Les experts ont expliqué mardi l'explosion de violence, qui a conduit au meurtre d'un sexagénaire soupçonné d'attouchements sur leurs propres enfants, par une volonté commune aux trois accusés d'effacer leur passé, devant les assises de l'Hérault.
"C'est intéressant comment ces deux mères et le compagnon de l'une d'elles sont réunis dans une similitude", a analysé la psychologue Danielle Cany, soulignant les points communs: les agressions sexuelles ou viols subis pendant l'enfance et le fort sentiment d'injustice qui les habite.
L'effet de groupe a ensuite démultiplié une haine et une colère apparues lorsque Corinne Da Prat, mère de deux enfants, a informé ses voisins Christelle Roze, mère de deux filles et un garçon, et son compagnon Clément Lauer de ses soupçons de pédophilie concernant celui que leurs enfants appelaient affectueusement "papy".
Mme Da Prat, 42 ans, comparaît pour "complicité" tandis que Mme Roze, 35 ans, et M. Lauer, 28 ans, sont accusés de l'"assassinat" de Philippe Pouillé, 69 ans, commis le 8 décembre 2009 à Béziers.
Avant les révélations de Mme Prat, tout le monde aimait bien ce voisin. "M. Pouillé, c'était la seule personne avec laquelle Mme Roze avait créé des liens. Elle avait confiance en lui. Elle s'en occupait comme de son père", a témoigné Mme Cany.
"Mais quand Corinne lui a fait part de ses accusations, elle l'a considéré comme une pourriture", a-t-elle ajouté.
Malgré l'absence de preuves, les deux autres accusés ont immédiatement adhéré à la thèse des agressions sexuelles, a constaté l'experte.
"Il n'a plus fait de doute qu'il était coupable, que c'était un pédophile. Il est devenu le prototype du pédophile, la pourriture", a relevé Mme Cany.
Elle a tué "son beau-père"
Concernant M. Lauer, alors en couple avec Mme Roze depuis deux mois, l'amour ne peut seul expliquer sa participation. "Il lie son geste à la colère née de sa propre agression (viol)" dans l'enfance, a fait valoir le psychiatre Manuel Wagner.
"M. Lauer m'a assuré qu'il ne savait pas ce qu'il allait faire", a repris le Dr Wagner. "Il a explosé parce qu'il avait en face de lui un pédophile", a renchéri Mme Cany.
"Finalement, Mme Roze, elle a tué qui ? Son beau-père - auteur d'attouchements sexuels pendant six ans - ou son voisin ? ", a demandé le président Régis Cayrol. "Son beau-père par l'intermédiaire de Pouillé", ont répondu les spécialistes.
Restent les accusations de Mme Da Prat, qui sont au point de départ de l'affaire. Selon le récit de Mme Cany, tout a commencé lors de l'anniversaire de l'aînée des filles de Mme Da Prat. Ce jour-là, la fillette de 9 ans est venue voir sa maman pour lui demander ce qu'était un sex-toy, le cadeau que "papy" lui avait commandé - l'enquête a retrouvé la commande - et qu'il "voulait lui mettre dans les fesses".
Toujours, selon Mme Cany, Mme Da Prat a alors fait parler sa fille. Et celle-ci aurait fini par raconter les attouchements qu'elle a subis.
Dès le lendemain Mme Da Prat a averti sa voisine. Selon les déclarations des accusés aux experts, l'idée du trio aurait alors été de porter plainte, de lui
faire peur mais pas de le tuer.
Toujours est-il qu'à l'heure actuelle aucun des trois n'éprouve de véritables regrets. "Leur haine énorme envers Philippe Pouillé et envers leur enfance passe avant les remords", a observé Mme Cany.
Le verdict est attendu vendredi.