Au 3ème jour du procès de l'assassinat de la "grotte sanglante" de Sète aux Assises de l'Hérault, la Cour s'est focalisée sur le lieu du crime : cette cavité sinueuse du Mont Saint-Clair connue des marginaux, lieu de rencontres, attirant comme un aimant les amateurs de mystère en quête d'aventure.
C'est une cavité lovée au creux du Mont Saint-Clair à Sète. Son entrée est située sur le rond-point du Vignerai, entre l'hôpital où travaillait Patrick Isoird et la station service devant laquelle il a été vue pour la dernière fois (la caméra de surveillance atteste de son passage avec Audrey Louvet le 23 juin 2014) et en face de laquelle son scooter a été retrouvé attaché.
Elle est la propriété de l'Etat mais elle est à l'abandon depuis au moins la seconde guerre mondiale. Elle aurait servi d'entrepôt aux Allemands. Depuis, ce site est connu comme un lieu de rencontres et de marginalité. Une grotte obscure, sans éclairage, aux multiples galeries et intersections, dans laquelle il est facile de se perdre. Il n'est pas compliqué de franchir le grillage largement éventré censé décourager les tentatives d'intrusion sur le terrain vague broussailleux où se trouve la cavité.
Voyage au coeur d'une scène de crime
Depuis l'assassinat de Patrick Isoird, on l'appelle la "grotte sanglante". La lourde porte métallique qui en barre l'entrée est aujourd'hui scellée. Mais en 2014, à l'époque des faits, il est aisé de l'ouvrir en actionnant la gâche avec un fil de fer ou un simple tournevis. Pourtant, à la barre, l'un des policiers chargé d'une patrouille de vérification le 30 juin 2014, 7 jours après la disparition de Patrick Isoird, avoue ne pas être allé plus loin, se contentant de constater qu'elle était fermée (consternation des avocats).
Grâce aux photos des enquêteurs, nous pénétrons à l'intérieur et nous progressons jusqu'au renfoncement où le corps de la victime a été découvert.
Malgré la grille métallique équipée d'une ouverture anti panique (fermée à l'arrivée des enquêteurs, qui y effectueront un prélèvement ADN) qui délimite l'accès à cette galerie-là, le lieu semble avoir été très fréquenté. A l'intérieur, mégots, morceaux de tissus, bouchon de bouteille, mouchoirs en papier et un emballage vide de préservatifs, sacs poubelles entre autres, jonchent le sol.
Puis vient le cliché saisissant d'un amas blanc et noirâtre : le corps carbonisé de Patrick Isoird, masse informe d'où émerge un visage, comme un masque grimaçant.
Nous avons des éléments qui peuvent correspondre à des os crâniens et le détail d'une allumette sur la jambre gauche de la victime, un amas de matière cérébrale près de l'impact retrouvé sur la paroi rocheuse.
Un ruban de couleur blanc enserre les épaules et le cou du quadragénaire, jusqu'au menton. Son couteau, retrouvé sur lui, sera identifié par sa mère.
Découverte du corps lors d'un "escape game"
Il n'est donc pas étonnant que la bande de jeunes aventuriers qui tombe par hasard dessus dans la nuit du 6 au 7 juillet 2014 (rappelons que Patrick Isoird a disparu depuis le 23 juin) prenne le cadavre pour un mannequin : "c'est mon copain Nicolas qui me l'a montré. Il n'y avait aucune odeur, la peau des pieds était blanche comme du plastique, j'ai conclu que c'était un mannequin et on est sortis", dit Benjamin Attal lors de sa déposition, lorsque les jeunes se décident quelques jours plus tard à aller signaler leur étrange découverte. Mais même à ce moment-là, ils sont à mille lieues d'imaginer qu'il s'agit d'un être humain.
Ils étaient entrés dans la grotte pour une sorte "d'escape game" dans d'autres galeries adjacentes, où ils avaient au préalable déposé bougies et autres objets pour une sorte de jeu de piste.
Dans le box des accusés, Rémi Chesne observe l'écran où sont projetées les photos, attentif, impassible. Sa co-accusée Audrey Louvet se tasse sur sa chaise.