Michaël Delafosse va défendre à Bruxelles lundi 26 et mardi 27 septembre 2022 la candidature de Montpellier comme Capitale européenne de la culture 2028. Pour décrocher le précieux label, la capitale languedocienne fait équipe avec 147 communes de l'Hérault. Entretien.
Il est arrivé à vélo. Et en avance. Ce vendredi 23 septembre 2022, le collectif parisien Tendance floue présente son travail au public. Les 6 photographes n'ont eu que quelques semaines pour explorer les 148 communes du territoire de la candidature héraultaise au statut de Capitale européenne de la culture en 2028.
Au pied de l'ancienne église Sainte-Anne, un écran géant a été dressé, comme une lucarne magique en plein quartier historique de l'Ecusson. Debout ou installés dans des transats, les spectateurs découvrent l'album photos réalisé entre Sète et Montpellier et plus loin dans l'arrière pays. Un aperçu de ce que pourrait être l'année 2028 dans la ville. "On n’est pas dans une salle de spectacle, on n’est pas dans une salle d’exposition, s'enthousiasme Michaël Delafosse. Les gens viennent, ils s’arrêtent, ils se questionnent. La candidature de Montpellier, on veut en faire une candidature du grand air. La culture a besoin de lieux, de théâtres, de musées. Mais elle a aussi besoin d’être sur les places, les places de nos communes, les places de Montpellier, pour qu’elle aille vers le public, pour qu’elle noue ce dialogue."
Pour défendre cette candidature, vous emmenez toute une délégation à Bruxelles, capitale de l’Europe et du lobbying. Ce lobbying est nécessaire ?
"En tant que maire de Montpellier, j’essaie d’être très actif pour défendre les dossiers en tout lieu et en tout point. On a obtenu de l'argent pour le CHU ou pour le contournement ouest en allant directement voir Jean Castex. Alors pour la culture, il faut aussi aller à Bruxelles, se faire connaître, dire qu'elle est notre identité, cette puissance entre la mer, la plaine, la montagne, notre patrimoine, notre énergie... Il faut aller expliquer tout cela parce que la concurrence, elle est là : Clermont-Ferrand, Rouen, Nice. Donc il faut qu'on aille montrer à Bruxelles auprès des institutions la pertinence de notre projet, le lien qu'on a avec l'Europe, nos villes jumelles, dans cette ville où on parle toutes langues en cette rentrée universitaire. Ce n'est jamais gagné."
Il y a au moins 9 autres villes qui se sont portées candidates partout en France. Mais vous l'avez dit, vous portez une candidature collective avec plus de 140 communes partenaires. C'est votre atout principal?
"C'est un des atouts. Il y a une grande ville mais aussi des villages. Il y a des singularités avec Sète. Il y a des lieux absolument magiques. Et se fédérer, c'est un avantage. On a le soutien du Département de l'Hérault et de la Région Occitanie. Tout le territoire dit : nous, on veut porter haut et fort la culture. Les autres villes ont des forces mais ce qui nous distingue, c'est cette idée de s'unir autour de la culture. A l'heure où en Afghanistan on tue des artistes, où Poutine détruit des théâtres, où certains font des coupes sombres dans les budgets, ici, au contraire, toutes les énergies se rassemblent pour faire de 2028 LE grand rendez-vous de la culture."
On parle beaucoup en ce moment de l'inflation, du pouvoir d'achat, des difficultés sociales. Comment comptez-vous convaincre les Montpelliérains que la culture aussi est vitale ?
"Vous connaissez cette phrase de Churchill pendant la guerre : « Si ce n'est pour la culture, alors pourquoi nous battons-nous ? » Bien-sûr la vie est très dure avec l'inflation et l'augmentation du prix de l'énergie mais il faut donner du sens à nos sociétés, à nos villes. Et les artistes, la rencontre, l'émotion, ça compte. C'est même essentiel. Il y des endroits aujourd'hui où il n'y a plus de culture. Et puis tous les gens qui vont venir, cela va soutenir les emplois, dans la restauration, dans l'hôtellerie, tous les métiers liés à l'image. C'est une opportunité de développement économique aussi. Ce qu'attendent les citoyens des élus, c'est qu'ils portent des grands projets, c'est qu'ils aient des ambitions pour le territoire. Même si l'on ne gagne pas, on aura déjà accompli quelque chose d'extraordinaire."
2028, c'est dans 6 ans, au-delà de votre mandat municipal. Vous vous placez déjà dans cette perspective ? Ce projet, vous comptez bien le mener jusqu'au bout ?
"Nous, nous allons jusqu'en 2026. Après, ce sont les électeurs qui décideront et cela leur appartient. Mais dans la vie politique, notre devoir de politiques, c'est de voir loin pour voir juste. 2028, en effet, c'est loin . Un collégien sera adulte en 2028. On a du mal à se projeter mais on ne peut pas penser seulement à demain. Il faut voir au-delà."
Justement, que voyez-vous pour 2028 ?
"En 2028, je vois 365 rendez-vous, un par jour, dans 148 communes, où on va d'un endroit à l'autre échanger avec des artistes. On va s'émerveiller, on va dire "j'ai aimé, je n'ai pas aimé", on va voir des choses qui vont nous surprendre. Ce sera un message très fort envoyé à toute l'Europe. Venez tous chez nous découvrir notre patrimoine, goûter nos vins ou visiter nos musées ! Ce sera un vrai bouillonnement de culture, comme le voulait Bernard Pivot dans sa fameuse émission télévisée."
Une longue sélection
Montpellier a déjà 9 concurrentes : Bastia, Saint-Denis, Rouen, Reims, Roubaix, Clermont-Ferrand, Bourges, Amiens et Nice, qui sont aujourd'hui sur les rangs pour être capitale européenne de la culture comme Paris en 1989, Avignon en 2000, Lille en 2004 et Marseille en 2013. Depuis 1985, en effet, l'Union Européenne désigne chaque année deux états membres dont les villes peuvent candidater à l'obtention de ce label qui, pendant un an, offre un rayonnement culturel international. Pour 2028, il s'agit de la France et de la République tchèque. Les dossiers de pré-candidature doivent être remis avant le 1er décembre 2022. Une première liste de quatre villes finalistes sera sélectionnée au premier semestre 2023 et la ville choisie sera connue en 2024.
Comme le rappelle le Ministère de la Culture , le cahier des charges implique que "les villes candidates doivent promouvoir, à travers leur candidature, leur dynamisme culturel et leur patrimoine par l’organisation d’expositions, de festivals et d’autres évènements. Le programme proposé par chaque ville candidate doit avoir une forte dimension européenne qui doit se refléter dans les thèmes sélectionnés et se traduire par la participation d’artistes et d’opérateurs culturels originaires de différents pays. Les villes doivent également veiller aux effets à long terme de la programmation sur leur développement culturel et social."
En retour, les retombées touristiques sont importantes, à l'image de Marseille en 2013. La Cité phocéenne a accueilli plus de 10 millions de touristes dans l'année, dont plus d'un tiers ont visité les expositions. Le MUCEM a reçu 1,5 millions de visiteurs à lui seul.