Cyrille Schott ne sera resté qu'un an et demi préfet de région Languedoc-Roussillon (2007-2009). 18 mois intenses face à Georges Frêche. Pourtant de nombreux dossiers vont avancer avant de se fairer débarquer par Nicolas Sarkozy.
"Travailler avec Frêche ne va pas de soi. Je songe aux combats que mon anté-prédécesseur François Idrac a dû mener contre lui pour faire respecter la règle de droit. Un vrai défi ! N’y a-t-il pas quelque malice du gouvernement à m’envoyer chez ce « fou » de Frêche ?"
Cyrille Schott est un haut fonctionnaire expérimenté, déjà 21 ans dans la préfectorale. Son arrivée à Montpellier est une promotion, il était auparavant préfet de la région Basse Normandie. "Personne ne semble à l’abri de ses saillies. Comment accueillera-t-il l’ancien collaborateur de François Mitterrand que je suis ? Oui, maintes questions assaillent mon esprit au sujet de cette promotion dans ce Midi réputé rétif à l’autorité de l’Etat.… Je n’en sais pas plus quant au rapport à établir avec ce personnage hors du commun que je pressens être Georges Frêche", écrit-il dans le livre qui vient de paraître "Parole de Préfet (Editons La Valette- Le Noyer).
Sortir de la "forteresse assiégée"
Monsieur le préfet arrive à Montpellier le 9 juillet 2007. "J’avais déjà eu un premier contact avec mes plus proches collaborateurs. Ils m’ont averti : « La Préfecture est une forteresse assiégée. » Belle ambiance. Cyrile Schott prévient: " C’est terminé ! Nous pointons les canons vers la ville !" Il s‘sagit d’une image. Point d’intention belliqueuse. Mais il veut que la représentation de l’Etat "ne s’enferme plus dans une posture défensive, mais se révèle entreprenante."La première rencontre avec Georges Frêche: 3 jours après son arrivée dans l'Hérault. "Il m’apparaît comme un despote éclairé à la langue truculente, un bâtisseur à la fois attachant et irritant, un personnage baroque. Il savait décider vite et bien pour les dossiers importants comme pour le dossier TGV". Et pourtant, ce n'était pas gagné. Frêche, président de la région et de la communauté d'agglomération refuse de financer la partie Nîmes-Montpellier (bien plus avancée avec un décret déclarant l’utilité publique du projet, décret qui n’est valable qu’un certain temps) si celle entre Montpellier et Perpignan n'est pas affirmée par le gouvernement.
Schott répond à Frêche : "Votre attitude dans le dossier TGV n’est pas intelligente. C’est stupide". Un montage financier est proposé par les représentants de l’Etat. Finalement, Frêche accepte: "d’accord pour les 270 millions d’euros de la région, je n'ai pas envie de bloquer le processus de la LGV entre Nîmes et Montpellier".Il m’apparaît comme un despote éclairé à la langue truculente, un bâtisseur à la fois attachant et irritant, un personnage baroque
André Vezinhet, président du conseil général de l'Hérault bloque le dossier en refusant toujours de financer (60 millions d’euros). Réaction de Frêche à Schott : "Vezinhet ne comprend rien. Mais je vous rassure, on ne va pas le laisser saboter cet investissement. S’il le faut, je vais faire prendre en charge sa contribution par la région et je le lui ferai payer. Ça oui ! Il me le paiera ! Ces 60 millions, je les lui reprendrai sur l’argent que lui verse la région." Frêche consent à devenir « chef de file » du projet . "J’ai accepté historiquement cette responsabilité. Il fallait oser. J’ai pris des risques. Je ne veux pas être le président du déclin de la région."
Le contournement Nîmes-Montpellier se fera mais 12 ans plus tard, toujours rien pour la partie Montpellier-Perpignan malgré les assurances à l'époque, en 2007 du Ministre d'Etat Jaen-Louis Borloo: "Nous ferons le tronçon Perpignan-Montpellier à toute blinde".Il fallait oser. J’ai pris des risques. Je ne veux pas être le président du déclin de la région
Objectifs communs
Le dossier TGV est un exemple de bonne collaboration entre Georges Frêche et le représentant de l'Etat. "Frêche savait être brutal dans la parole. Moi, je crois que j’étais plus diplomate tout en étant déterminé. Mais finalement l’objectif de faire bouger les dossiers était le même".Un Préfet nommé par un pouvoir de droite qui collabore avec un président de région de gauche. Cela agace les élus locaux de droite. Dès le 7 mai 2008, Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée le prévient: "on te dit trop proche de Frêche". Sept mois plus tard, Cyrille Schott est débarqué. "Ce sont les députés UMP , sauf Grand, qui s’en sont occupés. Ils ont eu tort. Je regrette cet acharnement et cette attitude antirépublicaine. Un préfet n’est pas aux ordres des députés. Et c’est faux de dire qu’il m’a tout cédé"(Georges Frêche Midi Libre, 6 janvier 2009).
Viré par Sarkozy
Un préfet doit surtout chercher à plaire, en tous cas ne pas déplaire. "Au temps où, sous sa haute autorité, j’ai fermé en 2002 le camp de Sangatte, Nicolas Sarkozy chantait mes louanges. Il a signé ma nomination à Montpellier. Il mettra fin, brutalement à mes fonctions".Début janvier 2009, la cérémonie des voeux correspond également à la cérémonie de départ du Préfet Schott qui rend hommage à Georges Frêche: « Vous n’êtes pas toujours parfait, pas plus que je ne le suis, ou que ne le sont certains commentateurs, mais je garderai le souvenir d’un président de région animé d’une véritable passion pour le développement du Languedoc-Roussillon et n’hésitant pas à s’engager résolument, et sans atermoiements inutiles, dans les projets porteurs d’avenir."
Alors s’élève de l’assemblée, une voix grave et puissante. "Vive la République ! Vive le préfet Schott ! A bas les minus ! Les assassins sont parmi nous ! A bas les assassins !" C’est Georges Frêche. Une saillie de plus.Les assassins sont parmi nous !
"Cela m'avait touché quand même," avoue aujourd'hui Cyrille Schott: "Il a fait d’une petite ville régionale une vraie capitale régionale rayonnante. C’était un homme totalement dévoué à la chose publique. Il avait dit qu’il mourrait sur les planches et il est mort comme Molière. Je suis allé à ses obsèques. J’y ai vu tout le peuple de Montpellier, ses adversaires, ses amis, tout le monde était là.
Au niveau national, on a voulu retenir que ses saillies. Quand je suis venu à Montpellier, j’avais en tête ses saillies et la vision nationale des choses et quand je suis parti de Montpellier je n’avais plus cette vision des choses. J’ai vu que le personnage était bien plus riche que ça. Et ce qu’on lui reprochait méritait d’être plus nuancé".C’était un homme totalement dévoué à la chose publique