu as eu une éducation religieuse. (…) Il faut préserver ta virginité pour le garçon avec qui tu te marieras. Ça peut te paraître vieux jeu, mais c'est important. La jeunesse actuelle n'est pas un exemple à suivre. Fais attention lors de tes sorties, c'est la porte ouverte à toutes les bêtises. (…) Ne sois pas rebelle avec ton papa, même s'il est sévère. Quant à la drogue, n'y touche pas. Tu ne dois jamais essayer pour faire comme les autres. Ce n'est pas ainsi que l'on grandit. (...) Sache dire "non" lorsqu'il le faut.
Rémi Chesne, père et confident
Les sanglots de L. trahissent ses émotions pendant la lecture. Outre l'amour que porte Nadège Chicard à sa fille, ces textes soulignent le rôle de protecteur que devra assurer Rémi Chesne après son suicide.
"Si un jour tu fais une bêtise, parles en à Papa, fais lui confiance," demande-t-elle à sa fille. "Reste bien soudée à Papa et fais lui entièrement confiance", "même si tu étais très proche de moi, confie lui tes problèmes", "n'hésite pas à parler de tes soucis à papa, tu peux lui faire entièrement confiance," répète cette voix d'outre-tombe.
L. avait récupéré ces lettres dans une chemise cartonnée verte qu'elle a depuis décorée. Son père lui avait remis vers ses 15 ans, soit trois ans après le suicide de Nadège Chicard, estimant que sa fille "était assez mature" pour les lire. Après le décès de sa mère, elle explique avoir une relation très complice avec son père.
Pourquoi les présenter maintenant ?
Abasourdi par ces éléments inédits, Me Jean-Marc Darrigade, conseil du frère et de la mère de la victime Patrick Isoird, demande à L. pourquoi elle n'a pas soumis ces témoignages plus tôt dans l'enquête. Son père est tout de même parfois désigné comme le bourreau de Nadège Chicard. "J'étais entendue pour le meurtre de M. Isoird, il n'était pas question de ma mère. Et je les trouvais trop intimes pour les montrer", soutient la jeune femme de 23 ans, tremblante.
Avant de lire ces lettres, L. a déroulé l'histoire de ses parents, sur le même ton assuré que Cécile hier, compagne actuelle de Rémi Chesne. Dans la première phrase où elle évoque sa défunte mère, L. indique d'emblée que cette dernière "se sentait possédée par des sorcières".
Relevé par ses soins, ce détail interroge Me Éva Fournier. L'avocate d'Audrey Louvet ajoute : "je ne doute pas que vous puissiez penser que ces lettres aient été écrites par votre mère avant sa mort. Mais il semble qu'elles n'aient pas été rédigées le jour de sa mort." Les formats et papiers utilisés pour ces courriers diffèrent de la lettre laissée par Nadège Chicard à Rémi Chesne juste avant sa pendaison.
"Elle me racontait qu'elle se sentait envoûtée par des sorciers que lui avaient envoyés son frère et son père", insiste L., à propos de son grand-père et son oncle.
Ma mère me confiait se sentir en danger. Elle sentait sa mort approcher et c'est pour ça qu'elle a écrit ces lettres, pas le jour-même mais quelques temps avant son suicide.
"N'avez-vous pas l'impression, dans les questions qu'on vous pose, qu'on pense que votre père serait le meurtrier de votre mère ?" clame Me Berton, qui a cité L. comme témoin. La jeune femme répond en pleurs. "Oui. C'est justement pour l'aider que je présente ces lettres aujourd'hui. Lui-même ne voulait pas que je vous les montre !" signale-t-elle. Dans le box, Rémi Chesne se cache la tête dans les mains pour pleurer.
L'audition de L. se termine vers 11 heures et est suivie d'un enquêteur en téléphonie.
Après cette 8e et dernière journée où déposeront des témoins, les réquisitions et plaidoiries devraient intervenir le 28 janvier. La cour d'assises de l'Hérault devra ensuite statuer si elle reconnaît Rémi Chesne et Audrey Louvet coupables de l'assassinat et de la séquestration de Patrick Isoird à Sète le 23 juin 2014.