Deux jeunes hommes et leur mère comparaissent devant les assises de l'Hérault à Montpellier pour tentative d'assassinat, actes de torture et de barbarie envers une jeune fille en 2019 à Agde. La première journée du procès, consacrée à la personnalité des accusés, a révélé un contexte social épouvantable sur plusieurs générations.
Une famille dans le box des accusés, c'est rare. "Cette affaire révèle les tréfonds de l'âme humaine", souffle Me Julien Audier-Soria avocat de la mère. Les tréfonds de l'âme humaine mais aussi la misère transmise sur plusieurs générations.
Victime absente
Deux hommes de 26 et 28 ans accusés d’avoir séquestré et torturé une jeune femme avant de la jeter avec l’aide de leur mère au bord du canal de Midi à Vias ( Hérault) en novembre 2019 sont jugés depuis ce mardi 11 avril à Montpellier. Pour le premier jour d’audience, la victime encore traumatisée et très fragile n’a pas pu être présente à l’audience. Elle sera entendue jeudi 13 avril à huis-clos. La première journée du procès pour cette affaire des plus sordides a été consacrée à l'examen de la personnalité des accusés.
Alcool, violence, foyers
Appelée à la barre, Séverine, C. la mère âgée de 48 ans est invitée à s'exprimer. Entre deux sanglots, la quadragénaire au visage très marqué, habillée d'une doudoune blanche et rouge raconte son enfance entre un père violent et alcoolique qui les abandonne elle, sa mère et sa sœur. Une mère qui plonge à son tour dans l'alcool et décède. Les deux fillettes sont placées d'abord dans la famille puis en foyer. Un foyer où l'accusée rencontre son mari à l'âge de 16 ans.
Bis repetita
Viennent ensuite le mariage, les enfants, quatre en six ans, "Au début ça se passait bien, puis les gifles ont commencé", déclare l'accusée à la barre. Le scénario se répète. Elle décrit les coups qui pleuvent, la violence et l'alcool. A trente ans, elle divorce, ses enfants sont placés, elle part vivre dans le sud de la France, à Agde.
Passive et dépendante
La femme à la personnalité "passive-dépendante", selon les experts va récupérer ses enfants dix ans plus tard. Celle qui "n'a pas eu de cadre sera incapable d'en donner un à ses enfants" . Deux sur quatre sont dans le box des accusés.
J’ai tellement ramassé que je fais tout pour éviter la violence.
Accusée
"Avez-vous un quelconque pouvoir ? Interroge son avocat. Aucun", répond la quadragénaire. Pour n'avoir pas su dire "non" et être allée, à la demande de ses fils chercher la victime à l'article de la mort et les avoir aidés à s'en débarrasser en la jetant au bord du canal du Midi, la mère de famille est poursuivie pour tentative d'assassinat.
Enfants placés
Arrivent ensuite les auditions des deux fils. Le premier s'exprime très vite. Il est à peine audible. Il résume sa vie en moins de deux minutes. Placé à cinq ans dans le foyer "on se débrouille on s'fait tout seul". Puis placé en famille d'accueil "mais ça se passe mal", car la famille maghrébine qui les aurait traités de "sales Français faisait trop de différence entre ses enfants et nous".
Du cannabis pour éviter les bagarres
Lorsqu'ils partent vivre chez leur mère à l'adolescence, celle-ci leur donne du cannabis "pour éviter qu'ils se tapent sur la gueule". Le premier compagnon de sa mère s'en va "car il y avait trop d'embrouilles". Quand elle en rencontre un autre, c'est elle qui part vivre avec sur un bateau en laissant ses fils dans l'appartement d'Agde. Un capharnaüm sans nom. Ils ne travaillent pas car il faut "s'occuper de la vingtaine d'animaux laissés par leur mère et pour faire le ménage". "Quand on voit les photos de l'appartement, ça ne devait pas vous prendre beaucoup de temps", ironise Philippe Piquet, qui préside la cour d'assises.
47 jours dans un placard
L'appartement dans lequel vivaient les accusés et où ils ont séquestré la petite amie de l'un des deux était, en effet, dans état de saleté tel que "l'air y était irrespirable" selon des témoins. La jeune femme enfermée dans un placard cadenassé était réduite à y faire ses besoins. Elle y est restée séquestrée 47 jours, réduite parfois à manger des "cacas de chat".
"Notre mère nous a laissés à la maison on avait plus de repère et je me suis beaucoup accrochée à Betty" [NDLR : la victime].
En vrai on est pas des gens méchants malgré tout ce qui est arrivé.
Jordan G.Accusé
On a jamais cru que ça arriverait", ajoute l'un des deux frères. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict sera rendu le vendredi 14 avril.