Des chercheurs du CHRU de Montpellier et de la Fondation Fondamental se sont penchés sur les données d'hospitalisation pour tentative de suicide. Les résultats soulèvent de nombreuses hypothèses d'interprétation.
C’est un résultat qui a de quoi surprendre, à l’heure d’une vigilance accrue concernant les troubles psychologiques engendrés par la pandémie de Covid-19. Selon une étude menée par des chercheurs du CHRU de Montpellier et publiée début mars dans l'Acta Psychiatrica Scandinavica, le nombre d’hospitalisations après une tentative de suicide a diminué pendant le premier confinement. Et ce, malgré les facteurs de risque aggravés par les restrictions de circulation, à commencer par l'isolement.
Diminution globale des hospitalisations
Entre le 16 mars et le 11 mai 2020, les auteurs dénombrent 10 400 hospitalisations pour ce motif à travers la France, soit 2864 de moins que l’année précédente à la même période. Cette évolution à la baisse se confirme si l’on considère les semaines qui ont précédé ou suivi le confinement. Mais elle concerne surtout les tentatives "non-sévères", c’est-à-dire celles pour lesquelles le patient n’a pas eu besoin de soins intensifs. Ce sont aussi les plus nombreuses.
Reste à savoir comment expliquer cette diminution. Les auteurs, rattachés à la Fondation Fondamental avancent plusieurs hypothèses : changement du mode de travail et diminution des heures, mécanismes d’aides qui ont allégé la pression financière, ou encore un "sentiment collectif d’entraide observé pendant les périodes de crise nationale". "On sait que sur une période de guerre par exemple, il y a une plus grande cohésion sociale et une réduction de la mortalité par suicide, avec un sentiment d'appartenance qui est plus fort", explique ainsi Emilie Olié, professeure de psychiatrie au CHU de Montpellier.
Une "diminution artificielle" ?
Mais ces pistes sont à nuancer par une autre explication possible : le recours moindre aux services de soin. "Est-ce qu'on capte une réelle diminution des tentatives de suicide, s’interroge Emilie Olié, ou est-ce que c'est une diminution artificielle parce que des gens qui, en temps normal, auraient atterri aux urgences ne se sont pas présentés (...) du fait de l'engorgement ou d'un accès à l'hôpital moins aisé pendant le confinement ?"
D’autant que les tentatives les plus graves n’ont elles pas diminué. Et que l’étude ne prend en compte que les personnes hospitalisées, laissant donc sous silence les suicides qui ont abouti à la mort de leur auteur avant toute prise en charge. Il faudra donc attendre les données de la mortalité, certainement d’ici "2023 ou 2024", pour avoir une idée plus fine de l’impact du confinement sur les passages à l’acte.
"Rester vigilant"
Les alertes sur la dégradation générale de la santé mentale en France se sont également multipliées au cours de l’année écoulée. L’étude CoviPrev, dont les résultats sont publiés par Santé Publique France, indique une augmentation de la dépression et des troubles anxieux, mais aussi des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Elles concerneraient 9 % des Français, soit quatre points de plus que le niveau "hors épidémie".
"Il faut quand même rester vigilant et continuer à prendre en charge la dépression, les troubles anxieux, et faire de la prévention sur la santé mentale, insiste Emilie Olié. C’est essentiel et c’est un des éléments de la prévention du suicide." De quoi imaginer un impact sur le long terme, au-delà du confinement ? L’équipe montpelliéraine a donc commencé à travailler sur les données de l’année 2020 dans sa globalité.