Après avoir assisté à 46 audiences de Gilets jaunes poursuivis en justice, la Ligue des droits de l’homme de Montpellier publie un rapport dans lequel elle dénonce la répression judiciaire qui vise le mouvement social.
Dans un rapport dévoilé jeudi 20 juin, la Ligue des droits de l’Homme de Montpellier examine les réponses judiciaires apportées au mouvement des Gilets jaunes, à travers 46 cas traités par le tribunal correctionnel de Montpellier de fin décembre à mi-mars. Les prévenus étaient entre autres poursuivis pour dégradation de biens (20% des cas), violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique (28% des cas), ou encore participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences (63% des cas)*.
La LDH s’interroge sur ce dernier point : elle s’étonne en effet que cette infraction soit quasi-systématiquement envisagée par le Parquet alors que par essence, la preuve de cette infraction est très difficile à rapporter. Par exemple, il faut pouvoir prouver que le prévenu savait que ledit groupement était constitué en vue de la préparation de violences. Or, dans les cas jugés à Montpellier, "l’infraction semble se présumer par la seule présence du prévenu dans ou à proximité de la manifestation après 17h", note l’association, qui dénonce une "justice prédictive".
Trop de comparutions immédiates
La Ligue des droits de l’Homme pointe aussi du doigt la pratique quasi-systématique de la comparution immédiate, "quelle que soit la gravité des faits, dès lors qu’il s’agissait d’une infraction commise 'en marge du mouvement de contestation des gilets jaunes'". Pour l’association, ce choix aboutit à une réponse pénale plus sévère en comparaison avec les audiences classiques, et constitue de fait une "véritable violence institutionnelle". Avec la comparution immédiate, les Gilets jaunes, qui pour la plupart n’avaient jamais eu affaire à la justice et qui découvrent donc ce monde, arrivent "sonnés souvent par les 24 à 48 heures de garde à vue", sans avoir eu le temps de préparer leur défense.
Le rapport note que dans 60% des cas, les prévenus ont écopé d’une peine de prison avec sursis entre 2 et 9 mois (6 mois le plus souvent). Une peine de prison ferme, entre 4 et 8 mois, n’a été prononcée que dans 20% des cas. Une fois sur deux, la peine a été assortie d’une interdiction de manifester. Quatre fois également, le prévenu a été condamné à une interdiction de séjour, dont trois fois pour une durée d’un an.
"Juger vite et frapper fort"
Tout cela témoigne de la volonté du pouvoir en place de restreindre la liberté de manifester et d’aller et venir, juge la LDH. "Il faut faire peur", "juger vite et frapper fort" constate-t-elle, s’interrogeant en conclusion de son rapport sur le "deux poids deux mesures" qu’elle constate : les victimes de violences policières attendent elles toujours que l’on donne suite à leurs plaintes.
* Certaines personnes ont été poursuivies pour deux ou trois délits distincts, d’où un total supérieur à 100.