Le sénateur de l'Hérault Jean-Pierre Grand (ex-LR) veut punir la diffusion de photo ou vidéo des forces de l'ordre. Il a déposé 3 amendements pour des peines allant jusqu'à 1 an de prison et 45.000 € d'amende. Le 1er sera examiné le 17 décembre. Beaucoup crient à l'atteinte au droit d'informer.
C'est un texte qui suscite déjà une levée de boucliers : le sénateur de l'Hérault Jean-Pierre Grand (qui vient de quitter Les Républicains) veut punir de 15.000 € d'amende toute diffusion de photo ou vidéo de forces de l'ordre ou de sécurité.
Application aux journalistes comme aux particuliers
C'est le sens de l'amendement à la proposition de loi de "Lutte contre la haine" sur internet que l'élu héraultais a déposé le 3 décembre 2019 en commission et qui sera examiné en séance plénière le 17 décembre prochain. Voici ce que prévoit le texte :
Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou d'agents des douanes est punie de 15 000 euros d'amende.
La sécurité des policiers comme justification
Le sénateur justifie son amendement par la nécessité de protéger les policiers, militaires et douaniers "facilement identifiables et donc potentiellement des cibles avec leurs familles". Il précise :
Il n'existe aujourd'hui aucune contrainte légale permettant aux policiers de demander le floutage de leur visage avant la diffusion des images afin de préserver leur anonymat qui est la garantie de leur efficacité mais aussi de leur sécurité. Il est donc proposé de sanctionner la diffusion de l'image des forces de l'ordre en absence de leur accord.
Atteinte au droit d'informer
Concrètement, il s'agirait de modifier l'article 35 de la loi de 1881 sur la Liberté de la presse, qui protège cette dernière depuis près de cent quarante ans. Sur les réseaux sociaux, l'initiative de Jean-Pierre Grand a suscité de nombreux commentaires indignés, à l'instar de celui du syndicat SNJ-CGT :
Cet amendement proposé par @JeanPierreGrand est indigne d’une République démocratique, il va à l’encontre des standards mondiaux et européens de la liberté de la presse et de la liberté d’information. Il ne passera jamais mais alarmant et honteux pour la France @EFJEUROPE https://t.co/dJyGQZyrdY
— SNJ-CGT (@SnjCgt) December 9, 2019
Jean-Pierre Grand pris à partie sur les réseaux sociaux
De son côté, l'avocat parisien et membre de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) Arié Alimi appelle à la mobilisation :
A tous les journalistes, syndicats de journalistes, associations de droits humains et victimes de violences policières : projet d'amendement visant à réprimer pénalement la diffusion d'images de forces de l'ordre. #findelétatdedroit pic.twitter.com/Nlgw9EYoe9
— Arié Alimi Avocats (@AA_Avocats) December 9, 2019
Moins de 24 heures après sa publication, son message avait déjà été partagé 2200 fois. Sur Twitter, de nombreux internautes ont interpellé directement le sénateur de l'Hérault :
C votre proposition @JeanPierreGrand interdire la diffusion d'images de policiers en fonction?
— Aevalilly (@Aevalillith) December 9, 2019
Vs avez conscience que cela va totalement à l'encontre de l'État de droit?
Je ne serai pas la seule à vs demander de retirer immédiatement cette proposition anti-démocratique et ignoble pic.twitter.com/1NZdTxEHkb
Si ce sinistre amendement anti-#droitdInformer et contre la #liberteDeLaPresse devait prospérer, des jours sombres s'annonceraient. 1/ https://t.co/T8c4VhEOMh
— Nelly Terrier (@NellyTerrier) December 9, 2019
Sanctions pénales à venir ?
Mais le parlementaire va plus loin, puisqu'il a aussi déposé un autre amendement, cette fois à l'article 226-1 du Code pénal. Ce dernier protège aujourd'hui les forces de l'ordre de toute captation, enregistrement et transmission de leur image lorsque les agents se trouvent dans un lieu privé. Il s'agirait d'étendre cette interdiction aux lieux publics, comme par exemple les manifestations.
Jusqu'à un an de prison et 45.000 € d'amende
Ce second amendement ouvrirait la voie à des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Enfin, un troisième amendement prévoit d'élargir l'interdiction de révéler l'identité des agents à tous les corps des forces de l'ordre et non plus de la restreindre aux seules unités désignées par arrêté, comme actuellement le RAID ou le GIGN.