Le Conseil National de l'Ordre des Médecins examine en appel, ce 24 mai, le cas du professeur Henri Joyeux, cancérologue de Montpellier, radié en 1ère instance pour avoir mis en ligne une pétition anti-vaccins.
L'Ordre des médecins examine aujourd'hui en appel la radiation du professeur Henri Joyeux, cancérologue, spécialiste de chirurgie digestive à Montpellier et fer de lance des anti-vaccins. Le médecin héraultais, qui aura 73 ans cette année, avait déjà été radié en première instance le 8 juillet 2016 mais l'appel était suspensif. La décision devrait être mise en délibéré et rendue d'ici 3 semaines à un mois.
Son credo : trop de vaccins et des adjuvants "dangereux"
Officiellement à la retraite depuis 2014, Henri Joyeux est poursuivi par le Conseil National de l'Ordre depuis juin 2015, pour avoir mis en ligne une pétition dénonçant l'usage du vaccin hexavalent DTPolio-Hib-Coqueluche-Hépatite B, dont le nom commercial est Infanrix Hexa. A ce jour, plus d'un million de personnes a signé ce texte, qui est toujours disponible sur Internet.
Le cancérologue montpelliérain y point du doigt la présence d'aluminium et de formaldéhyde dans la composition du vaccin, des substances celon lui "dangereuses, voire très dangereuses". Le président du Conseil National de l'Ordre des Médecins, Patrick Bouet, évoque "un discours dangereux" et des "propos non appuyés sur des bases scientifiques". Ce qui, selon lui, porte "atteinte à la profession".
Une conférence controversée
Parti en croisade contre l'extension du nombre de vaccins obligatoires pour les enfants, Henri Joyeux affirme cependant ne pas être "contre les vaccins, mais pour qu'ils soient utilisés à bon escient et qu'il n'y ait pas d'abus". Le 7 novembre 2017, lors d'une conférence dans un théâtre parisien donnée aux côtés du prix Nobel de Médecine et co-découvreur du virus du SIDA Luc Montagnié, il a fustigé "une dictature vaccinale", "une manipulation de la population" et "des experts dans les ministères qui sont extrêmement proches des labos", soutenant que "le meilleur de tous les vaccins, c'est le lait maternel".
Condamnation des Académies de Médecine et de Pharmacie
Luc Montagnié avait quant à lui affirmé que certains vaccins pourraient être liés à des "risques de mort subite du nourrisson", ce qu'aucune étude ne corrobore. Dans les jours qui ont suivi cette conférence, Les jours suivants, le milieu médical avait largement condamné les propos des 2 professeurs. Les Académies Nationales de Médecine et de Pharmacie, dans un communiqué, avaient immédiatement répliqué en ces termes : "les propos qu'ils ont tenus, qui ne manqueront pas d'introduire le trouble chez les parents de jeunes enfants, ne sont pas fondés et doivent être démentis".
Accusé de mettre en danger la santé publique
A son arrivée pour cette audience au Conseil de l'Ordre, ce 24 mai, Henri Joyeux a déclaré : "J'ai passé pas mal d'épreuves orales dans ma vie médicale, mais c'est la plus importante". Il s'est vu reprocher d'avoir "mis en danger la santé publique (...) en faisant douter davantage la population de l'intérêt de la vaccination", selon son représentant, le docteur Jean-Marcel Mourgues, ainsi que d'avoir mis en ligne 2 pétitions, l'une en septembre 2014 (contre une recommandation du Haut conseil de la santé publique préconisant d'abaisser de 11 à 9 ans l'âge de la vaccination contre le papillomavirus pour les filles) et l'autre en mai 2015 (contre le remplacement du vaccin DTPolio trivalent par un vaccin hexavalent, c'est-à-dire protégeant non plus contre 3 mais contre six affections).
Un avocat pour le défendre
Henri Joyeux a reconnu avoir abordé l'audience de 1ère instance "les mains dans les poches" : il s'était vu radier, et contraint de faire appel. Cette fois, il s'est adjoint les services de l'avocat Jean-François Jésus. Ce dernier s'est amusé de ce choix : "Il a fait le choix d'un défenseur dont le patronyme peut amuser, mais j'ai eu le sentiment d'une excommunication, d'une crucifixion avec cette radiation", allusion au fait qu'Henri Joyeux a été, de 2001 à 2013, président de l'association réputée conservatrice "Familles de France" (et à ce titre engagé contre le Mariage Pour Tous).
Arguments contre arguments
L'avocat a plaidé que les propos du professeur Joyeux relevaient de "la liberté d'expression". A l'inverse, le Conseil de l'Ordre a jugé que le praticien s'était "exprimé en connaissance de cause dans un contexte de méfiance" envers la vaccination. "Le professeur Joyeux se défausse en disant qu'il n'est pas responsable de cette défiance", a dit le docteur Mourgues, en citant une étude internationale de 2016 selon laquelle 41% des Français pensent que les vaccins ne sont pas sûrs. Autre grief émis lors de sa courte intervention: "Si le professeur Joyeux a le droit d'exprimer une position personnelle, il devait préciser qu'elle n'est pas validée par la communauté scientifique".
Retraité depuis 2014, Henri Joyeux a dit "continuer à consulter bénévolement à son domicile": "J'ai prêté le serment d'Hippocrate en 1972, j'y resterai fidèle jusqu'à mon dernier souffle".