Au procès de Rémi Chesne et Audrey Louvet, jugés aux Assises de l'Hérault pour avoir enlevé, séquestré et assassiné Patrick Isoird en juin 2014 dans la "grotte sanglante" de Sète, la journée de mardi a fini dans l'émotion et les larmes avec les auditions de la fille et de l'ex-femme de la victime.
Il est 19 heures 30, ce mardi 19 janvier, lorsqu'une jeune fille de 19 ans s'avance à la barre au terme d'une très longue journée d'audience. Silhouette longiligne, de grands yeux bleus, de longs cheveux blonds : c'est Alabama Isoird, la fille de Patrick, assassiné voilà six ans et demi dans la "grotte sanglante " de Sète.
D'elle émane à la fois une fragilité et une grande force au moment où elle entreprend de brosser le portrait de son père devant la Cour d'Assises de l'Hérault.
Une fille adorée pour laquelle il avait cessé de boire
Alabama, c'est le prénom qu'avait choisi Patrick Isoird pour cette fille adorée, son unique enfant, qu'il avait eue sur le tard, à 35 ans, avec Claude Azaïs, sa collègue de travail devenue sa femme avant que le couple ne divorce en raison de l'addiction à l'alcool du mari. Un alcoolisme qui le rendait violent envers son épouse.
Les relations entre les ex-époux s'apaisent rapidement après la séparation et Patrick et Claude se montrent par la suite très soudés dans l'éducation de leur fille, faisant bloc par exemple lorsque celle-ci subit du harcèlement au collège.
La jeune fille raconte : "Mon père, c'était quelqu'un de bien. Il était gentil avec tout le monde, il pouvait accourir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit si on avait besoin de lui. Avec ma mère, ils avaient une relation géniale, c'était magnifique et ça me rendait heureuse de voir que ça se passait bien après leur divorce. Mon père, il était toujours plein de câlins et d'amour. C'était bien, même si c'était pas toujours facile parce qu'il buvait. Alors un jour, je me suis dit que je n'en pouvais plus et je lui ai dit que je ne voulais plus le voir. Le lendemain, il est revenu, il m'a dit "j'arrête" et il a tenu parole pour moi ! J'étais fière de lui !"
"C'était bien, même si c'était pas toujours facile parce qu'il buvait. Alors un jour, je me suis dit que je n'en pouvais plus et je lui ai dit que je ne voulais plus le voir. Le lendemain, il est revenu, il m'a dit "j'arrête" et il a tenu parole pour moi ! J'étais fière de lui !"
A la recherche du disparu
Patrick Isoird avait effectivement tenu parole : au moment de sa mort, il était sobre depuis plus d'un an. Aussi, le jour où il ne vient pas assister au spectacle du collège d'Alabama, contrairement à son habitude, elle "trouve ça bizarre" mais ne s'inquiète pas, pensant qu'il a été retenu par son emploi de chaufffeur à l'hôpital de Sète. Mais son père ne reparaît pas. Alors pendant des jours, l'enfant et sa mère sillonnent Sète en voiture, interrogent toutes leurs connaissances. Appelée à la barre après sa fille, Claude Azaïs confirme :
Quand il a disparu, je prenais la voiture avec ma fille, on faisait le tour de la ville, mais on ne parlait pas parce que je ne savais pas quoi lui dire.
Le jour où le corps de Patrick Isoird est découvert, c'est Claude Azaïs qui a la lourde charge d'annoncer la nouvelle à sa fille.
Cauchemars, terreurs nocturnes et scarifications
- Alabama Isoird : "J'étais chez mon papi, maman m'a dit en pleurant qu'il fallait qu'on parle et ma vie a changé. J'ai crié, hurlé, cette douleur, elle était tellement forte !"
- Claude Azaïs : "Après, on dormait ensemble, on avait des cauchemars, elle avait peur tout le temps, elle se scarifiait, ça a duré longtemps"
- Alabama Isoird : "Au début, je me réveillais en hurlant, j'avais peur qu'on vienne aussi me tuer (...) Aujourd'hui, j'ai grandi mais sans lui, j'ai pas eu le choix. On m'a enlevé une partie de ma vie. J'ai fait mon deuil, mais c'est dur même encore aujourd'hui"
- Claude Azaïs : "Je me demande comment ma fille tenait le coup, comment elle tient toujours".
Intense émotion en fin d'audience
L'adolescente avait 12 ans au moment du décès de son père. Aujourdhui âgée de 19 ans, Alabama Isoird prépare le concours d'entrée dans la gendarmerie. Non pas en réaction à l'affaire mais plutôt, dit-elle, pour suivre les traces de son demi-frère aîné décédé subitement il y a 2 ans. Elle dit : "J'espère qu'à la fin de ce procès, il y aura une justice, parce que mon père le mérite".
Mère et fille s'effondrent. Toutes les deux se jettent dans les bras l'une de l'autre, en larmes. Il est 20 heures 45, c'est la fin d'une interminable et éprouvante journée d'audience.
Le procès allongé d'une journée
Compte tenu de la densité des débats, ces derniers seront prolongés d'une journée. Le verdict concernant les deux co-accusés Rémi Chesne et Audrey Louvet n'interviendra pas avant jeudi 28 janvier.