Une entreprise montpelliéraine a mis en place un système d'identification de l'âge d'une personne sans lui demander une seule de ses informations personnelles. On vous explique tout sur Borderage.
Voilà maintenant trois ans que l'entreprise de logiciels Nee Demand, spécialisée en data science et intelligence artificielle depuis 20 ans, composée de huit personnes, travaille sur le développement d'un logiciel permettant d'identifier l'âge d'une personne sans utiliser une seule de ses données personnelles.
Naissance de Borderage
L'idée est née alors que l'équipe travaillait... sur un projet antidopage ! "On devait détecter quelles personnes étaient dopées et, en essayant, on s'est rendu compte qu'il y avait pas mal d'informations qui étaient liées à l'âge", raconte Driss Benchakroune, l'initiateur du projet.
Le dopage surdéveloppe les capacités mécaniques d'une personne mais ne développe ni les tendons, ni le système nerveux qui, eux, ne peuvent évoluer qu'avec l'âge. "En clair, les mouvements ne sont pas synchronisés avec le système nerveux et les tendons."
C'est donc grâce au mouvement qu'il devient possible de déterminer l'âge de la personne : le système "Borderage" est né.
Fiabilité de 85 %
Le logiciel est assez simple : il demande seulement à la personne de faire trois mouvements avec son avant-bras. Ces mouvements sont ensuite analysés et, automatiquement, le logiciel peut donner, avec 85% de fiabilité, l'âge de la personne et donc dire si elle est majeure ou mineure.
Le système sera disponible via deux services. L'un en ligne, comme interface pour accéder à un site. L'autre via une application mobile qui pourra donc être utilisée au quotidien, dans les bars ou même aux entrées des boîtes de nuit.
Protection de la vie privée
Lorsqu'on lui demande s'il ne s'inquiète pas de cette réglementation par intelligence artificielle, Driss Benchakroune répond par la négative.
Ce qui m'inquiéterait plus ce serait de savoir que mon fils est fiché à tel endroit avec sa pièce d'identité, ici, avec ce système, on ne peut rien sauvegarder, aucune donnée de vie privée.
Driss Benchakroune
Protéger l'identité de chacun, c'est ce qui lui importe. De cette façon, l'application ne demande aucun papier d'identité, aucun nom et aucune photographie. "Il ne faut pas que ce soit le site qui contrôle l'identité des gens".
Solution à la loi du 30 juillet 2020
Dès lors, le dispositif apparaît comme une solution jusqu'alors introuvable quant à l'interdiction aux mineurs d'accéder aux sites réservés aux adultes. Un enjeu majeur notamment pour les sites à caractère pornographique.
Le 30 juillet 2020, une loi visant à protéger des violences conjugales et interdisant l’accès des mineurs aux sites pornographiques est votée sans mise en œuvre concrète.
L'état avait mis en place des concertations avec différentes sociétés mais ils n'arrivaient pas à obtenir plus de 56% de fiabilité.
Driss Benchakroune
Sites intéressés
Le logiciel n'est pas encore accessible en ligne mais, selon l'ingénieur, il pourrait intéresser "de nombreux professionnels notamment dans la vente d'alcool, de tabac, sur les réseaux sociaux, pour les sites de pornographie, et pour les banques en ligne".
L'équipe est confiante car elle a déjà été contactée par de nombreux clients potentiels, qui auraient tout à y gagner.
En effet, "aux États-Unis par exemple, certains Etats ont dit "soit vous protégez les mineurs soit vous arrêtez de diffuser", ils n'ont pas mis de moyens en œuvre pour les protéger alors les entreprises ont été coupées d'accès à leurs propres sites", explique Driss Benchakroune.
Or, selon l'ARCOM, sur l'année 2022 chaque mois en moyenne, 2,3 millions de mineurs consultent des sites "adultes". Et plus de 17 millions sont majeurs.
Entre perdre un peu moins d'un quart de ses clients et toute sa clientèle, le choix est vite fait. C'est la raison pour laquelle ces sites pour adultes s'intéressent de près aux travaux menés par l'entreprise.
Mineurs isolés
Mais pour l'ingénieur, ce système pourrait aussi aider les services de l'état à clarifier certains cas de mineurs isolés. Aujourd'hui, les procédures pour vérifier l'âge impliquent d'utiliser la radiographie en mesurant la taille du fémur mais cette procédure possède des lacunes, elle est :
- Chronophage
- Fiable à seulement 58 %, selon Needemand. Ethniquement et physiologiquement, les standards de tailles peuvent fluctuer suivant la provenance de la personne, si elle a fait du sport ou pas.
- Peu respectueuse de la santé de ces personnes. Cette exposition trop fréquente aux rayons X a été dénoncée par l'Ordre des Médecins.
95% de fiabilité
Prochaine étape : atteindre les 95% de fiabilité afin de commercialiser le logiciel. Pour se faire, l'entreprise va devoir lancer une collecte de fonds. "Ce n'est pas une question de temps mais surtout d'argent", conclut Driss.