Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris est arrivé dans l'Hérault mercredi après-midi. Une visite de deux jours à l'invitation du député socialiste Patrick Vignal et des francs-maçons. Au programme, une conférence à Saint-Just sur "l'Islam et la modernité" et une visite en préfecture.
C'est le recteur de la Grande mosquée de Paris mais c'est aussi le Président du Conseil Français du Culte Musulman. Dalil Boubakeur, qui prône un islam ouvert et tolérant, doit avant tout animer ce mercredi soir une conférence en compagnie du député socialiste Patrick Vignal et d'un franc-maçon du Grand Orient de France, Henri Sylvestre.
"La fraternité dans la République"
Le thème est vaste, et c'est le titre de la conférence qui doit se tenir à la salle polyvalente René Valette de Saint-Just. Dans ce cadre, Dalil Boubakeur interviendra sur le thème "L'islam et la modernité" et commentera très certainement la réforme de l'islam de France annoncée ce mercredi matin par le gouvernement. (voir encadré).
A ce sujet, Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, a réaffirmé l'intérêt d'un Conseil élargi.
Lunel, thème incontournable de la visite
Dans le cadre d'un projet de "reconstruction" de la ville de Lunel initié par Patrick Vignal, le député socialiste a fait appel au président du Conseil français du Culte musulman afin qu'il apporte sa pierre à cette reconstruction symbolique. En cause, bien sur, les événements tragiques qui ont secoué la ville héraultaise avec 20 départs pour le djihad et 6 décès.
Au programme de Dalil Boubakeur jeudi, également une rencontre avec les journalistes au club de la presse de Montpellier et un déjeuner à la préfecture.
La réforme de l'Islam de France présentée en conseil des ministres ce mercredi
Après l'émotion suscitée par les attentats de janvier, le gouvernement a lancé mercredi une réforme de l'Islam de France, autour d'une "instance de dialogue" censée mieux représenter la diversité des musulmans aujourd'hui.Une "instance de dialogue"
Cette instance va être mise en place "d'ici l'été", a annoncé le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, en soulignant la "volonté de travailler à engager une large consultation avec les acteurs de l'islam".
L'instance se réunira "deux fois par an autour du Premier ministre", à l'instar de ce qui existe pour les catholiques, a précisé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
L'instance devra se saisir de questions telles que la formation civile des imams, l'abattage rituel ou la sécurité des lieux de culte par exemple, "dans le respect rigoureux des principes de la laïcité", a ajouté le ministre de l'intérieur.
L'idée est de donner aux pouvoirs publics des interlocuteurs plus divers que le Conseil français du culte musulman (CFCM), créé en 2003 et largement critiqué pour son manque de représentativité d'une communauté musulmane forte de 4 à 5 millions de personnes. Le CFCM ne cessera pas d'exister, mais "à lui de prendre toute sa place dans cette dynamique", assure-t-on place Beauvau.
Des consultations vont à présent être menées pour identifier les interlocuteurs potentiels: associations, intellectuels, personnalités... de préférence bien implantés sur le terrain, et sollicités sur la base du volontariat.
Au ministère, on réfute toute idée de reprise en main. La réforme s'inscrira dans le cadre de la loi de 1905, à laquelle il n'est pas question de toucher. "L'Etat
n'a pas vocation a organiser le culte de l'intérieur ni de déterminer qui sont les gentils musulmans", indique une source proche du dossier.
La formation des imams et des aumôniers
C'est une autre mesure très attendue dans un contexte de "grande sensibilité à la radicalisation". Les imams et des aumôniers seront désormais incités à suivre un diplôme universitaire (DU) de formation civique et civile, qui devrait être proposé dans une douzaine d'établissements d'ici la fin de l'année.
"Certains imams ont une maîtrise insuffisante de la langue et des lois", reconnaît-on place Beauvau. L'idée est de "favoriser l'émergence d'une génération d'imams pleinement insérés dans la République".
Nombre des 2.300 mosquées et salles de prières du pays n'ont pas en effet d'imam permanent, laissant prospérer des prédicateurs itinérants voire autoproclamés.
La question des cadres religieux est sensible, notamment en prison où il s'agit de mieux prévenir le basculement jihadiste, ce que quelque 180 aumôniers pénitentiaires musulmans (un chiffre largement insuffisant aux yeux de nombreux experts ) ne peuvent faire seuls. Les aumôniers "ne seront recrutés désormais que s'ils ont obtenu ce diplôme de formation aux principes fondamentaux de la République", a développé Bernard Cazeneuve.
Parmi les autres mesures proposées, la mise en place d'une Fondation de l'Islam de France (en tirant les leçons des erreurs de celle qui avait été créée en 2005) mais aussi le développement de bourses à destination des doctorants et un accent mis sur les établissements scolaires, incités à se placer sous contrat avec l'Education nationale. Pour les autres, les contrôles devraient être renforcés.
Cette réforme était en préparation de longue date mais le contexte post-attentats, avec ses risques de stigmatisation, a accéléré les travaux, reconnaît-on de source proche du dossier. Le mois de janvier s'est soldé par 176 agressions islamophobes, soit plus que pendant toute l'année 2014, selon le ministère de l'Intérieur.
Il est crucial "que la République protège tous ses enfants, et notamment les mosquées de tous les actes antimusulmans", a martelé Bernard Cazeneuve.
Dans ce contexte, l'accent devrait être également mis sur la sécurité de lieux de culte avec des fonds débloqués pour financer des équipements, notamment de vidéo-surveillance.