Lucas Canuel, l’un des pompiers victime d’un dramatique feu de forêt dans l’Hérault en 2016, dénonce la présence de son supérieur hiérarchique François, au casting de l’émission de survie Koh-Lanta, alors que ce dernier est actuellement mis en examen pour homicide involontaire.
La nouvelle a encore du mal à passer. "Les pompiers ont très mal réagi. Ça a été vécu comme un manque de respect", affirme Lucas Canuel. Cet ancien pompier que nous avons contacté, a découvert sur la page facebook du SDIS 34 de l’Hérault, que son ancien supérieur hiérarchique, François, allait participer à la prochaine saison de l’émission de divertissement Koh-Lanta, diffusé sur TF1 dans dix jours, le 22 février prochain. Un choc pour ce jeune homme de 27 ans, qui affirme pourtant faire la part des choses.
Je comprends que participer à Koh-Lanta soit le rêve d’une vie. Mais lorsque l’on est mis en examen, la moindre des choses, c’est de se faire petit. C’est une bêtise, et je pense qu’il le sait.
Lucas Canuel
Son supérieur est en effet actuellement mis en examen pour homicide involontaire, suite au terrible feu de forêt de Gabian qui avait couté la vie à un pompier, Jérémy Beier en 2016. Trois autres pompiers ont été grièvement blessés, notamment Lucas Canuel, dont le corps a brûlé à 40 %, et qui a subi une amputation des dix doigts.
Une faute commune
"Pour la famille de Jérémy c’est trop difficile ", affirme Lucas Canuel, qui dénonce un manque de pudeur, et le comportement du SDIS 34 dans cette affaire. Selon lui, François a été « jeté dans la fosse aux lions » par ses supérieurs. "Comment le SDIS a-t-il pu laisser faire ça ? Ils étaient forcément au courant de sa participation. Et maintenant ils se délaissent de leur responsabilité. C’est plus facile de taper sur un homme que sur une institution."
Le SDIS a rappelle dans un communiqué son soutien total aux victimes. La direction des pompiers de l'Hérault, explique par ailleurs que ce commandant des pompiers participe à Koh Lanta à titre personnel et sur ses congés.
De son côté, la production assure dans un communiqué, qu’elle n’était pas au courant de ces éléments. "Nous n’étions pas informés de cette mise en examen. L’information le concernant n’était pas publique et elle est couverte par le secret de l’instruction. Nous avons suivi nos process de sélection qui sont encadrés par la loi afin de respecter la vie privée des concurrents. Nous demandons aux personnes candidatant s’il existe des condamnations judiciaires. François nous a indiqué qu’il ne faisait l’objet d’aucune condamnation et nous a transmis un extrait de son casier judiciaire."
Une enquête toujours en cours
François est en effet présumé innocent, et l’enquête est toujours en cours. Six de ses collègues sont également interrogés dans le cadre de cette affaire. Lors de l’incendie, ces pompiers sont suspectés "d’avoir donné à la troupe des ordres inadaptés, parfois contradictoires, et fourni une formation insuffisante à des matériels inadaptés".
L’incendie, Lucas Canuel s’en rappelle bien. "On est appelés l'été sur un gros feu de forêt, et puis tout dégénère. On doit se mettre en auto-protection dans notre camion. Le groupe éclate, et au moment de mettre notre auto-protection, le camion dysfonctionne. On se retrouve dans un camion qui brûle." C'est alors que François aurait ordonné de rester dans le camion défectueux. "Aujourd'hui, le camion, il n'en reste rien. Nous avons dû remettre en question l'information que nous avons reçue ce jour-là, et on nous le reproche encore aujourd'hui".
Défendre la sécurité des pompiers
Du matériel trop souvent défectueux, et des hommes qui en payent le prix fort. De ce drame, celui que ses amis surnomment à présent « le phœnix », veut en tirer un livre pour dénoncer le manque de moyens et la loi du silence qui règne au sein des pompiers. "Personne ne dit rien. L’inaction, c’est la règle", affirme-t-il. "Je veux me servir de cette colère et en faire quelque chose de bien. Ça va être une belle leçon de vie et j’espère que ce livre incitera à changer les choses au sein de l’administration." Le jeune montpelliérain a par ailleurs repris ses études, pour s’occuper là encore de la sécurité des travailleurs.
