La baguette de pain vient d'être classée au patrimoine mondial de l'Unesco et pourtant, début 2023, de nombreux artisans boulangers risquent de mettre la clé sous la porte. Après la hausse des matières premières, ils sont très inquiets d'affronter la crise énergétique.
"Une baguette et deux croissants s'il vous plaît !" Comme chaque matin dans leur boulangerie à Bouzigues (Hérault), Aurélie façonne les baguettes pendant que son mari Franck s'occupe de la cuisson. Leur affaire tourne bien et pourtant ils sont loin d'être sereins. Les tarifs de l'électricité explosent et ils limitent déjà au maximum leur consommation.
Pour faire baisser la facture d'électricité, on ne se sert que d'une chambre de pousse sur deux. Sur les quatre étages du four, on ne se sert plus que d'un. On a arrêté de cuire l'après-midi, on cuit en heures creuses le matin, on est obligé. On a aussi éteint des congélateurs dont on se servait peu. On a pu descendre de quelques kilowattheures mais ce n'est pas suffisant.
Franck Piget, boulanger
Double peine
"Le prix des œufs et du beurre a doublé, +25% sur la farine..." énumère le boulanger. Après l'explosion du coût des matières premières, celui de l'électricité. "On a pu augmenter nos tarifs pour la matière première mais pour l'électricité ce sera impossible, il faudrait vendre la baguette trois euros." A ce jour, elle est ici vendue à 1,15 euro.
Aurélie, son épouse, a fait ses calculs. En 2023, leur consommation d'électricité leur coûtera 14 000 euros au lieu de 4 000 euros en 2022.
Car le couple n'a pas le droit au bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement. Leur activité trop énergivore ne rentre pas dans les critères, notamment celui d'être inférieure ou égale à 36kWh. Leur contrat est à hauteur de 42kWh. Mais ils peuvent prétendre à d'autres aides : "l'amortisseur et le guichet d'aides, ce qui représentera sur ma facture globale environ 4 000 euros mais il restera quand même à ma charge 10 000 euros, difficiles voire impossibles à absorber."
"Une mort programmée"
Aurélie a interpellé Carole Delga, présidente de la Région, à ce sujet lors de la présentation des dispositifs d'Etat aux entreprises.
Quand on nous annonce une augmentation de 300% de la facture, je trouve ça injuste car on fait beaucoup d'heures, on veut juste arriver à travailler correctement et sauver notre entreprise. C'est un coup de massue. Si d'autres aides ne sont pas mises en place, ce sera une hécatombe au premier trimestre 2023. Certaines boulangeries ont déjà fermé.
Aurélie Piget, boulangère
Difficile à imaginer pour ce couple, qui espère ne pas avoir à augmenter davantage le prix de ses produits. Car aller plus loin serait prendre un risque encore plus grand : celui de perdre ses clients, ou de mettre la clé sous la porte.