Jusqu’au 23 septembre, le Pavillon Populaire de Montpellier propose une exposition historique, explorant les ressorts de la propagande nazie à travers 240 clichés d’Hitler, pris par son photographe officiel Heinrich Hoffmann entre 1924 et 1945.
240 photographies d’Adolf Hitler : "Un dictateur en images", la nouvelle exposition proposée par le Pavillon Populaire de Montpellier à partir de ce mercredi 27 juin, est d’un genre inédit. Elle montre pour la première fois un corpus de plus de 200 photos du "Führer" choisies parmi quelque 12.000 prises de 1924 à 1945 par son photographe officiel Heinrich Hoffmann (1885-1957).
Le projet, ambitieux, est de déconstruire la propagande nazie, en en dévoilant les ressorts. Cette exposition, qui pourrait paraître "risquée politiquement", est "historique" estime le directeur artistique du Pavillon Populaire Gilles Mora, qui a voulu proposer une "réflexion politique en images", disposant d'une "qualité scientifique indéniable". Le Mémorial de la Shoah et les historiens Johann Chapoutot et Denis Peschanski ont participé à son élaboration.
"Hitler se défie des photographes et les fuit au début de sa carrière politique mais il comprend très vite l'importance de ce mode de représentation pour projeter l'image de 'chef' qu'il souhaite imposer au public", explique Alain Sayag, commissaire de l'exposition. "Artiste 'raté', il trouve en Heinrich Hoffman celui qui va donner une forme visuelle à cette fiction", relève-t-il.
Gestuelle d’orateur
Cette image construite se met au point de 1924 à 1927. L'exposition permet aux visiteurs de voir une quarantaine de photographies prises en août 1927 lorsqu'Adolf Hitler travaille sa gestuelle d'orateur dans l'atelier munichois du photographe.
Cette iconographie se fige après la prise de pouvoir en 1933 et sera reproduite à l'infini sur des timbres, des cartes postales qui rapporteront de juteux droits d'auteurs au photographe et à son modèle: on y retrouve les thèmes du "guide qui conduit la nation", de "l'adoration des foules", ou encore des scènes à la banalité affectée avec des enfants ou des animaux qui participent à l'élaboration du mythe d'un Führer proche de son peuple.
L'image du Führer, "au centre du régime nazi", n'est "jamais une représentation du monde réel mais une présentation codifiée de celui-ci", relève le commissaire d'exposition.
"Matraquage"
Ces "images de facture plutôt médiocre" visent "à obtenir l'adhésion du 'peuple' par un matraquage massif et continu, dans le cadre d'une propagande qui doit devenir
une foi", explique Alain Sayag.
Or ce sont ces photographies de propagande d'Heinrich Hoffman, tombées dans le domaine public, "que l'on retrouve dans tous les livres d'Histoire coupées de leur contexte", le plus souvent sans date et sans auteur, s'indigne le commissaire d'exposition. D'où "l'importance de situer ces images et de les analyser afin de montrer à quel point elles sont construites".
Simple témoin au procès de Nuremberg, Hoffmann sera traduit devant un tribunal bavarois et condamné, le 31 janvier 1947, à dix ans de prison, à la confiscation de tous ses biens, à la déchéance de ses droits et à l'interdiction d'exercer sa profession à l'issue de sa condamnation. En réalité, il sera relâché en février 1950, et un jugement en appel le rétablira dans 20% de ses biens.
"Regards sur les ghettos"
En contrepoint de ces images fabriquées d'Hitler, le Pavillon populaire propose un second volet reprenant une exposition du Mémorial de la Shoah de 2013 et intitulé "Regards sur les ghettos".Prises par des photographes de propagande allemande cherchant à reproduire les stéréotypes nazis, par des "curieux" ou encore des captifs juifs témoignant de leur quotidien dans les ghettos d'Europe orientale entre 1939 et 1945, ces images dressent un constat glaçant des conséquences les plus terribles de la propagande nazie.
Les deux expositions gratuites pour tous les visiteurs au Pavillon Populaire et assorties d'un excellent catalogue permettent une réflexion sur l'orientation et l'instrumentalisation des images.