A Paris, devant les juges, Adil Barki a raconté son "expérience traumatisante ": en novembre 2013, ce Gardois fréquentant la mosquée de Lunel s’est rendu en Syrie faire le jihad.
En 2013, Adil Barki était parti faire le jihad en Syrie, mais de violentes crises d'angoisse l'avaient cantonné aux travaux manuels et il était rentré en France. Vendredi 6 avril, lors du procès du groupe de Lunel, ce Franco-marocain a raconté son jihad contrarié.
"Rendez-vous au paradis", avait-il dit à son père avant de partir en Syrie en novembre 2013. "Pour aider les civils" et "pacifier une zone de combat", assure-t-il aujourd'hui, sans ciller, depuis le box des prévenus du tribunal correctionnel de Paris.
Adil Barki, 39 ans, vivait à l'époque à Aimargues dans le Gard, tout près de Lunel dont il fréquentait la mosquée et la jeunesse radicalisée.
Il avait rejoint en Turquie Abdelkarim B., "une connaissance de la mosquée". A une semaine d'intervalle, "pour pas éveiller les soupçons".
Groupe d’individus plus que filière
Ils furent les premiers à partir avant d'être rejoints par une vingtaine d'autres jeunes de Lunel, l'une des vagues de départs les plus importantes de France à l'échelle de cette petite ville. Quinze font toujours l'objet de mandats d'arrêt et, parmi eux, au moins huit sont morts en Syrie, dont Abdelkarim en décembre 2014.
A défaut d'avoir les principaux membres de ce groupe sous la main, le tribunal s'efforce de composer avec cinq prévenus aux profils disparates, faisant figure pour la plupart de seconds couteaux.
Parfois insolent, M. Barki assure que son départ n'était pas particulièrement "organisé" - les enquêteurs évoquent, s'agissant de Lunel, davantage un "groupe d'individus" qu'une "filière" d'acheminement à proprement parler.
Exorcisme et cueillette
Ne sachant comment franchir la frontière turco-syrienne, Adil Barki et Abdelkarim avaient fini par y parvenir avec l'aide logistique d'un proche du recruteur français Mourad Fares, Johan Juncaj, qui leur avait fourni un contact sur place.
Comme c'est l'usage, l'émir du groupe jihadiste qu'ils avaient rejoint dans la ville d'Azaz, "l'armée de Mahomet", leur avait confisqué leurs passeports.
- "Ça vous semble pas un peu bizarre ? Vous arrivez pour 'aider' et on vous prend vos papiers ?", interroge la présidente.
- "Je me dis que ça fait partie de la politique de la maison", répond benoîtement le prévenu, déclenchant des rires dans l'auditoire.
L'entraînement, obligatoire à l'arrivée, se passe mal: M. Barki, qui se croit possédé par le diable depuis ses 20 ans, souffre d'attaques répétées, "yeux révulsés, souffle coupé". En réalité, de violentes crises de panique.
Après "plusieurs séances avec un exorciseur", l'émir du groupe décrète qu'il n'est pas sage de lui laisser une arme. Voilà Adil Barki affecté à l'intendance: "Je déblayais des routes, je faisais aussi la cueillette des olives, j'ai fait ça pendant trois semaines".
Au cours de l'enquête, il avait déclaré qu'il était rentré en France car il était lassé des tâches ménagères. Vendredi, il a invoqué "une expérience traumatisante, la désolation", devant des juges sceptiques.
"Plan" secret
Il fut le premier à rentrer, en janvier 2014, et n'avait été interpellé qu'un an plus tard, après les attentats parisiens de janvier 2015.
Dans l'intervalle, "les gens pensaient que je travaillais pour les services de renseignement parce que j'avais pas fait de prison", dénonce-t-il, "mais tout cela c'était faux". La présidente n'a "aucun doute" sur ce point.
Des écoutes téléphoniques d'autres Lunellois laissaient entendre qu'il voulait repartir en Syrie, ce qu'il réfute. L'un de ses coprévenus, Hamza Mosli, le tenait en outre au courant de l'évolution géopolitique sur place.
Hormis M. Barki, seul Ali Abdoumi, 47 ans, est accusé d'être allé en Syrie, ce qu'il nie formellement malgré de nombreux éléments à charge.
Cet homme qui ne présentait aucun signe d'engagement religieux évoluait en marge du groupe de Lunel et vivait au-dessus du snack d'Abdelkarim B., où se regroupaient des jeunes radicalisés.
Lui qui se trouvait à l'époque en conflit avec les services sociaux affirme s'être fait passer pour un candidat au jihad et s'être rendu à la frontière turco-syrienne dans le cadre d'un "plan" secret pour exfiltrer Abdelkarim B., qui souhaitait rentrer.
Au vu des très nombreuses écoutes attestant de la radicalité extrême d'Abdelkarim, le tribunal n'a pas semblé convaincu.
Fin du procès mercredi.