Maître Corinne Serfati-Chetrit, basée à Perpignan, a décidé de défendre des dizaines de soignants qui ne souhaitent pas se faire vacciner. L'avocate espère faire infléchir les employeurs et l'Etat, alors que l'obligation vaccinale pour ces publics sera appliquée à partir du mercredi 15 septembre.
Le phénomène a pris de l'ampleur, alors elle s'est lancée. "Mon cabinet a été très sollicité", confie Maître Corinne Serfati-Chetrit, qui a décidé de lancer une action collective contre l'obligation vaccinale du personnel soignant à partir du 15 septembre. Cette spécialiste du droit du travail et du droit social va défendre des soignants salariés à la fois dans le public et dans le privé. "Des infirmières, des aides à domicile, des éducateurs..." ajoute-t-elle.
Le 5 août dernier, une loi "sur la gestion de la crise sanitaire" a été promulguée avec l'extension du pass sanitaire, notamment dans les bars, cafés et restaurants, mais aussi l'obligation vaccinale pour les soignants : les professionnels médicaux et paramédicaux et ceux en contact avec des personnes vulnérables (pompiers, ambulanciers...). Le 15 septembre, ces personnes devront présenter un schéma vaccinal complet ou justifier d'une première dose de vaccin sous peine de voir leur contrat et leur salaire suspendu ainsi que l'interdiction d'accès au lieu de travail.
C'est une atteinte à la sécurité et à la santé au travail
Des mesures que Maître Serfati-Chetrit remet en cause. "On est dans un contexte exceptionnel de crise sanitaire, la loi est exceptionnelle, mais ça ne justifie absolument pas le défaut d’information des salariés, qui vont devoir faire face à des sanctions disproportionnées et se retrouvent dans des situations d’angoisse. Juridiquement, c'est une atteinte à la sécurité et à la santé au travail."
L'avocate perpignanaise veut porter la parole de ces dizaines de salariés. "Ils ont des revendications légitimes. Ce sont des droits reconnus dans la constitution comme la liberté, le consentement en matière de santé... Des revendications aussi importantes que celles qui ont amené l’Etat à prendre cet arrêté du 5 août 2021. Cette loi est source de préjudices lourds, graves et importants."
Elle dénonce également le timing de la promulgation de cette loi, votée au début du mois d'août. "C'est allé trop vite pour des dispositions aussi drastiques et sévères. La santé publique justifie des réponses rapides, mais rapide ne veut pas dire d’une rapidité à l'excès, sans prendre en compte la parole de l’autre."
Respecter la loi
Une position pas du tout partagée par Pascal Delubac, directeur territorial des cliniques Elsan, un groupe d'hôpitaux privés. "Que cette avocate nous indique comment nous employeur, nous allons être exonérés de notre responsabilité de vérifier l’obligation vaccinale des salariés. Notre mission, c'est de faire respecter le texte, la loi est applicable à tous." Il avance le chiffre de 9 000 € d'amende et d'un an d'emprisonnement pour l'entreprise si elle ne fait pas respecter ce décret. Dans les cliniques de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, 81 % des salariés présentent un schéma vaccinl complet.
Après avoir interrogé ces salariés "en souffrance", Maître Serfati-Chetrit s'en remet désormais à l'Etat et aux employeurs. "Des solutions intermédiaires peuvent et doivent être trouvées. Dans les grosses entreprises, on peut envisager qu’on puisse placer des salariés à des postes administratifs où cette obligation vaccinale peut s’imposer dans des conditions différentes."
Elle ira "jusqu'au bout" pour défendre ces salariés, quitte à aller dans les tribunau, Prud'hommes pour les salariés dans le privé, tribunaux administratifs pour les salariés dans le public.