Philippe Leclant, directeur du festival de Villeneuve-lès-Maguelone, près de Montpellier, a fait part de son intention d'aller en justice après l'annulation, jeudi, d'un concert en raison de l'envahissement par des intermittents du spectacle grévistes. Une perte de 25.000 euros pour le festival.
Dans un communiqué, Philippe Leclant a dénoncé des intermittents qui "ont préféré mettre en péril sciemment le Festival animé par une poignée de bénévoles" alors qu'il avait fait des propositions : "Prise de parole en amont du concert, rencontre avec les spectateurs et distribution de tracts effectué par mon personnel de placement le jour du concert et concerts restants".
Selon le directeur et fondateur du festival, l'annulation de ce concert de l'Ensemble Micrologus à la suite de l'irruption d'une centaine d'intermittents représente une "perte potentielle de 25.000 euros sur un budget de 130.000 euros".
"Nous serons probablement amenés à porter l'affaire devant la justice car nous ne pouvons accepter ce type de comportement. Ces gens n'ont aucune parole et n'hésitent pas à s'en prendre à des petits festivals indépendants et fragiles quitte à les condamner à mort. C'est insupportable et cela doit être dénoncé avec clarté", souligne-t-il.
A Montpellier, le mouvement des intermittents a entrainé les annulations de tous les spectacles depuis l'ouverture du festival du Printemps des Comédiens ainsi que la première de la Traviata à l'Opéra.
A l'issue d'un conseil d'administration extraordinaire, la direction du Printemps des comédiens a lancé vendredi un appel solennel aux intermittents pour qu'ils reprennent le travail pour sauver le festival avant qu'il ne soit trop tard.
Les intermittents font monter la pression avec un préavis de grève
Les intermittents, soutenus par le monde du spectacle, ont fait monter la pression vendredi pour obtenir du gouvernement qu'il ne signe pas la convention chômage qui réforme leur statut, avec un préavis de grève national pour tout le mois de juin.
Ce mot d'ordre déposé par la CGT Spectacle, qui "couvre l'ensemble des salariés", artistes et techniciens du spectacle, joue la montre avec un calendrier très serré, puisque la convention chômage contestée doit être examinée le 18 juin par le Conseil national de l'emploi, avant une signature projetée "dans la dernière semaine de juin" par le ministre du travail François Rebsamen.
Ce dernier s'est déclaré déterminé à signer l'accord adopté par les partenaires sociaux (à l'exception de la CGT), en dépit de son soutien, le 9 mars, avant sa nomination, aux propositions alternatives du Comité de suivi sur l'intermittence (syndicats, intermittents, parlementaires).
Ces propositions sont désormais largement soutenues par le monde du spectacle, des intermittents aux directeurs de théâtres et de festivals, parlementaires et élus comme les maires de Paris et Lille, en passant par le monde du cinéma. Cent cinquante cinéastes ont appelé vendredi François Hollande et Manuel Valls à ne pas signer la convention chômage et à ouvrir des négociations.
"Nous n'avons pas été entendus par la droite en 2003 et 2004. Mais nous sommes en droit d'espérer l'être enfin par la gauche aujourd'hui, après dix ans de lutte", soulignent les signataires, dont Pascale Ferran, Jean-Pierre Darroussin, Robert Guédiguian, Michel Hazavanicius, Christophe Honoré, Agnès Jaoui, Cédric Klapisch, Yolande Moreau, Nicolas Philibert et Bruno Podalydès.
Sur le terrain, la grève entamée dès l'ouverture mardi du festival "Le printemps des comédiens" à Montpellier s'est poursuivie chaque jour, avec l'annulation vendredi de six spectacles dont le premier grand événement du festival, "Macbeth", mis en scène par le Sud-africain Brett Bailey.
Les grévistes souhaitent que le mouvement s'étende, mais il n'a pour l'instant pas fait tache d'huile, épargnant l'autre grand festival du moment, les Nuits de Fourvière à Lyon. Des actions ponctuelles se sont déroulées ailleurs en province.
A Besançon, des intermittents ont coupé le courant dans deux agences de Pôle Emploi, et la fédération de Haute-Garonne du Parti socialiste a été occupée sept heures par des intermittents dans la nuit de jeudi à vendredi, avant d'accepter de soutenir leur mouvement dans une lettre au ministre du Travail.
La menace de grève plane sur la Traviata à l'Opéra de Montpellier, dont la première avait été annulée une fois mercredi après l'envahissement de la scène par une centaine de manifestants.
Toujours à Montpellier, le directeur du Centre dramatique national Rodrigo Garcia a pris la défense "du combat légitime" des intermittents et a décidé d'annuler sa pièce Golgota Picnic qui devait être présentée les 11,12 et 13 juin dans le cadre du festival.
Le conseil d'administration du Printemps des comédiens réuni en urgence a appelé solennellement les intermittents à reprendre le travail pour sauver le festival.
En 2003, le mouvement de grève des intermittents qui avait déjà débuté à Montpellier avait entraîné l'annulation du festival Montpellier Danse.
Cette annulation avait fait tache d'huile, avec l'annulation des festivals d'Aix-en-Provence, d'Avignon, des Francofolies et d'une centaine de spectacles du "off" d'Avignon.