Qui a assassiné Christian Poucet, l'influent patron de la CDCA, la Confédération de défense des commerçants et artisans ? La question est posée depuis près de 24 ans. L'homme d'affaires a été abattu de plusieurs balles à Baillargues dans l'Hérault, le 29 janvier 2001, en plein jour devant ses employées, dans les locaux de son entreprise. Les deux tueurs n'ont jamais été arrêtés, ni même identifiés.
L'enquête est ouverte depuis plus de deux décennies et pourtant on ne sait rien officiellement des raisons du meurtre de Christian Poucet. Ses deux assassins l'ont tué en quelques secondes et ont disparu.
Un meurtre éclair... et professionnel
Le 29 janvier 2001 au matin, l'entrepreneur de 45 ans est à son bureau, au premier étage, dans les locaux de son entreprise à Baillargues. Il est au téléphone quand deux hommes cagoulés et armés ouvrent la porte, tirent sur lui à plus de quinze reprises sans faire aucun bruit puis s'en vont. Ils remontent dans leur BMW noire et s'enfuient.
Christian Poucet a été froidement abattu, atteint au visage, au torse, au cœur, au ventre et au bas-ventre, par des balles 9mm parabellum.
Malgré la mise en place du plan épervier dans le Gard et l'Hérault, les deux tueurs ont réussi à disparaître. L'enquête confiée au SRPJ de Montpellier en 2001 s'est soldée par un non-lieu en 2014, faute d'avancées significatives. Mais elle a été rouverte fin 2023.
"Ce n'est pas un cold case"
L'information judiciaire a donc repris, 23 ans après les faits, elle a été confiée à un juge d'instruction de Montpellier. Un réquisitoire supplétif se fondant sur des révélations dans des articles de presse a été demandé et une commission rogatoire a été délivrée.
Dès 2011, les enquêteurs orientaient leurs investigations vers un règlement de comptes entre associés. Une vengeance financière qui aurait été commanditée depuis l'étranger.
Pour contourner le fisc français, l'Héraultais s'était associé à une femme d'affaires très influente à Madère, Maria Mendès. Grâce aux cotisations des adhérents, des millions de francs étaient placés chaque année sur des comptes offshore jusqu'à ce que Christian Poucet se fâche avec son associée, fin 2000.
Les trois éléments qui devraient permettre aux enquêteurs d'avancer, ce sont les relations conflictuelles de Maria Mendès avec Christian Poucet, la voiture noire utilisée pour commettre le crime qui a été louée depuis Madère et les révélations faites par l'homme de main brésilien.
Me Marc Gallix, avocat de la fille de Christian Poucet
Pendant 20 ans, l'enquête a piétiné. Elle a été relancée en 2021, par des révélations dans la presse. Un des hommes de main y confirmait la thèse du règlement de comptes.
Cet homme a dit à la presse qu'il avait été mandaté par Maria Mendès pour assassiner Christian Poucet. C'est la seule piste plausible. Elle n'a jamais été réellement étudiée. Pourquoi ? Aucun mandat d'arrêt n'a été demandé en 20 ans. Pourquoi ? Il n'y a pas deux thèses dans ce dossier mais une seule, le règlement de comptes entre associés.
Me Marc Gallix
L'enquête relancée, il s'agira maintenant de localiser les suspects qui se trouvent tous à l'étranger et de mettre à exécution des mandats d'arrêts internationaux.
Un homme à la tête d'un syndicat puissant et riche
Christian Poucet était incontestablement le leader charismatique des commerçants et artisans entre 1982 et 2000. L'ancien marchand de chaussures de La Grande-Motte pouvait réunir des milliers de supporters dans des meetings surchauffés partout en France.
Cette figure du syndicalisme n'hésitait pas à faire des actions, souvent violentes, contre les préfectures, les perceptions des impôts, les directions des caisses de retraite ou de l'assurance maladie, sans oublier les huissiers et la justice dès que l'on s'attaquait à des membres de sa confédération. La CDCA a compté jusqu'à 200 000 adhérents en France.
Christian Poucet s'opposait aux charges sociales des commerçants allant jusqu'à en proposer le boycott au profit de cotisations privées, gérées par des organismes délocalisés, parfois dans des paradis fiscaux. En fait, il contestait le monopole des caisses obligatoires pour les indépendants travaillant sur le sol français.
Son entreprise héraultaise, le CDCI, Centre de délocalisation et de conseil international, collectait des fonds chaque trimestre, des cotisations, qui étaient investis à l'étranger. Une manne très importante.
Il est ainsi devenu un homme puissant, écouté mais surtout très dérangeant, tant sur le plan économique que politique, dont les ports d'ancrage financier se situaient au Royaume-Uni, au Luxembourg, à Madère ou encore au Brésil.
Quelques mois après son décès, les 40 bureaux de la CDCA fermeront leurs portes.