Cartouches, grenades, explosifs cachés sous une estrade. La question des munitions a monopolisé cette 1ère audience. Plusieurs documents prouveraient que des milliers de munitions, non enregistrées, étaient entreposées sur le site de Carcassonne et pas seulement pour l'entraînement du commando.
Pratique, usage, il y a bel et bien 5.200 cartouches enfermées dans une armoire du groupement de parachutiste qui échappe à toute réglementation. Et on a apprend au fil des débats qu'elles correspondent à une réserve du commando et que tout le monde dans la hiérarchie en connaît l'existence.
Mais il y aussi des dizaines de milliers de cartouches stockées sous une estrade avec des grenades et même des explosifs. Un stock tout aussi illicite apparu le 30 juin 2008 deux jours après la fusillade et transféré rapidement à 8 km de là sans en informer les gendarmes.
Les avocats du sergent Vizioz dévoilent des documents embarrassants pour le 3e RPIMa
Un premier document provient de la gendarmerie nationale et révèle que des munitions supposées "illicites" sont entreposés sur un site, en pleine campagne, gardé par des militaires. Il y avait 3 véhicules. Un camion pour la cartoucherie, un véhicule léger pour les explosifs et une remorque pour les grenades.
Une note rédigée le 3 juillet 2008 détaille l'origine des explosifs, des grenades et de la cartoucherie. Il y a de nombreuses caisses contenant des dizaines de milliers de munitions.
Le deuxième document auquel l'avocat fait référence est daté du 1er octobre 2008, soit plus de deux mois après la visite des enquêteurs.
Il s'agit d'un ordre écrit donné par le lieutenant-colonel Letondot. Ce commandant adjoint du régiment y indique que les munitions "détenues de façon non réglementaire ont réintégré le bureau munition du 3e RPIMa, pour être reversées à Miramas le 30 septembre 2008".
Extrait des débats en salle d'audience concernant ce stock de munitions "supposées illicites"
- Pourquoi ne pas avoir parlé de ce nouveau stock de cartouches, explosifs grenades, aux enquêteurs ? L'ancien chef du commando, Hugues Bonningues, répond aux questions de Me Jean-Robert Phung.
- Entre l'enquête interne dans le régiment et l'enquête de gendarmerie diligentée par un juge qu'elle est celle qui est la plus importante ?
- L'ancien capitaine répond que l'armée doit se mettre au service de l'enquête judiciaire.
- Alors pourquoi personne ne pense à indiquer à la gendarmerie la présence de munitions sous une estrade ?
- Hugues Bonningues ne sait pas pourquoi.
- Qu'en est-il de l'inventaire de ce stock de munitions ? poursuit l'avocat.
- C'est moi qui ait répertorié le stock de mon unité.
- Et il n'a pas été donné à la gendarmerie ? s'étonne Me Phung. Et vous décidez de le transférer à 8 kilomètres de là avec le commandement .
- J'apparais au niveau de responsabilité qui est le mien. Je pense cependant que cela aurait été plus clair pour l'enquête.
- Alors qu'est-ce qui nous prouve qu'il n'y avait pas d'autres munitions ? Quelle garantie a-t-on ?
- Aucune répond l'ancien militaire.
Trois camions de munitions illicites ?
L'avocat du colonel De Vignaux, Alexis Gublin explique que des munitions ont bien été transférées en camion. Dans trois camions, non pas pour le volume, mais pour séparer les types de munitions. Un pour les cartouches, un deuxième pour les explosifs un troisième pour les grenades.
Ce transfert n'avait pas pour but de cacher aux gendarmes l'existence d'un nouveau stock. Il s'agissait de mettre en sécurité les munitions comme l'exige le règlement militaire.
Témoignage d'un ancien militaire de Carcassonne sur la gestion des munitions au 3e RPIMa
Erreur, mauvais référencement, faux documents ?
En cause, une pratique ancienne de conserver des munitions en dépit des règlements et des notes de l'état-major. Des fouilles, organisées à la suite du drame, ont mis en évidence la présence des stocks illicites.
"C'était un volant de munitions pour les exercices et préparer les engagements", font valoir les anciens cadres, prenant l'exemple d'un essai d'armes juste avant de partir en opération.
"Ce n'était pas illicite", affirme Vizioz. Et d'expliquer qu'il était courant de soustraire des munitions après les entraînements, grâce à des faux documents: "Il arrivait qu'on annonce à l'armurier que toutes les munitions avaient été utilisées alors que ce n'était pas le cas".
Selon M. Bonningues, radié des cadres en 2010 et désormais ingénieur civil de la direction de l'armement, "la pratique était institutionnalisée partout" et beaucoup de monde savait. "Cela permettait d'échapper à la lourdeur administrative", confirme le lieutenant Allard. Mais pour MM. Allard et Bonningues, ce stock non officiel n'a rien à voir avec l'accident. "Le chargeur de M. Vizioz contenait déjà des munitions réelles", insistent-ils.