Annie est médecin généraliste à Bédarieux, dans l'Hérault, depuis 1995. L'Assurance maladie vient de lui adresser un courrier l'informant qu'elle était radiée du fichier national des professionnels de santé depuis le 16 octobre 2021 et que l'organisme avait donc enregistré la cessation de son activité libérale. Mais pourquoi ?
Dans ce désert médical que sont les Hauts-cantons de l'Hérault, au nord de Béziers, cette décision a fait l'effet d'une bombe auprès des patients d'Annie. Elle en avait 1.500 avant sa suspension par l'ARS Occitanie.
Car Annie fait partie de ces 1.400 médecins suspendus en France, dont 22 en Occitanie, en application de l’obligation vaccinale Covid des soignants, entrée en vigueur le 16 octobre 2021, après le vote de la loi du 5 août 2021, relative à la crise sanitaire.
"Pour moi, suspension signifiait à terme... reprise d'activité !"
Le 16 octobre 2021, faute de vaccination contre le Covid, Annie a été suspendue et depuis, elle ne peut plus exercer son métier de médecin. Elle pensait que c'était temporaire.
La lettre de l'ARS Occitanie en octobre était claire, j'étais suspendue car je n'avais pas de pass vaccinal. J'ai donc respecté cette décision. Mais à tout juste 60 ans, je pensais reprendre mon activité de médecin rural au moins jusqu'à 65 ou 67 ans. Mais là, je suis radiée. Je ne peux plus travailler.
Annie Labadie, ex-médecin généraliste à Bédarieux.
Elle a dû se séparer de sa secrétaire et du personnel d'entretien car depuis cette suspension, elle n'a plus de revenus.
Et Annie d'ajouter : "Que vont devenir mes patients ? Vous vous rendez compte, ils m'ont demandé de retirer ma plaque de médecin de la devanture du cabinet, de détruire les documents comportant mon numéro professionnel à l'Assurance maladie et mes feuilles de soins... C'est injuste !".
Alors, cette semaine, elle a prévenu ses patients. Choqués de perdre leur médecin, ils ont décidé de créer un collectif en soutien à Annie.
Un collectif de patients
Après une pétition en faveur d'Annie en octobre, qui a recueilli plus de 600 signatures, un collectif de soutien s'est formé. Ses membres entendent alerter les élus et faire revenir l'Assurance maladie sur cette décision qu'ils jugent hâtive et injuste.
Un rassemblement était organisé à Bédarieux vendredi. Dans la foule, des patients d'Annie qui ne comprennent pas.
"On a besoin de médecins en zone rurale comme ici. D'autant que les patients âgés sont nombreux. On s'en fiche de savoir si elle est vaccinée ou non. Elle n'est pas malade, c'est tout" explique une septuagénaire.
Le maire de Bédarieux est en colère, d'abord parce qu'il se bat pour conserver 4 médecins sur sa commune mais aussi parce qu'Annie est son médecin de famille.
Je suis extrêmement choqué. J'ai écrit à l'ARS qui n'a jamais répondu, à l'ordre des médecins, mais ce n'est pas de leur compétence. On recherche des médecins en permanence, pourquoi pénaliser notre zone rurale ?
Francis Barsse, maire de Bédarieux.
Et le maire poursuit : "Ici, on a pas des médecins pour faire de l'argent. 50% des patients sont en dessous du seuil de pauvreté. Ils n'ont pas les moyens d'aller à Béziers pour se soigner. On ne peut pas tolérer cette situation".
La médecin a pris un avocat et elle entend porter l'affaire en justice.
22 médecins suspendus en Occitanie selon l'ARS
Sollicitée par France 3, l'ARS Occitane nous a fait un point chiffré.
Au 15 avril 2022, 22 médecins d’Occitanie ont reçu une interdiction d’exercer, suite à la loi sur la crise sanitaire, sur un total de 11.750 médecins libéraux dans la région.
Un seul médecin est visé par cette interdiction sur les 4.460 qui exercent dans l’Hérault.
Par ailleurs, 269 professionnels de santé libéraux ont reçu une interdiction d’exercer en Occitanie, dont 45 dans l’Hérault, pour défaut de pass vaccinal valide.
Pour mémoire, «l’obligation vaccinale des professionnels de santé (LOI n° 2021-1040 du 5 août 2021), mais également des étudiants des professions de santé se justifie à la fois pour protéger les futurs soignants, en raison des contacts possibles avec des patients susceptibles d’être porteurs de germes, en particulier dans les établissements de santé, mais également pour protéger les patients d’une contamination soignant-soigné» explique le Haut Conseil de la Santé Publique.
L’interdiction d’exercice de l’activité professionnelle prend fin dès que les conditions nécessaires à l’exercice de l’activité sont remplies.
Macron ouvre la porte à la levée du pass vaccinal
En déplacement dans les Hautes-Pyrénées, ce vendredi, Emmanuel Macron a ouvert la porte à une possible levée du pass vaccinal pour les personnels soignants et médico-sociaux et donc à leur réintégration notamment dans les hôpitaux. 15.000 soignants sont concernés en France.
Cette décision est toutefois conditionnée à une poursuite de la baisse des cas de contamination au Covid et du taux d'incidence.