"Je ne les marierai pas !" : le maire de Béziers refuse l'union d'une Française avec un Algérien menacé d'expulsion

En dépit de l'aval de la justice, Robert Ménard, maire divers-droite de Béziers (Hérault), refuse de célébrer le mariage d'un Algérien sous OQTF (Obligation de quitter le territoire français) avec une Française, qui doit avoir lieu ce vendredi.

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"C'est la première fois de ma vie que je vois ça !", s'indigne Robert Ménard, maire Divers droite de Béziers, à propos d'un mariage qui devrait avoir lieu demain, vendredi 7 juillet, dans la ville de l'Hérault. Le promis est Algérien, la promise française. Tache noire au tableau selon l'élu : le futur époux est en situation irrégulière, sous le coup d'une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) et a déjà été condamné pour vol, recel et agression. Sa fiancée, elle, a 29 ans, est mère de trois enfants et sans-emploi. Un cas que l'édile, un temps proche du Front national, a porté à la connaissance du public en s'exprimant mercredi 5 juillet dans les colonnes du Figaro.

A la veille du mariage, celui-ci maintient fermement sa position : "Je ne les marierai pas !". L'élu a d'abord soupçonné un mariage blanc. Mais après enquête des services de la mairie auprès des deux fiancés et transmission des réponses au substitut du Procureur de la République, ce dernier n'a pas constaté d'élément allant dans ce sens. "Moi je ne suis pas de cet avis, oppose Robert Ménard. Je pense que cela aurait mérité une enquête plus approfondie, d’autant plus que le substitut m'a appris qu'il était sous OQTF depuis plusieurs années. Mais la justice a parlé."

C'est la première fois qu'on me demande de marier quelqu'un en situation illégale à Béziers...

Robert Ménard, maire de Béziers (Hérault)

Néanmoins, l'ancien journaliste persiste catégoriquement à vouloir refuser de célébrer cette union, y compris à déléguer la tâche à l'un de ses adjoints. La loi ne l'autorise toutefois pas à s'opposer à ce mariage, conformément à l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'Homme. "Je sais que je ne peux pas m'y opposer, mais je trouve cette disposition européenne scandaleuse, et je suis sûr que personne ne la comprend. Déjà qu'on peine à expulser les gens sous OQTF..."

Sur l'année 2021, seulement 13,7% des OQTF ont été appliquées (cela peut notamment être dû au refus du pays d'origine d'octroyer un laissez-passer consulaire à l'intéressé ou à un recours formulé par ce dernier auprès de la préfecture). Mais même une fois marié, l'homme n'échappera pas forcément à l'expulsion.

Un mariage qui n'empêche pas l'expulsion

"Robert Ménard ne peut pas s'opposer à ce mariage, et de toute façon, le mariage n'empêche pas l'OQTF", rappelle Jean-philippe Turpin, salarié de la Cimade, une association de soutien aux migrants et aux réfugiés, et travailleur dans un Cada (Centre d'accueil pour demandeurs d'asile) à Béziers. Pour ce responsable associatif, le maire de Béziers cherche surtout à "faire le buzz et à cliver la population." Il dénonce également, depuis un an, un refus systématique d'octroi de titre de séjour de la part du Sous-préfet de Béziers aux étrangers condamnés pour trouble à l'ordre public.

Il utilise un dossier à l'importance mineure pour sa communication, c'est presque de la délation...

Jean-Philippe Turpin, salarié à la Cimade

"Quand une personne algérienne se marie à une française, elle obtient normalement un titre de séjour de plein droit via un certificat de résidence d'un an renouvelable, au nom de l'unité familiale, précise le salarié de la Cimade. Mais dans le cas présent, comme la personne est sous OQTF, ce sera à l'appréciation du préfet."

Si jamais l'intéressé souhaite revenir en France une fois expulsé, il pourra néanmoins faire valoir sa situation de mariage. "Il pourra toujours demander un visa, auquel cas être marié à une Française peut jouer en sa faveur, mais il n'y a rien d'automatique. La France devra alors justifier sa décision en cas de refus." À noter qu'un étranger ne peut pas être ciblé par une OQTF s'il est marié à une Française depuis plus de trois ans.

Robert Ménard ne souhaite pas en rester là. "J'en ai touché un mot à Darmanin (NDLR : Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur), il m'a dit qu'il prévoyait de rendre une telle situation impossible à l'avenir grâce à la prochaine loi sur l'immigration qui se prépare..."

Face à l'ampleur médiatique prise, le procureur de la république de Béziers a apporté quelques précisions, jeudi 6 juillet en fin d'après-midi : "Les futurs époux ont notamment déclaré avoir noué une relation sentimentale depuis le début de l'année 2022 et habiter ensemble depuis le début de l'année 2023." S'il confirme qu'il n'existe "pas suffisamment d'indices sérieux lui permettant de présumer, en l'état, l'absence de consentement matrimonial", il mentionne l'existence d'une enquête préliminaire lancée le 26 juin 2023 visant à vérifier que le mariage n'est pas contracté en vue d'obtenir en secret "un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement". Si tel est le cas, l'intéressé risque cinq ans de prison, 15 000 € d'amende et l'annulation du mariage.

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