6e jour ce lundi du procès de Rémi Chesne et Audrey Louvet, co-accusés pour avoir séquestré et assassiné Patrick Isoird en juin 2014 dans la "grotte sanglante" de Sète. Après 3 témoins ce matin, la séance reprend avec l'audition de Rémi Chesne. Un témoignage clé dans l'affaire mais l'accusé nie.
Cette 2e semaine du procès de "la grotte sanglante à Sète" s'est ouverte, ce lundi matin, aux Assises de l'Hérault à Montpellier, par l'audition de 3 témoins.
Sophie, une amie et "confidente" d'Audrey Louvet. Son témoignage en 2016 avait conduit à la mise en examen de Rémi Chesne et d'Audrey Louvet et à leur incarcération. Puis Jean-Louis, un Sétois, connaissance également d'Audrey Louvet et un ami de celui-ci, un routier qui connaissait Isoird depuis l'école. Mais l'événement de la journée, c'est le témoignage de Rémi Chesne.
Le principal protagoniste de cette sordide affaire va-t-il faire de nouvelles déclarations, avouer ou s'en tenir à sa vérité ? Depuis le début, il nie toute implication.
Je suis innocent et c'est tout !
"Je ne comprends pas pourquoi elle m'accuse !"
Rémi Chesne prend le micro, se lève et enlève son masque. À la demande de la présidente, il revient sur son parcours.
"A mon arrivée à Sète, pour la coiffure, j'ai rencontré Nadège, ma femme. On s'est mariés, j'ai acheté une maison et nous avons eu un enfant. Au bout de 16 ans de mariage mon épouse s’est suicidé en 2009. Ma fille m’a encouragé à refaire ma vie avec une autre femme. (...) Avec Audrey Louvet, c’était plutôt sexuel. Puis en 2014, j’ai été accusé puis en 2016, incarcéré"
La présidente : "Qu’est-ce que vous savez de Patrick Isoird ? Pourquoi Audrey Louvet maintient-elle les accusations contre vous ?"
Chesne : "Rien de spécial. Je ne sais pas s’il y a eu une vraie relation entre mon ex-femme et Patrick". Et Audrey Louvet : "Je ne comprends pas pourquoi elle m’accuse. J’ai fait plusieurs scénarios mais je ne comprends pas, je ne sais pas"
La Présidente : "Et les témoins que vous avez entendus à cette barre ?"
Chesne : "Non rien de spécial. Mis à part ce monsieur. (Il désigne Jean-Louis, un témoin entendu le matin) Je comprends pas pourquoi il dit que j’ai eu des relations tarifées avec Audrey Louvet. Clairement, je n’ai jamais vu Mr Isoird, seul. Je ne l’ai jamais jamais vu seul. Je ne comprends pas. Si je l’avais menacé, il m’aurait donné une claque"
La présidente : "Des témoins laissent entendre que votre femme ne vous aimait plus, et que vous la maltraitiez ?"
Chesne : "Non, absolument pas. C’est elle qui décidait beaucoup de choses. Elle ne voulait pas me quitter. Je comprends pas pourquoi les gens font des inventions. Si je l’avais battue, frappée, ma famille aurait réagi. Je ne comprends pas cette situation"
A la demande de la présidente, il y a quelques jours, l'avocat général a retrouvé une main courante datant du 10 septembre 2006. Selon le procès verbal, Rémi Chesne aurait donné à l'époque "des coups de poing et de pied" à son épouse aujourd'hui décédée.
Je ne comprends pas. Je n'ai jamais battu ma femme. Ça me choque énormément ce que vous dîtes. Y a un certificat médical ou quelque chose ? Ma femme, c'était le bon Dieu !
"J'ai rien à faire dans cette histoire"
"Comment avez-vous appris la disparition de Patrick Isoird ?" demande Anne Haye.
Chesne : "C’est ma fille qui l’a appris par les réseaux sociaux. Je ne sais plus si j’étais dans ma chambre ou bien dans le salon".
La présidente lui rappelle : "Mr Chesne, vous avez déclaré aux enquêteurs : je ne suis pas coupable. C’est exact ?"
C’est pas ma place ici. J’ai rien à faire dans cette histoire. Je ne suis pas coupable.
Près de 300 SMS échangés entre Rémi Chesne et Audrey Louvet
L'accusé dans son box, micro à la main, s'exprime calmement, sans hostilité à l'encontre d'Audrey Louvet ou des témoins qui ont déposé précédemment. Il répète simplement qu'il ne "comprend pas ce procès" et "son implication dans l'affaire".
La présidente : "Les contacts avec Mme Louvet étaient réguliers et nombreux"
Chesne : "Elle me demandait pour des shampooings". La présidente : "Donc des SMS à propos de soins capillaires ?"... "Oui et les rendez-vous des enfants"
La présidente : "Vous avez échangé des SMS coquins ?"... "Oui, style bisous, je t'embrasse "
La présidente : "Pourquoi avoir effacé tous ces SMS ?".... "J'efface tous les SMS"... "Pas tous pourtant, car on en a retrouvé"... "si, je les efface tout le temps"
La présidente : "C'est une coïncidence, si vous les avez effacés en même temps qu'Audrey Louvet ?"... "Je ne sais pas"... "C'est donc une coïncidence," insiste-t-elle... "Je suppose" souffle Chesne...
La présidente : "A moins que vous ne lui ayez demandé de les effacer." "Non" répond sèchement Rémi Chesne.
Un lundi matin pittoresque et de témoignages "embrouillés"
3 témoignages pour débuter la matinée.
Sophie est témoin. Cette Lunelloise explique qu’elle a fait connaissance d’Audrey Louvet après son installation à Lunel. Et qu’une relation de sympathie s’est nouée entre elles, durant trois mois de décembre à mars : «Audrey n’est ni mon amie, ni mon ennemie». Elle ne connait ni Rémi Chesne, ni Patrick Isoird.
Mais elle affirme qu'Audrey lui a fait des confidences lors du passage de l'affaire dans une émission de faits divers à la télévision. Sophie a d'ailleurs voulu téléphoner à ce média avant d'informer la police.
Sophie explique qu'Audrey lui a parlé du jour des faits : "Rémy Chesne l’a conduite et déposée au rond-point de la grotte. Patrick Isoird ne voulait pas entrer dans la grotte. Alors, elle lui promet de faire une gâterie".
Elle semble avoir de la tendresse à l'encontre d'Audrey Louvet, voisine de son frère. En déposant à la barre, elle "ne veut pas porter préjudice" à l'accusée.
Elle m’a parlé d’un black qui était présent dans la grotte et qui était comme son frère. Et je crois bien qu’Audrey a son nom tatoué sur son bras.
La témoin s'embrouille et confond "le coiffeur" Rémi Chesne avec "une personne noire", à savoir le "frère de sang" d'Audrey Louvet dont elle avait des photos affichées chez elle.
L'accusée est alors appelée à la barre : elle fait l'inventaire de ses tatouages (il y a le nom de la "personne noire" sur son avant bras), avant d'affirmer que cette personne n'était pas son "frère de sang" mais son amant de l'époque. Et elle précise qu'elle n'a "certainement pas" de photo de Chesne chez elle.
L'audition se termine et il y a suspension de séance.
Un nouveau témoin arrive à la barre, lui aussi connaissance d'Audrey Louvet. Jean-Louis habite Sète et il retrouvait régulièrement Audrey pour prendre le café chez elle le matin.
"Audrey Louvet, je la connaissais parce que je lui achetais des cigarettes. C'est tout. Une fois, je suis monté chez elle pour boire le café. Et c'est là que j'ai vu Rémi Chesne. C'est la seule fois que je l'ai vu".
Quant à Patrick Isoird, il le décrit comme : "Un brave garçon. Un sourire, une tape sur l'épaule. Jamais de problème avec lui". C'était à l'époque où Patrick Isoird fréquentait le bar "le terminus".
La présidente demande : "Que saviez-vous de ses relations sentimentales ?".
Jean-Louis : "Elle était souvent sur Internet. C'était son passe-temps. Elle vivait dans le noir, les volets toujours fermés. Je lui disais : "faut ouvrir" surtout qu'elle fumait beaucoup... avec les enfants".
La présidente : "et sa situation financière ?". Jean-Louis : "Elle était sous tutelle, c'est ce qu'elle m'a dit qu'elle avait un tuteur". Et Mr Chesne, ajoute-t-elle, "que pouvez-nous dire ?". "Je ne sais rien. Une fois, je l'ai vu chez Audrey".
Et alors, comment elle vous en parlait ? "Elle me disait : "C'est mon coiffeur et c'est mon copain". Elle avait des rapports sexuels, j'ai compris. C'était 6 mois ou 1 an avant les faits".
Jean-Louis décrit Audrey : "C'est une femme enfant. Elle est naïve".
La présidente demande : "vous dites dans vos déclarations qu'elle est tantôt pour le Christ, tantôt pour Allah. Vous dites : elle est folle et influençable. C'est-à-dire ? C'est elle qui est influencée ?".
Jean-Louis : "ah oui ! mais elle peut aussi influencer. Elle avait un copain et quand elle l'appelait, il rappliquait de suite"
Le témoin est bien connu des services de police, il a un casier judiciaire conséquent pour plusieurs délits.
L'avocat général lui rappelle que pendant une heure trente (au moment de l'heure supposé du crime), il est resté injoignable, son téléphone était "hors service". Et qu'il n'a pas présenté d'alibi. "Rémi Chesne vous soupçonne d'avoir tué Patrick Isoird".
Non, non c'est faux.
Le dernier témoin de la matinée s'avance vers la barre de la cour d'assises. C'est une connaissance du témoin précédent, avec qui il faisait des petites affaires au marché noir. Ce dernier témoin connaît cependant Patrick Isoird depuis l'école. "Il a jamais eu de souci avec personne" explique-t-il.
Ce témoin est sur la défensive. Interrogé par la présidente, il répète constamment "pardon?", l'air de chercher sa prochaine réponse. Routier, il revendait des produits litigieux (boîtes de cassoulet ou bouteilles de muscat) ou encore du gazole au marché noir à des amis.