Le 28 novembre dernier, le gouvernement a amorcé son plan de "déconfinement" progressif en autorisant les commerces "non essentiels" à rouvrir leurs portes. Le milieu de la culture et du divertissement reste quant à lui sur la touche pour le moment : à Palavas, les forains broient du noir.
2020, année noire pour les professionnels de la culture... mais aussi du divertissement. À Palavas, les manèges sont presque au point mort en ce mois de décembre. Les cris des amateurs de sensations fortes ont disparu : la place du Lunapark et ses 8000 m2 sont presque vides.
Depuis le 28 novembre, seuls les manèges isolés et les grandes roues sont autorisés à exercer, sur autorisation préfectorale et municipale, et dans la limite de six personnes par attraction. Les fêtes foraines quant à elles restent proscrites.
Comme chaque année, les forains espéraient participer au traditionnel Village de Noël de Palavas. Mais l'événement, qui embauche habituellement une quarantaine de personnes, a été quasiment annulé à cause de l'épidémie de Covid-19 : seuls deux châlets et une piste de karting ont pu être installés.
"On a eu les fêtes uniquement pendant l'été et maintenant, on nous supprime les marchés de Noël dans quasiment toute la France. L'année, on la sent vraiment très mal pour nous", témoigne Marc Clément, issu d'une famille de forains qui remonte à plusieurs générations. Alors qu'il doit faire face à des difficultés financières, il regarde d'un oeil amer les foules qui investissent les centres commerciaux en cette période de fêtes.
Nous aussi, on est prêt à accueillir des gens en respectant les mesures et on ne comprend pas pourquoi on ne nous l'accorde pas. Est-ce que l'État et les municipalités veulent nous éliminer ou éliminer les fêtes foraines ? Franchement, c'est ce qu'on se demande.
Joachim Coemelck, également forain, est le neveu de Marc Clément. Lui aussi a du mal à comprendre les décisions du gouvernement. Il venait d'investir dans du matériel pour garantir le respect du protocole sanitaire.
"J'avais même acheté un sas de décontamination pour que les gens passent à l'intérieur ! On avait fait tout ce qu'il fallait, on avait même des thermomètres laser. Mais on n'a pas le droit d'ouvrir. C'est l'incompréhension !", s'exclame-t-il.
"Ceux qui n'ont pas de ressources financières suffisantes auront du mal à tenir"
Marc Clément et sa famille seraient bien tentés de se déplacer ailleurs pour faire fonctionner leurs manèges. Mais partout en Europe, les forains sont à l'arrêt. "Les Allemands, les Italiens, les Espagnols, les Belges : eux aussi sont dans la panade !", se désole le forain, bientôt retraité.
Vous savez, pour moi, c'est presque fini mais je pense à mes enfants et à mes petits-enfants. Pour l'instant, on essaie de tous tenir le coup parce qu'on a des salariés à payer. Mais on a une appréhension pour l'avenir.
Selon lui, les aides reçues pendant la crise sanitaire ont été très maigres... voire inexistantes pour les jeunes forains. "Il n'y a pas encore trop de dépôts de bilan, mais je pense que ça ne va pas tarder. Ceux qui n'ont pas de ressources financières suffisantes auront du mal à tenir."
Interrogé par l'AFP, le secrétaire général de la Fédération des forains de France, Stéphane Dubief, déplore une "situation financière castastrophique" pour "95 % des forains". Il craint un niveau de "casse sociale" élevé dans ce milieu, qui représente 200 000 emplois dans l'Hexagone.
En octobre dernier, les forains de la région Occitanie s'étaient mobilisés notamment après l'annulation de la Foire Saint-Martin à Perpignan : ils avaient mené une opération escargot sur l'autoroute A9 puis bloqué l'accès au péage du Boulou pour protester contre les mesures sanitaires.