C'est l'affaire criminelle la plus médiatique et probablement la plus sordide des 20 dernières années dans l'Hérault. 2 personnes accusées d'avoir tendu un guet-apens mortel à un Sétois, Patrick Isoird, en 2014, vont comparaitre durant 8 jours devant les Assises de l'Hérault à Montpellier.
Le drame de la grotte sanglante de Sète débute officiellement le 17 juillet 2014. Ce jour d'été, un corps en partie calciné est découvert dans une galerie souterraine du bas du Mont Saint-Clair. Le cadavre porte les traces de 2 orifices d'entrées de balles. L'un à la tête, l'autre à l'épaule. L'arme du crime n'a jamais été retrouvée.
Après identification, grâce à des tatouages, il s'agit de Patrick Isoird, un Sétois de 49 ans porté disparu depuis le 24 juin 2014. Il travaillait comme chauffeur au centre hospitalier de Sète.
Rémi Chesne, un coiffeur aujourd'hui âgé de 51 ans et Audrey Louvet 39 ans, qui aurait servi d’appât, sont soupçonnés de cet assassinat. L'enquête menée par le SRPJ de Montpellier a conclu que Patrick Isoird avait été attiré par les deux co-accusés dans cette galerie creusée à même la roche. Galerie où il a été abattu puis où l'on a retrouvé son cadavre partiellement carbonisé.
Rémi Chesne et Audrey Louvet jugés pour enlèvement, séquestration et assassinat
Les 2 accusés, entendus dès juillet 2014 dans cette affaire et finalement arrêtés en mars 2016, sont suspectés d'enlèvement, de séquestration suivie de mort et d'assassinat.
L’autopsie de la victime a établi que Patrick a été ligoté, puis abattu de deux coups de fusil de chasse, dont un dans la tête, sans doute quelques heures à peine après sa disparition. Puis le cadavre a été partiellement incendié et abandonné.
Reste que les actes et responsabilités des 2 complices ne sont pas formellement établis. Et qu'avant le début de ce procès on ne connait pas le mobile du crime.
Audrey Louvet est une jeune femme simple, authentique et seule. Elle n'existait que par ses petits boulots et les services qu'elle rendait aux gens. Chesne, et ce n'est pas un hasard, a utilisé sa gentillesse en lui racontant une fable... une fausse affaire de dette, pour arriver à ses fins. Audrey a été dépassée par les événements... Elle a rapidement avoué son rôle d'appât et n'être en rien complice du meurtre.
S'agit-il d'un drame passionnel ? Rémi Chesne a-t-il voulu se venger de Patrick Isoird, plusieurs années après avoir découvert l'existence d'une brève liaison entre son épouse Nadège et lui ? Le frère de la victime en est persuadé.
Je suis confiant et serein. Il y a des preuves de la culpabilité de Rémi Chesne. Il a tué Patrick par vengeance car sa femme Nadège sortait avec mon frère et elle voulait quitter son mari.
Et Marc Isoird d'ajouter : "d'ailleurs, je crois que le suicide de Nadège en 2009 n'en est pas un. Il l'a tuée aussi, par jalousie et par intérêt. Elle venait de recevoir de sa famille beaucoup de pièces d'or jamais retrouvées après son décès. Tout est bizarre dans cette affaire. Chesne a même pas prévenu ses parents que Nadège était morte".
Les aveux d'Audrey Louvet à l'issue de la reconstitution
Si Rémi Chesne, mis en examen pour assassinat, nie catégoriquement toute implication dans ce meurtre, Audrey Louvet, poursuivie pour "co-action d'assassinat", affirme avoir conduit la victime sur place à la demande de Rémi Chesne, mais sans connaître le sort funeste qui l'attendait. Audrey, ancienne copine de Patrick Isoird, est la personne avec qui la victime avait rendez-vous le jour de sa disparition.
Ils devaient se retrouver face à l'entrée du cimetière, située non loin de la grotte. C'est là que le scooter de Patrick a été découvert avec dans le top case son téléphone portable, son portefeuille et un blouson.
Comme la famille de Patrick Isoird, je n'attends rien de Rémi Chesne. Il est dans le déni total. Il ne changera probablement pas d'attitude au procès. Pourtant, il a tué. En revanche, je suis persuadé que Mme Louvet sait des choses et qu'elle n'a pas tout dit. Ces aveux ne sont pas suffisants.
Le mystère de la grotte sanglante
A l’issue d’une reconstitution en juin 2017, Audrey Louvet a donc reconnu avoir attiré Patrick Isoird sur une profondeur d'une cinquantaine de mètres dans la grotte, repérée selon elle au préalable le matin du 23 juin 2014 avec Rémi Chesne.
Ce dernier aurait alors surgi armé, lampe torche à la main, le visage masqué. Avec le fusil de chasse, l’ex-coiffeur aurait intimé l’ordre à la jeune femme de ligoter la victime avec du ruban adhésif. Elle lui aurait ensuite mis une cagoule ou un sac sur la tête avant de le dépouiller de ses biens, notamment un pavois en or que le Sétois portait en pendentif, puis l’aurait fait entrer dans une cavité, là où le corps a été retrouvé.
L'arme du crime reste elle introuvable.
Depuis, Audrey maintient être partie à ce moment-là et n’avoir entendu aucun coup de feu.
Alors que Rémi Chesne est toujours en prison, malgré ses demandes répétées de libération, Audrey Louvet a été remise en liberté en juin 2020. La Cour d'Appel de Montpellier a prononcé une mesure de contrôle judiciaire jusqu'au procès car le délai de sa détention provisoire était échu. Elle comparaitra donc libre. Une décision difficile à comprendre pour la fille et le frère de la victime.
Le procès débute ce 18 janvier 2021. Il avait initialement été audiencé en mars 2020 mais avait dû être reporté en raison du premier confinement pour lutter contre le Covid. Le verdict est attendu le 27 janvier.
Le lieu du drame à Sète
Le drame s'est produit dans une galerie souterraine de la grotte du bas du Mont Saint-Clair, à Sète. Non loin du Rond-point du Vignerai.
Les avocats au procès
Rémi Chesne est défendu par Luc Abratkiewicz et Franck Berton. Maîtres Gérard Christol et Eva Fournier sont les avocats d’Audrey Louvet.
La famille de Patrick Isoird est également représentée. Jean-Marc Darrigade est l'avocat du frère et de la mère de la victime et Jean-Robert Phung celui de sa fille Alabama et de la mère de cette dernière.
Chronologie de l'affaire
- 23 juin 2014 : disparition de Patrick Isoird, ce Sétois de 49 ans est employé dans le milieu hospitalier.
- 17 juillet 2014 : le cadavre calciné de Patrick Isoird est retrouvé dans une grotte de Sète avec 2 balles dans le corps, dont une dans la tête.
- mars 2016 : un homme et une femme sont arrêtés, à Lunel et à Alès, par les hommes du SRPJ de Montpellier. Audrey Louvet et Rémi Chesne sont entendus par un juge d'instruction chargé de l'enquête ouverte pour "enlèvement, séquestration suivie de mort et assassinat".
- avril 2016 : les 2 suspects sont mis en examen et écroués. Ils avaient déjà été entendus en juillet 2014 dans le cadre d'une première enquête pour "séquestration". Ils sont considérés comme étant les deux dernières personnes à avoir vu la victime vivante.
Le bornage téléphonique a révélé des échanges entre Audrey Louvet et Patrick Isoird. Elle aurait pu servir d'appât. La géolocalisation montre que Rémi Chesne était aux abords de la grotte à l’heure du meurtre.
La femme déclare ne pas avoir eu connaissance de la volonté de tuer Isoird. Une conversation permet de remonter à Rémi Chesne, coiffeur sétois au casier vierge au moment des faits.
Patrick Isoird a eu une relation avec la compagne de Rémi Chesne en 2009. Nadège s'est probablement suicidée après avoir avoué l'adultère à son mari. Elle a été retrouvée pendue dans son garage. Mais l'autopsie n'excluait pas totalement l'intervention d'un tiers. Son corps a été incinéré en 2009.
Ce dossier qui est toujours à l'instruction a été versé au débat du procès Isoird.
- 23 juin 2017 : une reconstitution a lieu en présence des 2 complices présumés.
- Juin 2017 : le père de Nadège Chesne dépose plainte pour meurtre, suspectant son ex-gendre Rémi Chesne d'avoir mis en scène le suicide de sa fille.
- Mai 2018 : un mégot retrouvé à proximité de la galerie du drame en 2014 a "matché" partiellement avec l'ADN d'un Lyonnais impliqué dans trois affaires criminelles de stupéfiants et séquestration. La piste du règlement de comptes est relancée. Fausse piste ou non ?
- 11 mai 2018 : les nouveaux éléments apportés par le mégot ont été transmis par les enquêteurs à la juge d'instruction. Mais celle-ci n'a pas averti la chambre de l'instruction qui n'en avait donc pas connaissance lors de la demande de blanchiment par la défense de Rémi Chesne.
- 14 mai 2018 : le procureur avertit trois jours plus tard la chambre de ces nouveaux éléments, retardant ainsi la procédure de plus de trois mois.
- 6 septembre 2018 : réouverture de l'instruction et supplément d'information.
- mars 2020 : le procès aux assises est repoussé en 2021 pour cause de confinement et de Covid.
- 11 juin 2020 : le délai de détention provisoire d'Audrey Louvet est dépassé depuis le 14 mai. La Cour d'Appel de Montpellier la remet en liberté jusqu'au procès sous contrôle judiciaire. Son co-accusé Rémi Chesne, qui demandait également sa libération au motif que leurs deux cas sont liés, reste en prison.