"Solidarité motarde". La communauté des motards s’organise pour sortir les personnes dans le besoin d’un confinement pesant.
Les machines au garage, qu’importe si c’est pour la bonne cause. "On est motards en colère, mais on est citoyens avant tout". Avec un trait d’humour Jean-Michel Sénéchal, président de la Fédération Française des Motards en Colère Hérault, explique l’implication des motards en pleine crise sanitaire.
On est motards en colère, mais on est citoyens avant tout
Autour d’une page Facebook Solidarité motarde, une communauté d’entraide s’organise depuis lundi. "La solidarité chez les motards est assez forte, on essaie de s’ouvrir aux autres, c’est pour ça qu’on a choisi le mot Solidarité motarde et pas entraide motarde parce que ça faisait trop tourné vers nous-même. Comme ont dit en ce moment, il n’y pas que le virus qui est contagieux, la solidarité aussi," rappelle Laurent Santucci, administrateur de la page. "C’est ouvert à tout le monde. On est là pour échanger, partager et relayer".
Un réseau dense
Déjà solidaires en temps normal, les motards, aidés par un réseau dense, la mobilisation prend forme. Marc Lauvergeat, adhérent à la Fédération française des motards en colère Hérault rend régulièrement visite à des personnes vulnérables avec des provisions ou des médicaments si nécessaires faute de pourvoir se déplacer elles-mêmes. "un coup de main" comme il dit. "Les gens sont vraiment reconnaissants parce que la situation est catastrophique pour certains. Par exemple, je vais voir souvent un couple de personnes âgées, le monsieur a la maladie d’Alzheimer, sa femme est handicapée, leur fille (personne à risque) ne peut pas se déplacer. Elle est contente de ce service".Difficile de dénombrer toutes les actions en cours en région Occitanie. « L’hôpital de Purpan à Toulouse a besoin de masques et on a des motards qui en ont sur Montauban. Ils sont en train d’organiser le transfert. J’essaie de les aider administrativement parce qu’ils ne savent pas comment faire pour transporter ces masques en toute légalité, ça ne rentre pas dans les cases des attestations", explique Laurent Santucci.
Hébergements
"A Montpellier, on n'a pas mal de gens qui proposent des hébergements qu’ils peuvent mettre à disposition du personnel soignant. Ils ont des appartements en résidence secondaire et proposent de les leur laisser. Il faut qu’on arrive à faire passer le message en interne au CHU, je suis en relation avec un médecin". Et la demande à ce sujet peut être pressante. "J’ai un ami, il habite Pérols, il cherche justement à éviter de contaminer sa famille". "On a relayé aussi l’initiative d’un moto-club de Mont-de-Marsan qui essaie récupérer un maximum de visières de moto-cross, qui ressemblent à des masques de ski pour des gens qui en auraient besoin. Des gens mettent à disposition des patrons pour confectionner des masques".
Fabrication de masques
Une vingtaine de d’adhérents à la FFMC34 s’est lancée dans la fabrication de masques en papier. Objectif: 1000 masques par semaine. "La collecte des masques sera opérée régulièrement par trois adhérents et livrée aux bénévoles d’association caritatives qui interviennent auprès des SDF et des plus démunis. Des associations risquent de ne plus pourvoir continuer à assurer leurs maraudes par manque de masques de protection » indique le président de la fédération Jean-Michel Sénéchal. "Ils s’appuient sur un tutoriel d’un médecin urgentiste partagé sur la page. Le masque conçu de feuilles de mouchoir en papier et d’essuie-tout serait équivalent à un FFP3. L’avantage, ils sont jetables, facile à faire, c’est pas cher", reconnait Marc Lauvergeat qui rappelle qu’il faut rester très prudent.Dans le cadre de tous ses déplacements, il est témoin de comportements à risques. "Quand je vois dans les supermarchés ou même dans les petits commerces, des gens avec des gants et continuer à toucher absolument à tout, les portes, les caddies, les porte-monnaies, les cartes bancaires, le visage parfois pour réajuster le masque, ça ne sert pas à grand chose.
Le but au-delà de se protéger, c’est de ne pas contaminer les personnes à qui vous donnez le coup de main
Au cours de ses visites, Marc Lauvergeat dit prendre toutes les précautions de rigueur, pour lui et pour les autres. " Le but au-delà de se protéger, c’est de ne pas contaminer les personnes à qui vous donnez le coup de main". Avec un peu de pédagogie, il explique aux autres motards qui souhaiteraient faire de même. "Il faut faire très attention même s’il s’agit juste d’apporter des courses, transporter des masques pour rendre service, le tout est de le faire en prenant un maximum de précautions. Certains se proposent de transporter des personnes, je recommande de mettre une charlotte dans le casque prêté et désinfecté, des gants jetables à l’intérieur des gants parce que les gants sont obligatoires avec le casque, des contenants pour mettre les masques, plein de choses comme ça".
Aide aux déplacements
Lui a décidé de ne pas transporté de personnes, pour préserver les personnes qu’il aide déjà. Mais il arrive que des personnes aient recours aux motards pour se déplacer à leur travail faute de voiture ou à cause d’un ralentissement de transport en commun. Parfois l’aide n’est pas matérielle sur la page de Solidarité motarde. Simplement se parler de tout et de rien. Enfin… "Des personnes se proposent d’en appeler d’autres, parce que les motards, qu’est-ce qu’il y a de plus important pour eux à part de parler "moto", pas grand chose ! "
Des visières de protections
Ailleurs, d’autres actions relayées par la communauté des motards se poursuivent. Dans les Alpes-Maritimes, Xavier Lebreton et un ami fabriquent des visières de protection grâce à des imprimantes 3D déjà en leur possession. En rupture de fournitures, ils cherchent des feuilles de plastique. La requête postée sur la page, rapidement des solutions sont proposées. «"On m’a parlé de magasins qui font des dons, je vais me rapprocher d’eux. Pour l’instant, on a fait 450 visières de protection distribuées l’hôpital d’Antibes, à des Ehpad, à des structures médicales, à des infirmières libérales, et peut être l’hôpital de Fréjus et de Cannes qui auraient des besoins similaires", raconte Xavier Lebreton. Laurent Santucci a son idée de son côté pour accélérer le mouvement. "Je vais le mettre en lien avec une société qui fait des « bulles », des pare-brises pour moto. Ils m’ont dit qu’ils faisaient déjà des écrans en plexi pour les caisses dans les supermarchés". Ce n’est pas le moment de monopoliser les urgences pour d’autres faits que celui du Covid-19
"Nous la solidarité c’est une valeur qui nous anime depuis quasiment 37 ans", rappelle Laurent Santucci. "L’avantage des motards c’est qu’on partage une même passion, ça fait un point commun qui nous permet de faciliter l’entraide", ajoute Xavier Lebreton. Pour Jean-Michel Sénéchal, le message est double: "Même avec moins de circulation actuellement, la moto reste un deux-roues avec un équilibre précaire. Ce qu’on demande à nos adhérents c’est d’éviter dans la mesure du possible de s’en servir parce qu’effectivement s’il arrive un accident, ce n’est pas le moment de monopoliser les urgences pour d’autres faits que celui du Covid-19. C’est un message important qu’il faut faire passer".
La communauté réunit 5 à 600 000 motards en France.