Des fossiles marins vieux de 125 000 ans au pied de la fusée Ariane 6 à Kourou en Guyane

En 2019, un énorme gisement des fossiles marins est découvert par hasard par les ouvriers sur le chantier du prochain lanceur Ariane 6 à Kourou. Une trentaine de chercheurs internationaux ont travaillé pendant cinq ans sur cette découverte paléontologique sous la houlette de l'université de Montpellier : des animaux marins qui existent toujours et qui ont survécu à des changements climatiques majeurs.

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Voilà cinq ans qu'un consortium international de paléontologues, géologues et biologistes issus de 12 pays différents planche sur ces dizaines de milliers de fossiles. Un travail en coordination avec des scientifiques de l'institut des sciences de l'évolution de Montpellier qui a abouti à l'identification de centaines d'espèces.

"Lorsque nous avons effectué les fouilles in extremis sur quelques jours en 2019 et 2021, avant que le béton ne recouvre le site du nouveau lanceur Ariane, on ne soupçonnait pas à l’époque la richesse de la biodiversité de cet endroit", explique aujourd'hui Pierre Olivier Antoine, professeur à l’université et paléontologue à l'Institut des sciences de l’évolution de Montpellier.

Une tonne de sédiments, plus de 270 espèces

Grâce au financement du Ceba (Centre d’études sur la biodiversité amazonienne), plus d’une tonne de sédiments a été extraite. Au final, plus de 270 espèces animales, végétales et de micro-organismes, ont été identifiées.

À cette époque très ancienne, des palétuviers, de nombreux crabes et mollusques, mais aussi des requins citron et aiguille comme on en trouve encore en Guyane et dans les Caraïbes.

De la mangrove à la savane

Mais 25 000 ans plus tard, changement de paysage radical : c’est une savane sèche qui s’installe.

"Il faisait plus chaud qu’aujourd’hui sur terre : 2 à 3° de plus. La mer était 3 à 4 mètres au-dessus du niveau actuel, cela donne un aperçu de ce qui peut se passer d’ici un siècle si on ne fait rien. La situation était analogue à notre futur possible sur terre", affirme Pierre Olivier Antoine.

Les espèces ont été identifiées par une trentaine de spécialistes mondiaux qui travaillent sous la direction des universitaires et scientifiques de Montpellier.

Des dizaines de milliers de spécimens, appartenant à des espèces actuelles, qui existent toujours aujourd'hui. Ni le réchauffement, ni la glaciation qui a suivi ne les ont fait disparaître. Parmi 270 espèces identifiées, 30 n’avaient jamais été reconnues sous forme de fossiles. Il s’agit principalement de mollusques et requins, qui sont en grand danger d’extinction de nos jours. A l’époque, la densité de leur population était beaucoup plus importante.

"Ni le réchauffement, ni la glaciation qui a suivi ne les ont fait disparaître. Cela prouve que sans l’espèce humaine, ces espèces se débrouillent très bien malgré les changements climatiques. Mais la pression de l’homme aujourd’hui accélère le mouvement", souligne ce paléontologue de l’institut des sciences de l’évolution de Montpellier.

Sans l’espèce humaine, ces espèces se débrouillent très bien.

Pierre Olivier Antoine, paléontologue à Montpellier

Ces fossiles de cet âge sont les premiers mis au jour dans l’Atlantique équatorial, ce qui donne à cette mission internationale un aspect pionnier. "On était en terra incognita, puisque personne n'avait jamais touvé de fossiles sur la côte ouest de l’Atlantique. Il fallait faire 1000 km au nord et 3000 km au Sud pour trouver des fossiles de cette époque-là, au Brésil ou au Venezuela".

"Mais décidément, rien n'est immuable sur Terre et, 25 000 ans plus tard, changement de paysage radical : c’est une savane sèche qui s’installe sous l'effet de la dernière glaciation. Sous cette latitude, près de l'équateur, le refroidissement global n'a pas refroidi le climat local, mais a engendré une sècheresse marquée de grands incendies." précise Pierre-Olivier Antoine.

Le passé sous les pieds d'Ariane 6

En juillet dernier, Ariane 5 a effectué son dernier vol après 26 ans d'une carrière marquée par de nombreuses réussites, comme celle du lancement de la sonde Rosetta en 2004, du GPS européen Galileo en 2016, sans oublier le précieux télescope James-Webb de la Nasa, en 2021. Jugée trop coûteuse, elle va être remplacée par Ariane 6, dont le vol inaugural doit avoir lieu entre mi-juin et fin juillet 2024.

"Le passé de la terre gît aux pieds d'un site dédié à l’exploration des étoiles", un beau symbole porteur d'espoir pour le paléontologue montpelliérain.

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