Comment une chaine de restauration peut-elle être une victime collatérale du conflit entre la Russie et l'Ukraine ? Tout simplement si elle s'appelle "Poutine house". Rien à voir avec le Maître du Kremlin ou la femme du président russe car la poutine est un plat traditionnel de la cuisine du Québec.
Pour de nombreux pays au monde, le nom du président de la Russie s'écrit Vladimir Vladimirovitch Putin ou Влади́мир Влади́мирович Пу́тин pour les états russophones. Mais en France, c'est Poutine.
Une bien triste coïncidence pour une chaine de restauration baptisée Poutine house ou maison de la poutine. Les restaurants de Montpellier et Toulouse sont depuis le début de la guerre en Ukraine, les cibles de menaces et d'insultes notamment sur les réseaux sociaux. Un amalgame malheureux !
D'où cette mise au point de la direction sur twitter.
Des menaces et des insultes
Sur les avis google, la note du groupe "maison de la poutine" a piqué du nez depuis l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe. Sur les réseaux sociaux, les messages sont insultants voire menaçants.
A Montpellier, le gérant de la Poutine house est pragmatique. "Heureusement, nous n'avons pas eu de menaces physiques !".
"Il y a différents degrés. Ceux qui nous arrêtent dans la rue pour nous demander pourquoi on porte ce nom ou pour nous dire qu'on devrait avoir honte et changer de nom, il y a aussi des insultes. Le plus préjudiciable pour nous, ce sont les avis négatifs sur le restaurant sur google"
Brice Lacroix, propriétaire gérant "Poutine house" à Montpellier.
A Toulouse, une sexagénaire plutôt extrémiste a même incité à brûler le restaurant Madame poutine.
L'une des salariées a expliqué à France bleu Occitanie : "On reçoit trois ou quatre appels par jour, souvent masqués, de personnes qui disent que c'est une honte de travailler pour l'Etat russe, d'avoir des subventions de la part de Monsieur Poutine. Ce sont des gens qui ne sont pas informés, qui veulent juste déverser ce qu'ils ont à dire sans écouter notre réponse. Certains passent devant le restaurant et crient des insultes. (...) Le soir, les 2 autres salariés commencent à avoir peur".
Le groupe a également reçu des courriers comme celui-ci. "Vous n'avez plus qu'à quitter la France, dans les meilleurs délais, car votre présence n'est plus souhaitée. Vladimir a besoin urgemment de vos talents culinaires". Signé, des Français adorateurs de la démocratie.
Il y a aussi les réalistes qui invitent l'enseigne 100% Canada à changer de nom...
"Vous devriez changer de nom... c'est assez insupportable de voir le nom d'un dictateur sanguinaire pervers narcissiques associé à un plat si délicieux. Je vous suggère de la remplacer par : "Madame frite en sauce" ou encore "Madame frite sauce fromage"".
Et dans tout ce déferlement de haine et de bêtises ou d'inculture, il y a des soutiens. Des gastronomes, surtout originaires du Canada, qui expliquent ce qu'est la poutine et en vantent les mérites gustatifs et caloriques.
"C'est un plat très bon, chaleureux, typique du Québec, qui n'a rien à voir avec Poutine. Soutien à l'Ukraine. #stopPoutine #jesuisUkraine".
"La poutine existait bien avant Poutine. Et notre plat traditionnel survivra à ce Vladimir de malheur" se moque un Canadien de Montpellier.
A Montpellier, les passants devant le restaurant ont aussi leur avis.
"Le nom du restaurant interpelle, surtout de nos jours. Il y a aussi une feuille d'érable qui n'a rien à voir avec la Russie" explique une touriste.
"C'est un nom comme un autre, les gens sont stupides, le restaurant n'y est pour rien dans ce conflit... et le personnel encore moins" affirme un Montpelliérain.
Qu'est-ce que la poutine ?
La poutine est un plat de la cuisine québécoise composé, dans sa forme classique, de trois éléments : des frites, du fromage en grains (qui couine) et de la sauce brune. La poutine tire son origine du Centre-du-Québec à la fin des années 1950.
Mets longtemps ridiculisé et utilisé pour représenter de manière caricaturale, voire péjorative, la société québécoise, la poutine est maintenant en vogue, et même célébrée, à l'extérieur des frontières du Québec. Il existe actuellement des festivals de poutine à Drummondville, à Montréal et à Québec, et également en dehors de sa culture d'ancrage comme à Chicago, au New Hampshire, à Toronto et à Ottawa.