VIDEO - Comment est née la rumeur faisant état de morts à Montpellier pendant la manif des Gilets jaunes

Samedi, la rumeur de plusieurs décès intervenus lors du rassemblement national à Montpellier a couru rapidement. Démentie, elle continuait pourtant d'être relayée dimanche. 

Vers 16h30 samedi, sur les réseaux sociaux, le bruit se met à courir qu'il y aurait un mort à Montpellier. Un mort durant la manifestation nationale des Gilets jaunes dans la ville, à l'occasion de l'acte 30 du mouvement. 

Deux heures d'emballement

A ce moment, l'un des premiers à évoquer un décès (sous forme interrogative) n'est pas n'importe qui : il s'agit de l'un des leaders nationaux du mouvement, Jérôme Rodrigues, lui-même blessé à l'oeil début 2019, mais qui ne se trouve pas à Montpellier à ce moment là.

Demande de confirmation ! 1 décès à Montpellier pendant la manif ? (Jérome Rodrigues officiel, Twitter)

A partir de ce moment-là, la rumeur fait tâche d'huile et le bruit se répand qu'il y a donc eu un décès durant la manif montpelliéraine qui a débuté le matin et dont les incidents se poursuivent alors. 

Pourtant, quelques minutes à peine avant le tweet de Jérôme Rodriguez, la préfecture de l'Hérault a déjà, à 16h37, sur Twitter également, mis en garde contre la diffusion de fausses nouvelles, sans préciser toutefois à ce moment-là de quoi il s'agit précisément : Mais les choses vont pourtant s'emballer. A 17 heures, une manifestante Gilet jaune diffuse sur facebook une vidéo en live de l'intervention de street-médics auprès d'une blessée. 

Les étranges propos d'un street-medic

Au bout de quelques minutes, alors que les soins sont terminés, un des street-médics, non-identifié pour le moment, s'exprime auprès d'un groupe de manifestants. On ignore s'il sait alors qu'il est filmé.

Voici ce qu'il dit : 

Il y a bien eu un mort, confirmé par les CRS. Normalement on n'a pas le droit d'en parler. C'est une femme d'un certain âge. Elle a pris un tir de LBD dans la tête. Elle est tombée dans le coma, elle est partie, elle a rien senti... Un décès, sûr. (Street médic sur facebook)

Voici la vidéo que nous avons récupérée :

Un groupe facebook annonce la mort d'un medic

Impossible à l'heure actuelle de savoir s'il y a un lien entre les déclarations de ce médic montpelliérain et la publication, à quasiment la même heure (17h04) d'un message très bref sur la page du groupe Facebook "Partage info medics", qui affirme qu'il y a eu un décès dans les rangs des sauveteurs :

Dimanche, ce message était toujours présent sur le groupe facebook. Mais un message de l'administrateur du groupe a été ajouté : 

Le samedi 8 juin à Montpellier dans le courant de la journée une femme Street Medic de Toulouse à été évacué d'urgence via un VSAV des pompiers de Montpellier , avec une cause de la blessure provenant de la police.
Actuellement :
Toujours hospitalisé, nous ne savons pas si elle est encore en vie, et ne connaissons pas son état de santé.
La page s'excuse si il y a eu une mauvaise interprétation ou quoi que se soit d'autre.

Mais là-aussi, y a un problème ! Le groupe facebook des Medics de Toulouse a indiqué lui-aussi vouloir mettre fin aux rumeurs. Aucun médic de Toulouse n'a été blessé à Montpellier. Seuls deux d'entre-eux avaient fait le déplacement, deux hommes.

Non plus un, mais deux morts !

L'emballement sur les réseaux sociaux va ensuite prendre une tout autre ampleur, quelques minutes plus tard, avec la vidéo d'un jeune manifestant, gestionnaire de la page facebook "Vécu, le média des Gilets jaunes", présent à Montpellier. 

Car cette fois, le jeune homme ne fait pas état d'un mais de deux morts, deux femmes. Il est alors 17h35. 

J'ai eu le chef des street-médics au téléphone. Ils ont appelé une amie urgentiste qui a confirmé : une dame d'une cinquantaine d'années qui aurait pris un flashball dans la rate, rate éclatée, elle serait décédée. Deuxième, une dame, suite à un flashball dans la tête, traumatisme crânien, elle serait décédée également ("Vécu", sur facebook).

Sa vidéo va rapidement devenir virale. Dimanche matin, elle comptait près de 200 000 vues et 19 000 partages.

A ce stade, il est intéressant de voir que le jeune homme, au ton pourtant très affirmatif, utilise le conditionnel et confirme qu'il ne tient pas ses "infos" d'une source directe mais par plusieurs intermédiaires. 

A 17h41, quelques minutes plus tard, dans un nouveau tweet, la préfecture de l'Hérault confime qu'il s'agit de fausses rumeurs. Mais autant vouloir éteindre un feu de forêt avec un arrosoir. Aucun service d'urgence, aucun hôpital ne confirme le moindre décès. Mais la rumeur continue son chemin. 

"Dans tous les cas, il y a des blessés graves"

A 18h26, la page facebook "Vécu" réalise un nouveau live vidéo. Cette fois, les propos sont plus nuancés et concernant les sources, on est sur le mode l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours.

J'ai croisé des gens qui connaissent une urgentiste qui a appelé ses collègues et qui confirment la chose. Les médias le démentent. La préfecture a démenti. Moi on m'a dit que l'urgentiste a confirmé. On attend. Dans tous les cas, il y a des blessés graves. ("Vécu", sur facebook)

On n'en est donc plus à l'affirmation. La source est indirecte et l'auteur fini par dire que "dans tous les cas, il y a des blessés graves". 

Mais le mal est fait, la rumeur circule.

Des excuses mais...

Dimanche en milieu de journée, après la parution de la première version de cet article, le jeune homme a publié un troisième live  dans lequel il reconnaît avoir "peut-être fait une erreur" et présente ses excuses, mais continue de déclare qu'il n'est "pas impossible qu'il y ait du vrai".  

Des images impressionnantes et des blessés

L'emballement sur cette rumeur est sans doute partie d'un faisceau de situations et de déclarations comme celle de ce street-medic qui affirme sans preuve et cite comme source "un CRS". Elle puise aussi son origine dans les scènes vécues à Montpellier durant plusieurs heures : des heurts qui ont fait des blessés, avec des images de blessés ensanglantés véhiculées par les médias ou les manifestants eux-mêmes.

Une vidéo d'un homme allongé au sol, la tête en sang, entouré par des forces de l'ordre, a également été beaucoup partagée. 

Selon une source policière, contactée par France 3 dimanche, la rumeur est partie du fait qu'une femme à été évacuée par les street-medics inanimée. Le bruit s'est alors répandu parmi les manifestants qu'elle était dans le coma, qu'il s'agissait d'un matraquage, puis qu'elle était morte. Sans aucune vérification possible. 

Ne partagez pas des "infos" aux origines incertaines

Des moments de violence qui, parfois, peuvent donner des arguments à ceux qui diffusent des rumeurs en toute bonne foi. Souvenez-vous seulement d'une chose : quand une information vous paraît incroyable, forte, folle, ayez un geste de prudence avant de la partager sur les réseaux sociaux. Qui la diffuse ? La source est-elle sûre ? 
 
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