Entre 2013 et 2014, la petite ville de Lunel (Hérault) avait vu une vingtaine de ses jeunes partir pour le jihad. Le procès de cinq hommes s'est ouvert jeudi après-midi à Paris, en l'absence du gros des troupes, morts ou toujours en Syrie. 

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Dans la salle comble, trois de ces cinq hommes sont installés dans le box: Hamza Mosli, Adil Barki et Ali Abdoumi, tous bruns aux cheveux courts. Deux autres comparaissent libres, sous contrôle judiciaire: Jawad S. et Saad B. Une vingtaine de jeunes sur quelque 26.000 habitants: à l'échelle de cette ville, il s'agit de l'une des plus importantes vagues de départs de France. De quoi faire de Lunel, minée par le chômage, un symbole de l'ampleur du phénomène jihadiste jusque dans de petites villes françaises.

"Les enfants perdus"


Evoquant un nombre de départs "en disproportion" avec la taille de Lunel, la présidente a affirmé que le tribunal "n'a pas la prétention de comprendre nécessairement ce qui s'est passé". "Mais l'idée, c'est de comprendre s'il y avait un terrain favorable", a-t-elle ajouté. Les "enfants perdus" de Lunel, partis en Syrie en famille ou entre amis, avaient d'abord rejoint le Jaysh Mohamed ("l'armée de Mahomet"), un groupe armé proche du Front Al-Nosra, alors allié à Al-Qaïda. Puis l'organisation Etat islamique (EI).

Entre 2013 et 2014, la petite ville de Lunel (Hérault) avait vu une vingtaine de ses jeunes partir pour le jihad. Le procès de cinq hommes s'est ouvert jeudi après-midi à Paris, en l'absence du gros des troupes, morts ou toujours en Syrie.

La plupart de ces jeunes nourris de propagande étaient amis de longue date, fréquentaient ensemble la mosquée de la ville, des "assises" sur la religion ou le snack "Le Bahut" tenu par Abdelkarim, premier à avoir pris la route du jihad. Quinze ne sont jamais rentrés et font toujours l'objet de mandats d'arrêt. Ils sont présumés morts en Syrie pour au moins huit d'entre eux, toujours en vie là-bas pour les autres.

Âgés de 29 à 47 ans, les cinq prévenus, jugés pour association de malfaiteurs terroriste, avaient été interpellés fin janvier 2015. Deux d'entre eux sont accusés d'être partis en Syrie: Adil Barki et Ali Abdoumi - qui réfute. Les trois autres, Hamza Mosli, Jawad S. et Saad B., n'ont pas quitté Lunel et sont poursuivis pour une aide matérielle ou une incitation au jihad.

"Enfer et paradis" 

Premier à être interrogé, Saad B., 29 ans, est le frère d'Abdelkarim, précurseur du jihad, mort en Syrie en décembre 2014. Si ce jeune Marocain arborant coiffure étudiée, lunettes à la mode et boucle d'oreille se retrouve devant la justice, c'est pour avoir emmené sa belle-soeur à l'aéroport de Marseille alors qu'elle repartait en Syrie et pour lui avoir transmis 190 euros réclamés par Abdelkarim. Comme Hamza Mosli, il est aussi poursuivi pour financement du terrorisme.

Devant les juges, il assure n'avoir eu "aucune mauvaise intention" mais avoir toujours gardé le contact avec ce grand frère, dont il n'était pas proche, dans l'espoir de "le faire revenir". Il raconte ces réunions religieuses organisées par Abdelkarim au "Bahut": il y avait là Raphaël ou Hosni, morts ensuite en Syrie. Lui-même "musulman non pratiquant" n'y assistait pas: "C'était pas mes fréquentations". Le tribunal semble intrigué par son ignorance affichée de la radicalisation d'Abdelkarim, lui laisse entendre qu'il ne pouvait ignorer que ce frère qu'il a aidé matériellement était en Syrie pour combattre.

Vous croyez que ça me fait plaisir, que mon frère soit parti du jour au lendemain et mort enterré je ne sais où ?

Il répond qu'il a "refusé de faire la récolte" d'argent que réclamait Abdelkarim pour acheter un 4x4. Et se montre affligé par la mort de cet aîné parti "sans prévenir", dont il a vu une photo du cadavre: "Vous croyez que ça me fait plaisir, que mon frère soit parti du jour au lendemain et mort enterré je ne sais où ?" En fin de journée, le tribunal a examiné la personnalité d'Adil Barki qui, ayant longtemps pris ses crises de panique en France et en Syrie pour une "possession" du diable, avait consulté plusieurs exorcistes en France. Un jour, au "Bahut", il était tombé sur une réunion où il était question de "l'enfer et du paradis". Il n'était pas resté: "Je connaissais le sujet".

Le procès est prévu jusqu'au mercredi 11. L'association française des victimes du terrorisme (AFVT) s'est constituée partie civile.

Pour ce deuxième jour de procès, le tribunal s'interroge notamment sur les raisons du départ des cinq Lunellois en Syrie entre 2013 et 2014 ©France 3 Occitanie

 

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