Après l'assassinat de Patrick Isoird en juin 2014 dans la "grotte sanglante" de Sète, le procès de Rémi Chesne et Audrey Louvet s'est ouvert ce lundi devant la Cour d'Assises de l'Hérault. En larmes, la co-accusée a raconté son enfance maltraitée, ses rapports tarifés, sa vie chaotique.
En cette fin d'après-midi, cheveux longs et bruns ramenés sur une épaule en une tresse en bataille, mèches éparses, pull gris-bleu rayé, Audrey Louvet se soumet à une douloureuse et contrite présentation de sa personne, de son parcours de vie, exercice imposé devant les jurés d'une Cour d'Assises.
Car Audrey Louvet comparaît avec Rémi Chesne depuis ce lundi pour l'enlèvement, la séquestration et l'assassinat de Patrick Isoird en juin 2014 dans la "grotte sanglante" de Sète.
Une enfant abusée et maltraitée
La jeune femme est à la barre, pas dans le box : elle est libre depuis que le délai de sa détention provisoire a été dépassé, en juin 2020. Son témoignage est entrecoupé de longs silences et de sanglots. Quand la présidente Anne Haye lui demande de commencer, Audrey Louvet se met à parler de sa mère. Elle dit "ma génitrice" ou "Christiane" : "quand elle était en colère, elle me donnait des tartes. J'avais le droit de rien". Pas mieux concernant son beau-père et ses frères : "quand j'étais petite, deux d'entre eux m'ont forcé à faire des choses que je voulais pas faire. Ma mère et ma grand-mère m'ont traité de menteuse".
Luc Abratkiewicz, avocat de Rémi Chesne, tente de faire apparaître la jeune femme sous un autre jour : "ça parle d'un complot familial contre vous, qui vous rabaisse ? Votre mère et vos frères disent qu'il y avait toujours des histoires avec vous, des violences. Vous étiez violente ? Vous avez des phobies ?" Audrey Louvet fond en larmes : "J'ai peur du noir, des araignées. Je voulais juste que ma mère me traite à égalité avec mes frères, qu'elle me considère".
Des abus sexuels évoqués pour la première fois dans ce dossier, sur lesquels la présidente tente alors de faire la lumière. Mais les souvenirs de l'accusée deviennent alors confus. "Il n'y a jamais eu de procédure diligentée ?"
- Audrey Louvet, en larmes : "non"
- La présidente : "A qui en avez-vous parlé en dehors de votre cercle familial ?"
- L'accusée : "Juste le psychologue et le psychiatre de la prison. Et j'en avais parlé à Rémi" (Chesne)
Relations tarifées
Elle évoque ses deux fils, qu'elle a eu très jeune, ses relations distendues avec les pères de ses enfants et ses nombreuses aventures amoureuses, des hommes parfois "rencontrés sur Facebook". C'est sur ce réseau qu'elle se convertit à l'Islam et se crée un profil au nom d'Amina Sarah N'Diaye. Une conversion et un nouveau nom qu'elle renvendique encore aujourd'hui, se disant "d'abord musulmane avant d'être Française".
- La présidente demande : "ces relations étaient-elles tarifées ?"
- Audrey Louvet : "Non,, parfois je leur demandais de faire quelques courses pour les enfants. Mais j'en suis pas fière. Avant j'étais un peu teubé, une imbécile, il a fallu que je rentre en prison pour grandir".
Aventures avec la victime et le co-accusé
De sa relation avec Rémi Chesne, rencontré après le décès de l'épouse de celui-ci, elle dit : "au lit, il était violent, j'aimais pas ça. Mais il m'a dit qu'il avait un cancer (en fait Rémi Chesne a des problèmes de glande thyroïde, NDLR), moi je me suis confiée à lui, il m'écoutait. On est restés amis, on buvait des cafés ensemble".
Patrick Isoird, rencontré avant Rémi Chesne, lui a laissé à l'inverse un fugace mais bon souvenir : "On a eu une très brève relation, à peine 2 ou 3 jours. C'était quelqu'un de très gentil. On s'est rapidement perdus de vue".
- Maître Abratkiewicz et la présidente Haye insistent : "Vous l'avez rencontré Patrick Isoird ? Vous l'avez revu ensuite, entre votre séparation et le drame ?"
- Audrey Louvet : (long, très long silence) "On s'est croisés dans Sète".
Mémoire vacillante et volte-face
Après l'assassinat, elle écrit à propos de Rémi Chesne : "Tu m'as trahie. Je te déteste pour ce que tu m'as fait, ce que tu lui as fait". Pourtant, dans ses premières auditions, elle a bien déclaré aux enquêteurs ne pas connaître Rémi Chesne et être tranquillement rentrée chez elle après son rendez-vous fatal avec la victime, dont elle dit ignorer qu'il a été l'amant de la femme de Rémi Chesne. Ce n'est qu'en 2017 qu'elle avouera avoir servi d'appât.