Un couple de retraités estime avoir été roulé par un brocanteur du Gard qui leur avait acheté un masque d'Afrique centrale pour 150 euros. Or, cette pièce très rare, sculptée au Gabon, a été revendue 4,2 millions d'euros aux enchères à Montpellier, en mars 2022. Les anciens propriétaires attaquent en justice pour tenter de faire annuler la vente initiale.
Dans nos greniers dorment parfois de véritables trésors ! Des objets très rares comme ce masque africain qui avait défrayé la chronique au printemps 2022, à Montpellier.
Il avait mis l'hôtel des ventes de Monpellier en effervescence le 26 mars 2022 : proposé au prix de 300 000 euros, ce masque Fang du XIXe siècle en bois, appartenant à une société secrète du Gabon, avait été vendu 4,2 millions en quelques minutes, après une lutte acharnée entre dix acheteurs.
Au total, avec les frais, l'enchérisseur final, qui l'avait emporté par téléphone, avait dû débourser 5,25 millions d'euros pour acquérir cet objet exceptionnel.
Plus rare qu'un tableau de Léonard de Vinci
"Ce type de masque est plus rare qu’un tableau de Léonard de Vinci : on connaît 22 tableaux du maître, alors qu'on ne connaît que 10 ou 12 masques de la main de différents maîtres Fang du Gabon", expliquait au moment de la vente un commissaire-priseur à notre équipe de reportage.
Ce masque, qui selon les experts en art africain servait à rendre la justice, dormait depuis plus d'un siècle dans le grenier d'une maison gardoise, résidence secondaire d'un couple originaire d'Eure-et-Loire.
En septembre 2021, ce couple d'octogénaires avait fait appel à un brocanteur antiquaire du Vigan pour se débarrasser de différents objets qu'ils voulaient vendre et lui avait cédé, entre autres, ce masque en bois sculpté ayant appartenu au grand-père, ancien gouverneur colonial en Afrique, pour la somme de 150 euros.
"Au début, explique leur avocat, cet antiquaire ne voulait même pas venir débarrasser leur maison. Mais sur l'avis de leur jardinier, il est revenu sur place pour acheter différents objets comme des tableaux, des bijoux, et le masque".
Selon Frédéric Mansat Jaffré, les deux hommes se sont ensuite partagés en deux le fruit de la vente aux enchères : plus de deux millions d'euros chacun.
Recours en justice pour un partage plus équitable
C'est six mois plus tard que le couple a découvert le pot aux roses, lorsque la vente aux enchères de cette œuvre très rare organisée à Montpellier a été relayée par la presse.
Selon l'avocat des retraités, trois mois avant la vente aux enchères, le brocanteur avait fait dater le masque au carbone 14 pour attester de son origine. Il savait donc qu'il détenait un véritable trésor.
Cet avoué du barreau de Nîmes a donc décidé de porter l'affaire en justice, dans l'espoir le tribunal d'Alès puisse annuler la première vente et ordonner au brocanteur de verser des dommages et intérêts à ses clients.
C'est une question d'honneur et de morale, pas d'argent. Même s'il ne s'agit pas d'une arnaque pure et simple, un antiquaire a des obligations à respecter, c'est un professionnel qui doit conseiller ses clients.
Frédéric Mansat Jaffré, avocat des plaignants
L'affaire doit être plaidée le 30 octobre devant le tribunal judiciaire d'Alès, la décision devrait être rendue peu avant la fin de l'année.
D'ici là, les comptes bancaires du brocanteur, seul à être poursuivi en justice, resteront bloqués, comme l'a décidé la cour d'appel de Nîmes.