Une ancienne professeur de français comparaît devant les assises de l'Hérault pour avoir tenté à plusieurs reprises de tuer sa mère. Cette sexagénaire affirme qu'elle ne supportait plus la déchéance de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Le 25 avril 2009, Raymonde Colin, 87 ans, était découverte grièvement blessée à son domicile, à Montpellier, par son infirmier, baignant dans une mare de sang, des plaies au niveau du cou et de la poitrine. Très vite, l'enquête avait mis en cause Bernadette, la deuxième des trois filles de la famille, une enseignante du Lycée Charles-de-Gaulle à Poissy. L'intéressée expliquait avoir voulu "couper le fil du malheur" de sa mère, atteinte de cette maladie dégénérative depuis "de nombreuses années".
Elle ajoutait avoir voulu donner d'ultimes instants de bonheur à sa mère, une ancienne institutrice veuve d'un général décédé en 2007. Bernadette Colin, elle même en dépression après la mort de son père, avait ainsi emmené sa mère au bord de la mer, à Palavas-les-flots, lui avait acheté ses pâtisseries orientales préférées. Le soir, de retour à la maison, elle avait essayé de lui donner une mort "douce et paisible", en lui faisant avaler une boisson avec un médicament.
Mais ce cocktail n'avait fait qu'endormir l'octogénaire. Le matin, constatant que sa mère n'était pas morte, elle avait tenté de l'étrangler avec une cordelette trouvée dans le salon, puis de l'étouffer avec un oreiller. A chaque fois, elle l'avait rassurée en disant: "N'aie pas peur, tout va bien, papa vient te chercher", avait-elle raconté.
Ses essais ayant tous échoué, Bernadette Colin avait enfin pris un couteau de cuisine et avait frappé, notamment au niveau de la poitrine. Nouvel échec: la lame cette fois s'était tordue. Raymonde Colin, qui ne s'est jamais souvenue des agressions de sa fille, est décédée en 2012 d'un cancer du foie.
Pour ces tentatives d'assassinat, Bernadette Colin encourt la réclusion criminelle a perpétuité. Mais son avocate, Me Marie-Laure Lapetina, s'est fixé comme objectif qu'elle "ne fasse pas un jour de prison supplémentaire", alors qu'elle a déjà exécuté neuf mois de détention provisoire. "Ma cliente est handicapée à 80%. Elle a besoin d'aide pour s'habiller, prendre ses médicaments", relève son avocate, affirmant que ce premier passage derrière les barreaux n'a "fait qu'aggraver son cas". "La réincarcérer la tuerait", affirme-t-elle.
Sa cliente avait été incarcérée à la suite d'un appel du parquet général alors qu'elleavait été placée sous contrôle judiciaire par le juge des libertés. "Il va y avoir une querelle d'experts la concernant", ajoute Me Lapetina. "Certains la disent maniaco-dépressive. Son psychiatre la diagnostique schizophrène. Quoi qu'il en soit, il y a une altération du discernement", ajoute-t-elle.
A l'audience, Me Lapetina veut mettre sur la table le problème de la prise en charge des familles par les équipes médicales face aux malades d'Alzheimer. Selon elle, toute la famille était dépressive alors que la mère, tyrannique, poussait ses filles à bout.
"Comment le médecin généraliste de la famille a-t-il pu ne pas voir la dépression familiale ?" demante-t-elle. Pour le conseil, cette affaire permettra aussi d'aborder la question de l'euthanasie même si elle reconnaît qu'il n'y avait pas de demande formelle de la malade.
"Ce n'est pas le procès de l'euthanasie. Il n'y a pas de volonté et la malade ne souffre pas", répond Me Isabelle Oger Ombredane qui représentera les deux soeurs de l'accusée et filles de la victime. Parties civiles, ces dernières ne veulent "pas la vindicte" mais "une condamnation pour passer à autre chose".
Le procès doit durer jusqu'au lundi 9 mars.