Spectacles interrompus ou annulés, festivals reportés, les intermittents du spectacle sont extrêmement inquiets des conséquences de la crise du coronavirus sur leur situation. En Occitanie, l'une des régions les plus riches en festivals, les intermittents demandent le report de leur droit d'un an.
Gilles Miot est technicien lumière : sur l’année, cet intermittent du spectacle travaille pour une trentaine d’employeurs, mais 2/3 de son volume horaire s’effectue entre le printemps et l’été.Avec le printemps et l’été, c’est un rituel; je retrouve des confrères, des amis, eux aussi intermittents, autour des festivals. Là, je suis confiné, et comme tout le monde, je bricole un peu chez moi, c’est tout.
Depuis le 15 mars dernier, Gilles a du renoncer à 160 heures de contrats. Si la situation perdure, il estime qu’il va perdre 400 heures d’ici la fin du mois d’août.
L’occitanie : une des régions les plus riches en festivals
Pour gilles "cette manne estivale de travail est perdue pour tout le monde, et ce n’est pas rattrapable". La diminution de la rémunération n’est pas sa seule préoccupation : les contrats effectués ouvrent des droits pour le maintien du statut d’intermittent. Afin de conserver ce statut, il faut réaliser 507 heures par an. Si l’été est meurtrier pour le spectacle vivant, Gilles devra effectuer ses 507 heures en 7 mois, irréaliste selon lui.La double peine de la précarité
Mélanie Roux est également intermittente, cette régisseuse technique travaille beaucoup dans l’arrière pays héraultais :
Mélanie avoue que, dans ce contexte de stress, certains de ses employeurs ne l’ont même pas prévenue de l’annulation de spectacles, et donc de ses contrats : "D’ici mi-juillet, 300 heures d’intermittence vont partir en fumée, et je ne pourrai pas les rattraper d’ici novembre, date du renouvellement de mon statut."Nous avons déjà un statut précaire; en plein confinement, l’incertitude sur la reprise des événements culturels est difficile à vivre psychologiquement.
Mélanie craint de passer du régime de l’intermittence à celui du RSA.
Tout comme Gilles Miot, et comme la coordination des intermittents, elle demande à l’état de reporter les droits d’un an.
Et du côté de l’employeur ?
A Pézenas, cet été, l’illustre théâtre doit renoncer à 50 représentations. Ce théâtre, spécialisé dans le répertoire Molière, ne pourra pas honorer 500 contrats d’intermittents. L’entreprise qui gère le théâtre, cherche actuellement à obtenir un prêt bancaire de 15000 euros, pour pouvoir garantir le chômage partiel aux intermittents.Valérie Daveneau est directrice du Domaine d’Ô à Montpellier, cette structure culturelle subventionnée par la Métropole Montpelliéraine a un statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. En clair, ses 22 permanents ont un salaire garanti.
Selon valérie Daveneau, les intermittents sont aussi des éléments vitaux pour le spectacle. Ce qui motive sa décision de maintenir les paiements de tous ceux qui ont travaillé sur le festival « saperlipopette » programmé début Mai et annulé.
Une croix sur l’été, un espoir pour la rentrée ?
Au domaine d’Ô, tous les festivals de juin et juillet ont été annulés ou reportés. Pour « les nuits d’Ô » qui se déroulent fin août, Valérie Daveneau a bon espoir, même si elle n’a pas encore pris la décision de maintenir le festival qui réunit concerts et cinéma.Plus généralement, elle s’interroge sur l’équation : « faire vivre le spectacle tout en préservant la santé du spectateur ».
La directrice du domaine d’Ô n’envisage pas une année blanche comme de nombreux directeurs de théâtres; elle souhaite une reprise dès la rentrée et planche sur des réaménagements :
Dans un futur proche, une salle de spectacle aura des fauteuils désinfectés, un sens de circulation, et ses occupants d’un soir devront peut-être porter un masque… difficile alors de percevoir les sourires.Si nous devons diviser notre jauge par 3 pour conserver la distanciation sociale, il faut donner leur chance à des spectacles plus confidentiels, ou augmenter le nombre des représentations.